CLIMAT - Donald Trump avait-il toutes les cartes en main lorsqu'il a pris la décision de retirer les États-Unis de l'Accord de Paris? Il aurait été utile qu'il s'intéresse à l'île de Tangier.
Située à 22 kilomètres des côtes américaines, l'île de Tangier est menacée par une érosion galopante, accélérée par le réchauffement climatique et la montée des eaux. Il ne reste actuellement qu'un tiers de la surface de l'île. D'ici une quarantaine d'années, Tangier aura disparu si rien n'est fait.
"Ça semble empirer chaque année"
"Quand j'étais enfant et qu'on allait à la plage, il nous fallait presque une heure", se souvient Carol Pruitt Moore, issue d'une des vieilles familles de pêcheurs de l'île. Aujourd'hui, cela ne prend qu'une dizaine de minutes depuis le village. "Ne pas sauver Tangier serait une tragédie".
De son côté, le pêcheur William Eskridge observe l'eau qui grignote dangereusement son jardin: "au moins 30 mètres de terre ont disparu, rien qu'avec l'érosion. Et ça semble empirer chaque année". La famille Eskridge est installée sur l'île de Tangier depuis environ 200 ans, mais les petits-enfants de William ne pourront probablement plus y venir d'ici quelques années.
Pas la faute du climat?
Pourtant, les positions de Donald Trump, qui vient d'annoncer le retrait des Etats-Unis de l'accord de Paris sur le climat et a promis de supprimer les régulations environnementales, ont trouvé écho à Tangier. Le président américain a obtenu 87% des voix sur l'île, où l'argument climatique passe mal.
"Ca n'a rien à voir avec la montée des eaux, c'est loin. Je suis sûr que cela aura un impact sur nous un jour. Mais là on parle d'érosion à court terme qui a lieu depuis des décennies", soutient Bruce, professeur retraité sur l'île.
Maire de l'île, James Eskridge réclame la construction d'une nouvelle digue pour protéger l'ouest. "Ce projet est en discussion depuis, je dirais, presque 20 ans. Et depuis, en 20 ans, il y a eu tellement d'érosion que le projet d'origine ne fonctionnerait pas".
Ces lenteurs administratives ubuesques frustrent les habitants de l'île, qui la voient s'éroder à vue d'œil. La digue devrait finalement voir le jour en 2018, mais ne sera qu'un pansement.
Si, si, c'est bien à cause du climat
Dave Schulte, biologiste marin pour le corps des ingénieurs de l'armée, marche sur ce qui était autrefois le village de Canaan. Il n'en reste aujourd'hui que quelques pierres tombales sur une plage. Abandonné dans les années 30, Canaan rappelle que l'érosion a toujours été un problème à Tangier.
Mais pour le biologiste, le réchauffement climatique accélère dangereusement le phénomène et la montée des eaux a déjà commencé. "L'eau est désormais assez haute pour attaquer au-dessus de la ligne de sable. Par dessus, il y a une couche de tourbe marécageuse qui est un sol d'argile très mou. Ca se brise très facilement. Une fois que l'eau est assez haute pour atteindre cette couche, ça revient à simplement réduire l'île en morceaux".
Pour sauver Tangier à long terme, le scientifique préconise la construction de digues supplémentaires et un renflouement des terres: "on va en mer, on drague des matières sableuses et on les pompe vers les sommets".
"À un certain moment, il sera trop tard"
Les élus du Congrès doivent encore donner leur aval pour une nouvelle étude qui déterminera quelles mesures peuvent être prises pour sauver l'île. Puis ils devront voter le financement d'un tel projet, qui est estimé à plusieurs dizaines de millions d'euros.
Pour John Bull, membre de la commission des Ressources marines de l'Etat de Virginie, une décision doit être prise rapidement. "Les changements environnementaux que nous observons indiquent qu'à un certain moment, il sera trop tard pour sauver Tangier".
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