Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Quand résoudre un problème mathématique devient un casse-tête pour élèves et enseignants

Pour vous donner une idée de la difficulté, tentez de résoudre le problème dans l'exemple!
Little boy in math class overwhelmed by the math formula.
Imgorthand via Getty Images
Little boy in math class overwhelmed by the math formula.

Chaque année, des enseignants du primaire se sentent impuissants devant des élèves stressés, anxieux et angoissés à l'idée de résoudre des problèmes mathématiques. Ils allèguent que les tâches qu'on leur présente sont trop difficiles. Au-delà des revendications syndicales et des messages politiques, il y a la réalité que deux enseignantes ont voulu raconter à Radio-Canada. Elles lancent un véritable cri du cœur.

Un texte de Marie-Pier Bouchard

Une enseignante de 6e année, que nous appellerons Nathalie pour protéger son identité, décrit des scènes qui lui crèvent le coeur chaque année au moment de l'épreuve ministérielle de mathématiques.

Elle a accepté de nous raconter ce qu'elle vit avec ses élèves sous le couvert de l'anonymat parce qu'elle craint des représailles.

Selon elle, le temps maximum alloué de 2 heures n’est pas suffisant pour mettre en pratique les stratégies enseignées au cours de l'année scolaire, pour présenter une démarche claire et pour se réviser.

Généralement, les enseignants de 6e année font l'examen avant de le faire passer aux élèves. Ils réussissent à le terminer, sans perte de temps, en 1 h 30.

«Un enfant qui se rend compte qu’il a fait une erreur manque de temps pour recommencer. Il a débloqué parce qu’il s’est rendu compte qu’il s’est trompé, mais je serais censée lui enlever sa copie. Voyons donc, ça n’a pas de bon sens.» -Nathalie, enseignante de 6e année

Nathalie constate que l'écart est énorme entre les plus performants et les élèves en difficulté.

Difficile aussi pour les plus petits

Cathy Morissette, enseignante en 3e année à l’école Sacré-Cœur de Trois-Rivières, fait le même constat que Nathalie.

Sur les 24 élèves de Mme Morissette cette année, il y en a environ 5 qui réussissent à résoudre un problème mathématique avec facilité et obtiennent des résultats qui varient entre 90 % et 100 % alors que les autres élèves obtiennent un résultat qui tourne autour de la note de passage de 60 % ou se retrouvent en échec.

Faites le test

Ci-dessous un problème mathématique à résoudre qui fait partie d'une banque d'examens préparée pour des élèves de 4e année, c'est-à-dire des enfants de 9 et 10 ans.

Une enseignante l'a fait passer dans sa classe et, sur un total de 21 élèves, 8 n'ont pas atteint la note de passage.

Vous trouverez la feuille pour inscrire vos réponses ainsi que le corrigé à la toute fin de ce texte.

Cathy Morissette a parfois l'impression d'évaluer la maturité du cerveau de l'élève plutôt que sa connaissance mathématique.

Selon elle, résoudre un problème a quelque chose de très abstrait pour les élèves.

«Pour le primaire, ce qu'on nous demande de faire, c'est presque de l'impossible» - Cathy Morissette, enseignante de 3e année du primaire à l'école Sacré-Coeur de Trois-Rivières

Dans la plupart des cas, on demande aux élèves de planifier un événement ou un voyage tout en respectant un budget et de nombreuses contraintes alors q’un enfant, bien souvent, n’a jamais rien organisé de tel.

Raisonner ou résoudre un problème mathématique?

Au primaire, en mathématiques, plusieurs concepts sont enseignés aux élèves afin qu’ils développent des compétences, telles que raisonner et résoudre un problème mathématique.

C’est cette dernière, résoudre un problème mathématique, qui préoccupe les enseignants qui se sont confiés à nous. La démarche est plus longue et nécessite la maîtrise de plusieurs concepts.

La confiance des enfants ébranlée

Cathy Morissette remarque que le sentiment de compétence de plusieurs élèves est grandement affecté.

Le niveau de difficulté, selon elle et plusieurs autres enseignants consultés, n’est pas adapté au niveau de maturité des élèves.

«L’enfant a l’impression qu’il n’est pas bon en mathématiques, mais ce n’est pas qu’il n’est pas bon en mathématiques, c’est qu’il n’est pas rendu là. On ne peut pas tirer sur la carotte si elle n’est pas mûre. Ça ne donne rien.» - Cathy Morissette, enseignante de 3e année à l'école Sacré-Coeur de Trois-Rivières

L’espoir de se faire entendre

Les enseignants avec qui nous avons discuté ont l’impression que personne ne les écoute.

«On en parle à nos cadres, aux commissions scolaires, on écrit toujours nos rétroactions au ministère et il n’y jamais de réponse à notre cri du cœur. C’est ça que je veux qu’on entende aujourd’hui.» - Nathalie, enseignante de 6e année

Nathalie ne remet aucunement en question l’importance d’évaluer les enfants à la fin de leur parcours primaire, mais il faut alléger la tâche des élèves selon elle.

Elle souhaite aussi qu'on laisse davantage de place au jugement des enseignants dans la correction, que l’on respecte plus le rythme des élèves et que le temps de libération pour la correction soit revu à la hausse pour les enseignants afin d’avoir de la relève en 6e année.

«Ce n’est pas un niveau qui est apprécié. Entre autres à cause de la lourdeur des tâches qui viennent avec.» - Nathalie, enseignante de 6e année

Cathy Morissette croit que résoudre un problème mathématique est une compétence qui devrait être réservée au secondaire et que le programme devrait prévoir plus de temps pour la manipulation des concepts mathématiques afin que l’enfant puisse bien les maîtriser avant de passer à une autre étape.

«Je ne suis pas contre le fait d’enseigner à l’enfant à résoudre des problèmes, à aller chercher différents concepts. Mais je suis contre le fait de l’évaluer par exemple.» - Cathy Morissette, enseignante de 3e année à l'école Sacré-Coeur de Trois-Rivières

Il faudrait, selon Mme Morissette, que les élèves puissent vivre encore plus de situations concrètes en classe afin de consolider leurs acquis pour les niveaux supérieurs.

Voir aussi:

La plus belle école du Singapour

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.