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«Cheval-Serpent»: bijoux de famille et secrets de famille (PHOTOS)

C’est la chose sexuelle qui vous attire le plus de «Cheval-Serpent»? Oui, il y a beaucoup de peau. Mais pas que ça.
Radio-Canada

Des bijoux de famille et des secrets de famille : voilà les deux grands axes autour desquels tourneCheval-Serpent, nouvel addictif puissant en dix épisodes qu’on pourra s’injecter en entier via Tou.tv Extra dès mercredi prochain, le 28 juin. Après un coup d’œil aux trois premières heures en visionnement de presse, mercredi, on vous confirme que c’est du calibre d’une drogue dure.

Cheval-Serpent, c’est cette série de Danielle Trottier, l’âme d’Unité 9, réalisée par Sylvain Archambault (Les pays d’en haut, Mensonges) et produite par Aetios, qui se déroule dans un bar de danseurs nus, et dont on a déjà beaucoup parlé en raison, justement, de son caractère osé. Radio-Canada a choisi de faire monter le thermomètre d’encore quelques degrés à l’approche des grandes chaleurs de juillet en utilisant cette fiction aux multiples ramifications comme appât estival sur sa plateforme de visionnement sur demande.

Une excellente décision : dévoilée hors-trafic de la rentrée d’automne, Cheval-Serpent risque ainsi d’attirer plus de curieux en mal de nouveauté. Pour les moins pressés, la production aboutira éventuellement sur les ondes traditionnelles de Radio-Canada, mais on ignore encore à quel moment exactement.

Rappelons qu’il en coûte 6,99$ par mois pour se prévaloir de la branche «Extra» de Tou.tv et ainsi avoir accès non seulement à Cheval-Serpent, mais aussi aux autres produits rangés sur Tou.tv Extra, dont les originales Trop (sur Véro.tv) et Fatale Station, entre autres. Une partie de la deuxième saison des Simone y sera aussi déposée en primeur à la fin de l’été. Voilà qui revient bien moins cher qu’une soirée au 281!

«Cheval-Serpent»

La culture du danseur

C’est la chose sexuelle qui vous attire le plus de Cheval-Serpent? Sachez que, contrairement à ce que peut laisser entendre le titre de cet article – et tout le tapage promotionnel entourant l’émission -, les «bijoux» de famille font presque office de prétexte au reste de l’histoire imaginée par Danielle Trottier. Les «secrets » de famille, eux, y sont toutefois nombreux.

Entendons-nous : oui, il y a des muscles et des fesses d’hommes sexy et bien bâtis dans les scènes se déroulant au cabaret justement baptisé «Le Cheval-Serpent», mais peu de pénis. On en verra un par-ci, par-là, mais pas de quoi crier au scandale. Même que certains seront peut-être déçus.

Mais il y a aura quand même de la peau, beaucoup de peau, dont un extrait d’une baise marquante au troisième épisode. Yeux et oreilles chastes s’abstenir.

Cela étant, toutes les scènes de prestations dansées au bar sont non seulement criantes de réalisme - «criantes» étant le bon mot, il suffit d’avoir déjà passé un moment dans ce type de rassemblement pour le savoir -, mais également magnifiques. Le chorégraphe Uriel Arreguin (Le match des étoiles) a mis au point des numéros tape-à-l’œil et impressionnants, jamais kitsch (et Dieu sait que c’aurait pu l’être) et musicalement très intéressants. Les comédiens qui incarnent les vedettes du club – Alexandre Landry, Francisco Randez, Claude Bégin, Sacha Charles, Randy Simons et Pier-Olivier Paquet – ont eu le colossal défi de bien rendre leur rôle, mais aussi de se trémousser avec panache, élégance et sex-appeal, et c’est drôlement réussi.

Dans cet envers du décor, on rencontre Dorice McQuaid (Sophie Prégent) et David Gauthier (Guillaume Lemay-Thivierge), les deux propriétaires de l’établissement, qui en gèrent les activités d’une main de fer et d’un string de velours. Mais de velours dru, pas si doux. Ils sont respectueux et encadrants avec leurs employés, mais aussi sévères et exigeants.

De leur bouche seront évoqués tous les codes, toute la culture qui règne dans les bars de danseurs nus. Car, au-delà des attributs physiques alléchants, ce type de foire est un monde en soi, monde qu’il s’avère fascinant de découvrir dans ses aspects cachés. Sous quelles conditions engage-t-on un gars? Quelles sont les règles à suivre pour ces messieurs à la cuisse légère et aux pectoraux saillants? Que fait-on d’un danseur vieillissant, qui perd un peu le feu sacré? Même la fouille à l’entrée de la salle est une expérience en soi. Et c’est sans compter les rivalités entre les danseurs et les blagues de «madames» dans les files d’attente. On plonge dans cette société fermée et inaccessible avec délectation et on constate vite que Danielle Trottier s’est renseignée pour nourrir son écriture.

À l’extérieur de leur commerce, Dorice et David sont de proches amis. Dorice partage sa vie depuis une trentaine d’années avec Dominique (Élise Guilbault, ici grisonnante et acariâtre, mais aussi très touchante), une féministe endurcie, sommité dans le mouvement, qui désire prendre sa retraite pour des motivations qu’on taira ici.

Ensemble, elles ont élevé une fille, Simone (Catherine Saint-Laurent), dont David est le père biologique. Simone l’appelle d’ailleurs «papa». Devenue une splendide jeune femme blonde ayant hérité de la force de caractère de ses trois parents, et tout juste diplômée d’une prestigieuse université de Lyon, Simone ne sera pas pressée de rentrer au bercail, on comprendra vite pourquoi, mais prendra peut-être goût à la gestion des affaires de l’entreprise familiale.

Caïn et Abel

David est le fils de Bernard Saint-Pierre (Paul Savoie), ancien maire de Montréal, qui s’apprête à pousser son dernier souffle lorsque commence Cheval-Serpent. Les deux hommes entretiennent un rapport difficile : c’est que, tenant à son statut d’homme public rangé et respectable, Bernard Saint-Pierre n’a jamais reconnu ni assumé publiquement sa paternité et n’a jamais dévoilé au grand jour son idylle extraconjugale avec la mère de David, Odile (Louise Portal), une femme aujourd’hui meurtrie d’avoir aimé dans l’ombre cet être un peu vil, mais charismatique. Et David n’a jamais pardonné à son géniteur, qu’il connaît bien, d’avoir manipulé ainsi sa mère.

À la fin de ses jours, Bernard Saint-Pierre est toujours marié à Margaret (Marie Tifo), une dame pincée pour qui les apparences comptent plus que tout, et a passé le flambeau de la mairie à leur fils unique, Laurent (Daniel Parent), lui aussi devenu un sage et droit chef de clan, aux côtés de sa tendre épouse Anne (Marianne Farley) et de leurs deux filles. Laurent ne l’a pas plus facile que David avec son paternel et fait un peu figure de fils mal-aimé dans ce portrait bigarré. Au courant de la double vie de son conjoint, Margaret a toujours fermé les yeux, tant et aussi longtemps qu’elle n’avait pas Odile et David dans les pattes, préférant préserver l’honneur de la famille, et implorera Laurent de suivre cette voie une fois Bernard parti.

Sur son lit de mort, Bernard demande à Laurent, en guise de dernière volonté, d’aviser David de son décès imminent. Il souhaite parler à son garçon une dernière fois avant de passer l’arme à gauche. En frères illégitimes, dans une dynamique à la Caïn et Abel, Guillaume Lemay-Thivierge et Daniel Parent sont parfaits, ressemblances physiques incluses. Détaillé ainsi, l’arbre généalogique des Saint-Pierre-Gauthier-McQuade paraît bien compliqué, mais lorsqu’il prend vie sous nos yeux, on s’y repère très facilement.

On perçoit aisément que, sous le règne de Bernard Saint-Pierre, Montréal grouillait de vice et de plaisirs indécents. Un incident au «Cheval-Serpent», un coup de poing mal placé de David envers un client malcommode? Un coup de fil de Bernard au chef de police, une liasse de billets, et c’était réglé. Puis, en femme d’affaires aguerrie, Dorice sait se montrer généreuse aux caisses électorales des politiciens.

Mais les temps changent. Bernard Saint-Pierre n’est plus maire et les policiers corrompus se font vieillissants. Désormais à la tête de la ville, Laurent Saint-Pierre veut nettoyer «sa» métropole, la rendre plus cultivée et sécuritaire, agrandir les musées et rapetisser les salons de massage et autres lieux de divertissement clandestins. Lorsque les flics interrompront un spectacle tonitruant au royaume de Dorice et David, ceux-ci n’y pourront pas grand-chose. Vendetta personnelle de la part d’un Laurent mécontent du testament de son papa ou réelle intention de relustrer la rue Sainte-Catherine?

Un journaliste futé faisait remarquer, mercredi, que tout le volet «corruption» de Cheval-Serpentn’est pas sans rappeler le défunt Montréal P.Q des années 90 de Victor-Lévy Beaulieu. L’observateur allumé n’a pas tort. Ceci dit, l’intrigue est portée par des personnages solides et attachants et se révèle vraiment captivante, à défaut d’être subtile. Jeux de pouvoir, face-à-face entre moral et immoral, tabous, non-dits et émotions : combiné à un peu de chair fraîche et bien sculptée, ce cocktail ne peut qu’être explosif, et on devine que Cheval-Serpent finira par l’être dangereusement.

Cheval-Serpent, sur Tou.tv Extra dès le 28 juin.

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