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Affaire KPMG: Justin Trudeau a-t-il violé ses règles d'éthique?

Affaire KPMG: Justin Trudeau a-t-il violé ses règles d'éthique?
CP

Le trésorier du Parti libéral du Canada (PLC) est un ancien cadre de KPMG, ont découvert Radio-Canada et CBC. Sa nomination, survenue alors que des députés examinaient les pratiques controversées du cabinet comptable dans un paradis fiscal, place Justin Trudeau en situation de conflit d'intérêts, selon un expert en éthique.

Un texte de Harvey Cashore, Gaétan Pouliot et Frédéric Zalac

John Herhalt travaillait pour KPMG lorsqu’il a été choisi pour superviser les finances du PLC en juin 2016. Au même moment, le comité des finances à Ottawa se penchait sur les activités du cabinet comptable à l’île de Man.

L’Agence du revenu du Canada soutient que KPMG a mis sur pied un stratagème destiné à tromper le gouvernement afin de cacher la fortune de riches Canadiens dans ce paradis fiscal situé entre l’Angleterre et l’Irlande.

Selon Duff Conacher, professeur invité d'éthique à l'Université d'Ottawa et cofondateur de l'ONG Democracy Watch, le choix de John Herhalt comme trésorier démontre que Justin Trudeau a violé ses propres règles d’éthique.

« Dans un document intitulé Pour un gouvernement ouvert et responsable, le premier ministre a lui-même mis en place des normes qui disent que vous ne pouvez même pas vous placer en apparence de conflit d’intérêts », explique Duff Conacher.

En tant que chef de sa formation politique, Justin Trudeau siège au conseil d’administration du Parti libéral, tout comme le trésorier John Herhalt. Le plus proche conseiller du premier ministre, Gerald Butts, siège aussi à cette haute instance libérale.

La constitution du PLC indique d’ailleurs que le trésorier peut seulement être nommé avec le « consentement » du chef du parti.

Herhalt est un proche des libéraux. Il a été remercié en tant que bénévole par Justin Trudeau peu de temps après son assermentation.

Le moment de la nomination de M. Herhalt à titre de trésorier, un poste clé non rémunéré, fait aussi sourciller le porte-parole de Democracy Watch.

Cette nomination est survenue peu de temps après que le comité des finances - dominé par des députés libéraux - a mis un terme à ses travaux sur le cabinet comptable, refusant d'entendre des experts indépendants sur la question.

Quelques jours auparavant, les avocats de KPMG avaient envoyé une lettre au président du comité, le libéral Wayne Easter, disant qu’il serait injuste de faire témoigner des experts alors que la compagnie devait se défendre dans une cause devant la Cour canadienne de l'impôt.

Les comités parlementaires sont indépendants du gouvernement, mais Duff Conacher y voit tout de même un problème d’éthique.

«Le premier ministre ne peut pas siéger à un conseil d’administration avec le représentant d’une compagnie qui fait l’objet d’une enquête par un comité [parlementaire]. Il y a clairement conflit d’intérêts.» - Duff Conacher, professeur d'éthique à l'Université d'Ottawa

Le bureau du premier ministre se défend

Le comité qui enquêtait sur le géant de la comptabilité a décidé, en toute indépendance, de mettre un terme à ses travaux, explique l’attaché de presse du bureau du premier ministre.

Ce comité a remis son rapport en octobre 2016, sans aucune référence à l’affaire KPMG.

Le porte-parole du PLC ajoute que le conseil d’administration du parti n’a jamais discuté du travail des députés sur KPMG. « Le Parti libéral du Canada ne détermine pas la politique du gouvernement », dit-il.

KPMG affirme que M. Herhalt a pris sa retraite en 2013, après une longue carrière. Mais, en 2016, il faisait un retour avec l'entreprise en acceptant un contrat de « Leader national, Secteur public ».

Il occupait toujours ce poste lorsqu’il a été nommé trésorier du Parti libéral.

John Herhalt soutient qu’il a démissionné en octobre 2016.

Jusqu’à récemment, son profil d’employé était cependant encore accessible sur le site web de KPMG. Le cabinet comptable l’a retiré après que CBC a contacté le bureau du premier ministre.

« Ce profil aurait dû être retiré à la suite de la retraite de John, mais il a été laissé sur le site par erreur. Il a été retiré cet après-midi », s’est justifié le cabinet comptable.

Radio-Canada a constaté que John Herhalt continuait malgré tout à utiliser son adresse courriel de KPMG. Son numéro de téléphone et sa boîte vocale chez KPMG étaient aussi toujours actifs ce mois-ci.

Dans un courriel, John Herhalt dit qu’il n’a jamais travaillé en planification fiscale pour KPMG et qu’il n’a jamais fait de lobby auprès du gouvernement canadien.

« Mon implication bénévole avec le Parti libéral du Canada concerne seulement les affaires administratives du parti. Vous comprendrez que le travail de bénévole avec le parti n’a pas de lien avec les décisions politiques, le gouvernement du Canada ou le travail indépendant des comités parlementaires et des députés », écrit M. Herhalt.

Lobbying

Des documents fédéraux montrent qu’en 2016, KPMG a enregistré des lobbyistes pour promouvoir ses intérêts auprès du ministère des Finances, de l’Agence du revenu du Canada et du bureau du premier ministre.

Ce dernier n’a pas voulu donner de détails sur les activités de lobbying du cabinet comptable. « Les employés du bureau du premier ministre rencontrent régulièrement des acteurs et des organisations de partout au pays », s’est contenté de dire l’attaché de presse.

Pour sa part, KPMG soutient que s’il s’est enregistré pour faire des représentations auprès du bureau du premier ministre, il n’est pas passé à l’action.

Le cabinet comptable a décroché plus de 92 millions de dollars en contrats fédéraux depuis 2006.

Avec la collaboration de Nicole Percy et de Gillian Findlay

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