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Nomination «partisane» aux langues officielles: Madeleine Meilleur sur le gril

Nomination aux langues officielles: Madeleine Meilleur sur le gril
La Presse Canadienne/Colin Perkel

Un café avec Katie Telford, une discussion avec Gerald Butts. La candidate de Justin Trudeau pour le poste de commissaire aux langues officielles a approché les deux plus proches collaborateurs du premier ministre pour leur signaler son intérêt avant le déclenchement du processus de nomination.

L'opposition considère que l'intégrité du processus de désignation "ouvert et fondé sur le mérite" du gouvernement libéral a été sérieusement entachée en raison des révélations faites par Madeleine Meilleur devant le comité des langues officielles, jeudi.

Les députés conservateurs et néo-démocrates n'en attendaient probablement pas tant. Mais à force de talonner l'ancienne ministre libérale ontarienne, ils ont appris que cette dernière avait eu un accès privilégié à l'entourage du premier ministre qui l'a désignée commissaire.

Ainsi, Mme Meilleur a dévoilé avoir approché son secrétaire principal, Gerald Butts, ainsi que sa chef de cabinet, Katie Telford, ces deux anciens de Queen's Park sont les plus influents du gouvernement Trudeau.

"J'ai parlé à Gerald Butts, que je connais bien, parce qu'il travaillait pour M. (Dalton) McGuinty à Toronto et je l'ai côtoyé. Alors c'est ça, j'ai exprimé... on m'a bien expliqué qu'il y avait maintenant un processus (...) et que je devais passer à travers ce processus-là, et c'est ce que j'ai fait", a-t-elle dit.

"J'ai pris un café avec Katie. Je lui ai demandé si je pouvais servir les Canadiens. Il n'y a pas eu de rétroaction, je lui ai simplement dit que j'aimerais continuer à servir", a expliqué Mme Meilleur un peu plus tard au cours de son témoignage.

Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, n'en revenait pas. "C'est un processus opaque, factice, de consultation. (...) C'est ce qu'on a appris aujourd'hui", a-t-il lâché en mêlée de presse à sa sortie de la salle de réunion du parlement.

L'ancienne députée d'Ottawa-Vanier a trouvé cette entrée en scène pénible. "Je savais que ça n'allait pas être facile aujourd'hui, a-t-elle laissé tomber après sa comparution. C'est difficile (...) quand on remet en question mon intégrité."

Les députés qui ont talonné la Franco-Ontarienne en comité ont insisté à maintes reprises que leurs récriminations concernaient le processus de nomination plutôt que ses compétences et son expérience.

Mais la séance a donné lieu à des échanges corsés, notamment entre elle et un Thomas Mulcair incisif à souhait.

Lorsque ce dernier a soulevé sa proximité avec le Parti libéral du Canada (PLC) et ses contributions financières tant au parti que pour la course au leadership de Justin Trudeau, elle a riposté qu'elle ne pouvait "effacer 13 ans de vie politique partisane".

"C'est justement ça le problème, Mme Meilleur", lui a répliqué le leader du tac au tac, soutenant que le premier ministre Trudeau a "fait une erreur" en la sélectionnant.

"Vous n'avez pas cette distance critique, lui a balancé le chef. Vous êtes trop collée sur les libéraux."

L'ancienne élue, qui s'est retirée de la vie politique en juin dernier, a défendu son impartialité, promettant d'être "très non partisane" si sa nomination à ce poste d'agent du Parlement est confirmée et plaidant qu'elle "aimerait bien que les gens (l)'évaluent sur ce (qu'elle) ferait".

À la lumière des révélations faites en comité, l'opposition s'est déchaînée pendant la période des questions en Chambre. La ministre responsable du dossier des langues officielles, Mélanie Joly, a passé une bonne partie de la séance à défendre la nomination.

Avant son entrée aux Communes, lors d'une brève mêlée de presse, elle avait insisté sur la compétence et l'expérience de la candidate retenue par Justin Trudeau et esquivé les questions sur les rouages du processus de nomination.

"L'objectif du processus est de trouver la meilleure candidate. Nous l'avons trouvée, nous en sommes très fiers", a tranché Mme Joly.

Au bureau de Justin Trudeau, on a continué de défendre, jeudi après-midi, le processus ayant mené à la sélection de la libérale de longue date.

"La décision de nommer Mme Meilleur est le résultat d'un processus rigoureux, ouvert et entièrement fondé sur le mérite", a écrit dans un courriel Cameron Ahmad, l'attaché de presse du premier ministre.

"Après de nombreuses évaluations, Mme Meilleur s'est révélée être la candidate la plus qualifiée pour cet important poste", a-t-il ajouté, confirmant dans un courriel subséquent que le gouvernement n'avait pas l'intention de retirer la nomination contestée.

La principale intéressée avait signalé à l'issue de sa comparution devant le comité qu'elle ne comptait pas non plus se désister. Lorsqu'on lui a demandé si Justin Trudeau pourrait renverser la nomination, elle a répliqué: "J'espère que non, mais ça va être sa décision".

En vertu de la Loi sur les langues officielles, cette nomination doit être approuvée par la Chambre des communes et par le Sénat. Le comité sur les langues officielles disposera de 30 jours au préalable pour examiner la candidature et en faire rapport aux députés.

Celle qui se retrouve aujourd'hui au coeur d'une tempête s'est fait connaître pour son rôle dans la bataille victorieuse contre la fermeture de l'hôpital francophone Montfort, à Ottawa, dans les années 1990.

Au cours de sa carrière politique, elle a occupé plusieurs postes au sein du gouvernement ontarien, dont celui de ministre déléguée aux Affaires francophones, de ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels de même que celui de procureure générale.

Avant son apparition au comité, l'opposition avait déjà tenté de lui barrer la route.

Les partis d'opposition estiment que le premier ministre Trudeau a laissé la partisanerie guider son choix et qu'il n'a pas dûment consulté leurs chefs, comme le stipule l'article 49 de la Loi sur les langues officielles.

Les leaders parlementaires des deux formations ont donc fait un rappel au règlement à la Chambre des communes, mercredi, pour demander des clarifications à cet égard. Le président de la Chambre, Geoff Regan, n'avait pas encore rendu son verdict, jeudi.

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