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L'anxiété de performance, un fléau chez les ados

Voici quelques témoignes d'étudiants québécois.
University Student - Depress
LSOphoto via Getty Images
University Student - Depress

Crises d'angoisse et de larmes, maux de tête et de ventre, absentéisme, dépressions, troubles alimentaires et idées suicidaires : l'anxiété de performance fait de plus en plus de ravages dans les écoles secondaires. Témoignages.

Un texte de Katherine Tremblay de Remue-ménage

La plupart des étudiants sont capables de gérer le stress causé par les examens, les évaluations et la charge de travail parfois imposante. Mais pour certains, ça provoque de l’anxiété de performance : une peur intense d’échouer et de décevoir.

Combien d’étudiants sont affectés? Difficile à dire, car très souvent, ils n’en parlent pas. Cependant, on constate que ce sont majoritairement des filles qui en souffrent.

François Gervais travaille depuis 25 ans auprès de jeunes, à l’École secondaire d’Oka, à titre d’animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire. Il l’affirme : la situation est alarmante.

«J’ai hâte qu’on se mobilise pour ce que j’appelle le syndrome de la médaille d’or. Le stress de la performance fait que les étudiants résument toute leur personne aux notes. C’est criant.» - François Gervais, animateur de vie spirituelle et d’engagement communautaire

Chantal Hallée, directrice de l’école secondaire Saint-Stanislas, à Saint-Jérôme, partage cette préoccupation. Pour faire face à la situation, elle a notamment formé son personnel, qui se sent démuni.

«Le stress de performance me préoccupe énormément. Les enseignants sont extrêmement préoccupés. Ils nous disent : " on a vraiment besoin d’être formés pour faire face à ces élèves-là." »- Chantal Hallée, directrice de l’école secondaire Saint-Stanislas à Saint-Jérôme

Sources d’anxiété

Les causes de cette anxiété sont multiples. Mais il est clair que la société de performance dans laquelle nous évoluons a de lourdes conséquences. La valorisation des résultats scolaires et les attentes élevées du personnel enseignant peuvent, chez certains étudiants, être source d’angoisse.

Toutefois, bien des étudiants avouent être leur pire ennemi, de par la pression qu’ils s’imposent à eux-mêmes. Les parents peuvent, consciemment ou inconsciemment, mettre de la pression. Sans compter celle imposée par la représentation dans les réseaux sociaux.

Pour illustrer ce phénomène, nous avons rencontré des étudiants de quatre écoles secondaires. Voici le témoignage de quatre d’entre eux.

Sulliman : la dépression

Sulliman avoue qu’il se met lui-même de la pression. Il veut toujours se surpasser. Or, le stress est devenu si intense qu’en classe, il a de la difficulté à se concentrer. Il ne pense qu’aux travaux à remettre et aux examens à étudier.

«C’est comme un cercle vicieux, parce que plus j’étais stressé par l’école, plus mes notes descendaient. Plus mes notes descendaient, plus j’étais stressé.» - Sulliman

Sulliman a touché le fond en 4e année du secondaire. Diagnostic : dépression. Certains symptômes l’affectent dès son entrée au secondaire. Or, pendant toutes ces années, il n’a pas voulu en parler. Pas même à ses parents.

«Je n’aime pas ça voir les gens quand ils sont tristes, et je ne voulais pas rendre mes parents tristes en leur parlant de ça.» - Sulliman

Arianne : des idées suicidaires

Au début de sa 4e année du secondaire, Arianne se sent perdue. Cette anxiété, elle ne l’avait jamais ressentie aussi intensément.

«On stresse tous pour un examen. Mais là, ça devenait répétitif. C’est là que j’ai commencé à douter. Puis douter, ça m’amenait la peur. C’est là que j’ai perdu le contrôle de moi-même.» - Arianne

La peur est souvent un symptôme de l’anxiété de performance. Les étudiants s’imaginent une escalade de scénarios catastrophes s’ils n’obtiennent pas une bonne note.

La pression d’être la grande sœur modèle s’ajoute au stress d’Arianne. Elle a peur de décevoir sa famille et ses amis avec ses résultats scolaires.

Arianne commence alors à avoir des idées suicidaires. Elle en a tellement sur les épaules qu’elle sent qu’elle va s’écrouler. Selon elle, la valorisation de la réussite scolaire ne doit pas se faire au détriment de la santé mentale.

«Les professeurs et la direction veulent notre réussite. C’est beau, c’est fin pour vrai, mais au moins, il faut s’assurer que notre réussite est correcte, et qu’on ne va pas sortir d’ici avec des dépressions, qu’on ne va pas sortir d’ici avec des idées suicidaires.» - Arianne

Tristan et l’anxiété

Pour Tristan, le passage du primaire au secondaire marque le début d’une période trouble. La perte d’un encadrement serré et l’augmentation de la charge de travail le rendent extrêmement anxieux.

«J’arrivais chez nous, j’avais beaucoup de devoirs, je pleurais, j’étais plus capable. Je faisais de l’insomnie parce que je pensais trop à mes devoirs, à mes projets.» - Tristan

Des recherches du Centre d’études sur le stress humain démontrent que lors de cette transition, les niveaux d’hormones de stress chez les adolescents augmentent de manière significative.

Comme bien des étudiants, Tristan place l’école au centre de sa vie et sacrifie tout le reste : amis, activités sportives, sorties, etc. Une grave erreur, selon la pédopsychiatre Patricia Garel du Centre hospitalier universitaire (CHU) Sainte-Justine, à Montréal.

«C’est contre-productif. Une très bonne façon de traiter l’anxiété, ce sont justement les activités physiques, le sport. C’est justement une façon d’avoir une vie plus équilibrée.» - Patricia Garel, pédopsychiatre au CHU Sainte-Justine

Catherine et les troubles alimentaires

Catherine est une bonne étudiante et pourtant, elle pleure chez elle en pensant aux examens. Elle a de la difficulté à gérer le flot de pensées anxiogènes qui tournent dans sa tête.

«Je me dis que je ne réussirai jamais ce que je veux être. Que si j'ai une mauvaise note, je vais doubler, puis être la seule de ma famille qui va avoir doublé. Peut-être vont-ils moins m'aimer parce que je suis moins bonne.» - Catherine

Perfectionniste, elle se met énormément de pression dans toutes les sphères de sa vie. Mais à sa deuxième année du secondaire, rien ne va plus. Catherine est hospitalisée au CHU Sainte-Justine pour des troubles alimentaires.

De 5 à 10 % des Québécois de 14 à 18 ans souffriront de dépression majeure à l'adolescence.

«Je voulais être la petite parfaite. La Catherine qui étudie tout le temps, qui est belle, qui est mince, qui fait du sport, qui mange bien.» - Catherine

Aujourd’hui, elle se permet d’avoir des notes plus basses, même si c’est difficile, et arrive à mieux contrôler ses pensées.

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