Des milliers de personnes convergeront ce soir vers le Palais des congrès de Montréal pour entendre l'ex-président américain Barack Obama. Celui qui est reconnu comme l'un des orateurs les plus doués de sa génération critiquera-t-il celui qui déboulonne son héritage et s'en prend à l'allié canadien?
Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf
Montréal deviendra ce soir la première ville canadienne à accueillir le citoyen Barack Obama depuis qu'il a quitté la Maison-Blanche, en janvier dernier.
À l'invitation de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, le 44e président des États-Unis partagera sa vision de l'avenir avec des milliers de spectateurs.
Une vision aux antipodes de celle de son successeur, Donald Trump, qui tente d'abroger l'Obamacare, a abandonné l'Accord de Paris sur le climat, renié le Partenariat transpacifique et bousculé ses alliés de l'OTAN.
« C'est pratiquement de l’acharnement personnel à l’endroit d’Obama et de son héritage », juge Ginette Chenard, coprésidente de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand de l’UQAM.
«Mais il ne faut pas s’attendre à ce qu’Obama s’engage lui-même dans un discours critique à l’endroit du président Trump, même si les gens aimeraient bien l’entendre parler de ce qui se passe à Washington.» - Ginette Chenard, coprésidente de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand
Ce serait contraire à la tradition, souligne l'ancienne déléguée du Québec à Atlanta.
George W. Bush avait tenu à respecter un devoir de réserve lorsqu'il avait pris la parole devant un public montréalais, en 2009, rappelle l'ex-délégué du Québec à New York John Parisella, qui avait mené la discussion avec l'ex-président.
« M. Bush avait été clair : il m'avait dit qu'il n'y avait pas de restrictions quant aux questions, mais qu'il ne commenterait pas les politiques ou le bilan de son successeur », précise-t-il.
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John Parisella souligne en outre la nature « réfléchie » de Barack Obama, pour qui il a œuvré comme bénévole lors des campagnes présidentielles de 2008 et 2012.
« Ce n’est pas dans son tempérament de faire un discours fâché. Ça va être ‘‘no drama Obama’’.» - John Parisella
« Je ne pense pas qu'il va essayer de régler des comptes et de se livrer à une attaque en règle », poursuit-il, estimant que ce n'est pas dans son intérêt.
Jeunesse et environnement au menu
« Obama devrait plus livrer un message d’espoir, d’engagement et de leadership, qui va s’adresser davantage aux jeunes », croit Ginette Chenard. Il devrait les inciter à s'impliquer dans leur communauté pour rendre le monde meilleur, comme il l'a fait au cours des dernières semaines, à Chicago et à Berlin.
Une opinion que partage John Parisella. « Ça va être difficile d'éviter complètement certaines questions d'actualité », relève-t-il toutefois, évoquant les attentats de Londres, le retrait de l'Accord de Paris et la relation avec les alliés de l'OTAN.
« Je m’attends à ce qu'il exprime quelques critiques voilées, dans des termes très diplomatiques, sur les grands thèmes des derniers jours : la sécurité et les changements climatiques », dit-il.
Même s'il n'aborde pas les enjeux de façon conflictuelle, « il ne peut pas ignorer ses préoccupations qui ont été les siennes pendant ses deux mandats », fait valoir Ginette Chenard. Elle croit aussi qu'il abordera la lutte contre le réchauffement climatique, « mais en encourageant les pays à poursuivre leur engagement ».
Et le Canada?
Récemment, Donald Trump a imposé des droits compensateurs sur le bois d’œuvre canadien, critiqué l’industrie laitière du pays et appelé à renégocier l’ALENA, voire à « s’en débarrasser ».
Il ne devrait pas pourtant être question du bois d'œuvre, affirment John Parisella et Ginette Chenard, puisque Obama lui-même n'a pas réglé la question.
« Ça m’étonnerait qu’il ne parle pas du libre-échange, ne serait-ce que pour rassurer sur l'importance de nos liens avec les États-Unis », ajoute cependant Ginette Chenard, rappelant la bonne relation entre Barack Obama et Justin Trudeau.
S'il parle de libéralisation des échanges, il devrait le faire en liant la sécurité à la mondialisation de l’économie, affirme John Parisella, comme après la Seconde Guerre mondiale, alors qu'on plaidait que « les gens ne se lancent pas des bombes quand ils font du commerce ensemble ».
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