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«Amours, délices et orgues»: qui aime Pierre Lapointe le suive (PHOTOS)

«Amours, délices et orgues»: qui aime Pierre Lapointe le suive

Autres FrancoFolies, autre ovni de Pierre Lapointe. Celui qui est un peu chez lui au festival tout en français de Spectra y propose cette année, à la Maison symphonique, Amours, délices et orgues, une mosaïque de quelques-uns de ses arts préférés, chanson, monologue, danse contemporaine et design, le tout arrosé d’une bonne dose de l’humour baveux qui caractérise le personnage scénique de Lapointe.

Une fresque complexe, pas désagréable, mais pas nécessairement géniale non plus, qui pourrait signifier à la fois tout et rien, et pourquoi pas son contraire également.

Pierre Lapointe s’est entouré de collaborateurs de tous les horizons pour matérialiser ce nouveau fantasme créatif, dont Sophie Cadieux à la mise en scène, Étienne Lepage aux textes, le danseur Frédérick Gravel aux chorégraphies et la designer française Matali Crasset à la scénographie.

Pierre Lapointe aux FrancoFolies

Un concept comme Amours, délices et orgues, s’il n’était pas porté par aussi notoire tête d’affiche que Pierre Lapointe, serait probablement le genre de production à l’honneur au Festival TransAmériques, dans une salle habituellement fréquentée par un public plutôt éduqué culturellement, dans le genre de l’Espace Libre.

Mais il s’agit bien ici des FrancoFolies, de son Dieu Pierre Lapointe et de la Maison symphonique. Il s’en trouvera donc pour questionner la pertinence d’un collage aussi alambiqué et disparate dans un contexte généralement aussi homogène que l’événement qui bat actuellement son plein au Quartier des Spectacles.

En revanche, on salue l’audace de Spectra d’avoir non seulement osé miser sur Amours, délices et orgues, mais d’en avoir aussi fait l’une des pierres angulaires de sa programmation 2017. Rappelons que ce nouveau bébé du coach de La voix – qui est à mille lieues de la «machine» TVA, ici – avait été annoncé il y a un an, à la fin des FrancoFolies 2016.

Insistons sur le fait qu’il n’y a probablement qu’à Pierre Lapointe que les Francos octroient pareilles fantaisies, lui qui y a, dans le passé, déployé ses trésors d’imagination dans les spectacles Pépiphonique (2005), Mutantès (2008) et Paris Tristesse (2015), et qui s’est même payé le luxe d’un tour de chant parmi les statues du Musée Grévin en 2014.

Lâcher prise

La réaction ambiante au premier contact du public avec Amours, délices et orgues, mercredi, soir de première? Alors qu’un spectateur assis juste devant nous n’a pas attendu la moitié de la représentation pour pencher la tête d’un côté et somnoler un brin, d’autres ont applaudi et hurlé à tout rompre lorsqu’est venu le moment de l’ovation finale. Ovation inégale, devrait-on préciser, debout d’enthousiasme pour les uns, confortablement assise pour les autres.

Voilà qui résume bien l’affaire. On plongera tête première ou pas dans l’univers décalé et poétique de Lapointe qui, pendant 90 minutes, nous entretiendra, avec beaucoup ou pas du tout de sérieux, d’un voyage en symbiose avec son parterre, des préjugés dans toute leur bêtise, de Beyonce et Jay-Z, des crimes homophobes, de la stupidité «des gens» et de la trop grande omniprésence de l’opinion dans l’espace public.

C’est loin d’être inintéressant : Pierre Lapointe est drôle, il a la gueule, la verve et l’intelligence de ceux qu’on a envie d’écouter lorsqu’ils parlent et, musicalement, il n’a plus rien à prouver. Le très peaufiné aspect visuel d’Amours, délices et orgues et les portions de danse contemporaine ne sont pas à dédaigner non plus, même si, soyons francs, une assistance néophyte se questionnera certainement au gré des tableaux sur la symbolique de tous ces éléments réunis.

Essentiellement, Amours, délices et orgues se veut une succession de numéros, parlés ou chantés. Le fil conducteur? La réflexion philosophique, sentimentale, sociale. Pierre Lapointe entrecoupe ses tirades de prestations musicales, sur des morceaux de son répertoire déjà existant (Tel un seul homme) ou de celui à venir (La science du cœur).

Encore une fois, il faudrait peut-être être dans la tête de Pierre Lapointe pour comprendre pourquoi, par exemple, la pièce L’alphabet suit cette anecdote de souper new-yorkais chez deux célébrités, et pour quelle raison Parle-moi de demain couronne l’explication et l’analyse de l’outil qu’est le marteau. Peut-être ne faut-il pas chercher à comprendre, justement, mais les plus rationnels auront sans doute du mal à lâcher prise.

À plusieurs endroits, on aura l’impression d’être dans une répétition générale, alors que tout l’entourage de Pierre Lapointe dans le projet se trouve non loin de lui sur scène. Au début, par exemple, le groupe fait irruption sur les planches sans crier gare et s’affaire à placer et déplacer des objets, comme si de rien n’était, et la salle n’en fera pas de cas, croyant qu’on règle des détails de dernière minute. Il faudra que la voix de la metteure en scène Sophie Cadieux résonne dans la résidence de l’Orchestre symphonique pour qu’on réalise que le spectacle s’apprête à commencer.

Le reste de la soirée, les complices de Lapointe joueront d’instruments de musique ou déplaceront ces immenses structures aux multiples facettes - triangulaires, pentagonales ou hexagonales, à surface blanche unie, à dessin de cible ou en miroir, qui seront en constante mouvance et installées selon des schémas précis, dans des dispositions diverses – qui constituent le décor d’Amours, délices et orgues. Les partenaires seront, pendant tout ce temps, les faire-valoir du showman, roi et maître de l’espace.

À un certain moment, le comédien Éric Bernier viendra croiser le fer avec notre hôte dans une fascinante joute verbale, fondée sur le gros bon sens, l’introspection, l’humilité, la politesse et autres conventions sociales. Lapointe y exprimera toute la suffisance qu’on lui connaît, non sans qu’on décèle une certaine vérité dans son propos. Autre instant puissant, cet éloge à la différence, sur une adaptation de la chanson Glad To Be Gay(Fier d’être gay), de Tom Robinson.

En conclusion, avons-nous apprécié Amours, délices et orgues? C’a bien peu d’importance. Qui aime Pierre Lapointe le suive.

Amours, délices et orgues est présenté à la Maison symphonique jusqu'à samedi, le 17 juin. Les 29e FrancoFolies de Montréal se poursuivent pour leur part jusqu'au 18 juin.

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