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Des normes environnementales sur les hydrocarbures HAP assouplies à la demande de l'industrie

Des normes environnementales assouplies à la demande de l'industrie
Radio-Canada

La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) a revu à la baisse les normes de rejet d'hydrocarbures dans les égouts pluviaux à la suite de pressions de l'industrie. Des scientifiques et des écologistes dénoncent ce changement passé inaperçu en 2013, qui va, selon eux, à l'encontre des principes de protection de l'environnement.

Un texte d'Alexandre Touchette

C’est la Ville de Montréal qui a fait pression sur la CMM pour assouplir une nouvelle norme sur les rejets d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), qui allait entrer en vigueur en vertu du Règlement 2008-47 sur l’assainissement des eaux.

Une étude réalisée en vue de l’adoption de cette norme plus sévère avait démontré que 24 établissements industriels montréalais dépassaient la norme maximale fixée à 1 microgramme par litre pour les HAP. Des dépassements qui survenaient, entre autres, chez des buanderies industrielles, des entreprises de nettoyage de barils et de camions-citernes ainsi que des industries chimiques et pétrochimiques.

La CMM a tenu des consultations publiques sur l’allègement des normes réclamé par plusieurs entreprises, dont le Terminal Norcan inc., qui transborde du pétrole au port de Montréal. Selon le Conseil patronal pour l’environnement du Québec, ce règlement risquait d’entraîner la délocalisation d’industries hors de la Communauté métropolitaine.

«Quand on demande de revoir les normes un peu à la baisse, c’est parce que les entreprises vont avoir réalisé des projets pilotes, vont avoir mis en place différentes mesures et, malgré tout, elles n’y arrivent pas, malgré les investissements économiques importants.» - Hélène Lauzon, présidente du Conseil patronal pour l’environnement du Québec

Aucun scientifique indépendant aux audiences

La porte-parole de la coalition Eau Secours, Martine Chatelain, a été surprise de constater, lors des audiences publiques, qu’aucun scientifique indépendant n’avait été invité pour commenter la pertinence d’alléger la réglementation sur les HAP. « Ça ne s’est pas fait sur une question de science, mais ça s’est fait sur la base du besoin d’un client, et ça ne devrait pas être comme ça. C’est l’envers d’un processus normal, on met une norme sur une base scientifique et on met ensuite des amendes pour ceux qui ne respectent pas la norme. »

Au terme de ce processus, la Ville de Montréal a convaincu la CMM de faire passer de 1 microgramme par litre à 200 microgrammes par litre la limite de rejet des HAP non cancérigènes dans les égouts pluviaux, qui s’écoulent dans les cours d’eau. La Communauté métropolitaine a accepté cet assouplissement, pourvu que la limite demeurait à 1 microgramme par litre pour les neuf HAP reconnus comme cancérigènes.

Dans un courriel, la CMM affirme que la modification visait à rétablir le bon degré de sévérité des normes en fonction de la toxicité des substances en cause, et non à favoriser les industries. De plus, les scientifiques consultés au ministère de l’Environnement du Québec étaient d’accord avec la démarche de modification.

Cancérigènes, non; toxiques, oui

Pourtant, certains HAP non cancérigènes, dont la limite a été multipliée par 200, sont tout de même extrêmement toxiques. Par exemple, les recommandations pour la protection de la vie aquatique émises par le Conseil des ministres canadiens de l’environnement pour les HAP fixent à 0,012 microgramme par litre la limite pour l’anthracène et à 0,015, celle pour le benzo(a)pyrène.

C'est ce qui fait dire à la sénatrice et ingénieure Rosa Galvez que l’approche de la CMM est boiteuse.

«Quand on parle de plusieurs HAP, immédiatement, on devrait parler des effets cumulatifs. Des effets d’avoir une soupe de HAP et pas d’un seul HAP. Donc, ce n’est pas adéquat d’utiliser cette méthode-là quand on essaie d’évaluer le potentiel de toxicité d’un effluent qui contient une famille de HAP.» - Rosa Galvez, sénatrice et professeure au département de génie civil et de génie des eaux à l’Université Laval

Le cas de Toronto

Contrairement à la CMM, la Ville de Toronto ne discrimine pas entre les HAP selon qu’ils soient cancérigènes ou non. La réglementation torontoise fixe à 2 microgrammes par litre les rejets de tout HAP dans l’égout pluvial, une norme 100 fois plus sévère que celle de la CMM.

Pour la professeure Rosa Galvez, l’argument économique mis de l’avant par la Ville de Montréal pour justifier l’allègement de la réglementation est fallacieux et ne tient pas compte de l’intérêt de la population.

«Que ce soit un coût de traitement ou un coût pour la santé parce qu’on s’est rendus malades avec ces polluants, il y a toujours un coût. Donc, l’approche globale d’évaluation doit changer. Si ce n’est pas la compagnie qui va nettoyer, bien, un moment donné, ça va être la municipalité, donc, c’est nous.» - Rosa Galvez, sénatrice et professeure au département de génie civil et de génie des eaux à l’Université Laval

La CMM et la Ville de Montréal ont défendu l’assouplissement de la norme sur les HAP en affirmant que le coût du traitement des eaux contaminées par les entreprises dépasserait largement les bénéfices environnementaux, mais aucune donnée n’a été fournie pour justifier cette position.

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