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La qualité des services de garde au privé victime du succès des CPE

La qualité des services éducatifs en garderie privée non subventionnée est la grande victime des bouleversements des dernières années.
Two sweet Caucasian toddler girls playing with puzzle pieces on the floor of their preschool classroom. The puzzle pieces are colorful and the preschoolers are focused on the task at hand.
asiseeit via Getty Images
Two sweet Caucasian toddler girls playing with puzzle pieces on the floor of their preschool classroom. The puzzle pieces are colorful and the preschoolers are focused on the task at hand.

Le réseau de services de garde québécois a connu de nombreux soubresauts et subi de profondes transformations depuis sa création, il y a 20 ans. Le régime a perdu son caractère universel, les CPE ont dû composer avec des compressions à répétition et le réseau privé non subventionné a déployé ses ailes. La qualité des services éducatifs en garderie privée non subventionnée est la grande victime de ces bouleversements.

Un texte de Maxime Bertrand

Les Centres de la petite enfance (CPE) ou garderies à 5 $, puis à 7 $, ont été victimes de leur succès.

Les demandes de places ont explosé et, devant la hausse des coûts, le gouvernement du Québec a opté pour une stratégie en deux temps : d'abord la bonification du crédit d'impôt pour frais de garde, puis l'élimination du tarif universel. Du coup, les garderies non subventionnées sont devenues plus abordables, donc plus attrayantes.

Pauline Marois, celle que l'on surnomme la mère de la Politique familiale du Québec, croit que son projet a été détourné.

« Je suis profondément choquée de ce qui se passe. [...] Quand quelque chose n'est pas brisé, dit-on en anglais, pourquoi essayer de le réparer? », dit-elle.

«Les CPE étaient sur une très bonne voie. Et plutôt que de continuer à les appuyer, à les soutenir, on a développé à côté les services de garde subventionnés, non subventionnés, à but non lucratif, etc. On a donné des permis à tous ceux qui en demandaient.» - Pauline Marois, ex-ministre péquiste à l'origine de la politique familiale du Québec

Elle n'est pas la seule à déplorer la politique gouvernementale.

L'économiste et professeur émérite du Département des sciences économiques de l'Université du Québec à Montréal (UQAM) Pierre Fortin critique cette logique comptable de Québec.

«Le gouvernement a eu intérêt à pousser la clientèle vers les garderies privées, pourquoi? Parce que ça coûte moins cher au gouvernement.» - Pierre Fortin, économiste

Évaluer la qualité des services

Une étude réalisée en 2014 par l'Institut de la statistique du Québec a examiné les services de garde sur toutes les coutures : aménagement des lieux, programme éducatif, qualification des éducatrices. Résultat : la qualité a été jugée insatisfaisante dans 36 % des garderies privées non subventionnées contre 4 % pour les CPE

De plus, 10 % des garderies privées non subventionnées seulement ont obtenu la mention « bonne ou excellente », comparativement à 45 % des CPE.

« Un enfant qui a été en service de qualité est capable d'échanger plus facilement avec ses pairs, avec ses collègues, et capable de nommer plus d'objets, de mots, de s'exprimer adéquatement [...] On peut supposer qu'on va retrouver davantage d'enfants qui se développent comme ça dans les CPE », avance Nathalie Bigras, professeure titulaire Département de didactique de l'UQAM et directrice scientifique de l'équipe Qualité des contextes éducatifs de la petite enfance.

L'Association des garderies privées non subventionnées en installation (AGNSI) attribue le constat de l'étude à l'inexpérience du réseau privé au moment de son essor et assure que la qualité des services est maintenant au rendez-vous.

«Au début, [lors du] lancement des garderies non subventionnées en installation, on peut dire qu'ils sont allés trop vite. Dans ce domaine-là, il faut de l'expérience [...] C'est pourquoi nous avons créé une association.» - David Haddaoui est vice-président de l'AGNSI

Sa collègue Suzanne Gagnon, porte-parole de l'Association des garderies non subventionnées en installation, renchérit. « On a un service à la clientèle qui se veut extraordinaire avec nos parents, avec nos enfants, on va se démarquer, dit-elle, par différentes propositions de services éducatifs à l'enfance. »

Mais selon des experts du domaine de la petite enfance, dans le réseau privé, il faut distinguer les garderies en installation des services offerts en milieu familial. Ces derniers demeurent une source d'inquiétude, selon André Lebon, président de la Commission sur l'éducation à la petite enfance au Québec.

«Le pire actuellement, c'est les nouvelles ressources familiales qui jaillissent un peu partout et qui sont supportées par les crédits d'impôt, eux, ils n'ont aucune reddition de compte à faire.» - André Lebon, président Commission sur l'éducation à la petite enfance au Québec

Cela dit, la qualité des services de garde est jugée trop inégale, peu importe le type de ressource. « Les CPE ont une longueur d'avance, mais malgré tout, l'ensemble du réseau a des efforts à faire », ajoute M. Lebon

Par ailleurs, des CPE montrent du doigt le gouvernement du Québec qui les a affaiblis, disent-ils, au fil des ans, à coups de réductions budgétaires. « On est à risque pas parce que les gens vont [nous] abandonner, parce que le gouvernement va saborder ce réseau », prévient André Rémillard, directeur général du Centre de la petite enfance du Carrefour.

Les services de garde sont à la croisée des chemins. Le virage qualité est le défi que tout le réseau devra relever au cours des prochaines années.

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