Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Les 4 leçons à tirer de la série «13 Reasons Why» sur Netflix

Les 4 leçons à tirer de la série «13 Reasons Why» sur Netflix
Netflix

Treize épisodes pour comprendre pourquoi Hannah Baker s'est suicidée. Treize épisodes pour remonter le fil d'une souffrance qui a commencé par des moqueries d'ado en apparences anodines.

La série «13 Reasons Why», sous ses airs de «teen drama», a énormément à nous apprendre. Harcèlement scolaire, culture du viol, consentement, sont autant de thématiques abordées avec justesse par Netflix. Voici quatre leçons à retenir de cette histoire tirée du bestseller de Jay Asher.

ATTENTION SPOILERS

Cet article dévoile certaines parties de l'intrigue.

Vous êtes vraiment sûr de vous?

Vous voulez lire la suite?

Alors, c'est parti.

Consentement : ne pas dire «non» ne veut pas dire «oui»

«13 Reasons Why» n'est pas seulement une série sur le harcèlement. La sexualité naissante des adolescents est au cœur de l'intrigue et les auteurs ont travaillé pour mettre de l’avant la notion de consentement.

Quand cette scène se déroule, on ne connaît pas encore toute l'étendue du cauchemar vécu par la jeune Hannah. En pleine soirée chez Jessica, Hannah et Clay s'échangent un premier baiser attendu depuis longtemps par eux comme par les téléspectateurs. Alors qu'ils commencent à aller plus loin, Clay tient à s'assurer qu'Hannah est bien consentante : «Tu es sûre?», lui demande-t-il. «Plus que ça», lui répond-elle.

Cette réaction saine permet d'être sûr qu'il n'y a pas le moindre doute sur les intentions de la personne avec qui l'on s'apprête à avoir une relation sexuelle. Une réaction qui s'oppose en tout point à celle de Bryce qui, à cette même soirée, profite d'une Jessica ivre et endormie pour la violer. Et qui, on l'apprend lors de l'avant-dernier épisode, viole également Hannah, amputant ainsi le peu d'optimisme qu'il lui restait.

Lorsque Clay lui demande d'admettre qu'il a commis un crime, les justifications douteuses de Bryce montrent qu'il n'a rien compris au consentement. «Elle est venue à ma soirée. Elle s'est mise dans le jacuzzi avec moi, sans maillot. Et elle m'a fait les yeux doux. Elle en avait envie», commence-t-il. Et, après avoir tabassé Clay, il poursuit : «Elle n'a jamais dit non. Tu veux appeler ça du viol, vas-y. C'est pareil.»

Le consentement, c'est pourtant simple. Comme l'expliquait en 2016 la campagne lancée par l'association «Project Consent», «si ce n'est pas oui, c'est non». En d'autres termes, Bryce, que la personne soit ivre ou dans un jacuzzi sans maillot, peu importe : cela ne veut dire en aucun cas qu'elle consent.

La culture du viol rend la situation des victimes encore plus difficile

De nombreuses situations de «13 Reasons Why» décrivent précisément ce qu'on appelle la culture du viol, soit l'adhésion de la société à certains mythes sur le viol.

Parmi ceux-ci, la question du consentement évoquée ci-dessus est centrale. Mais la culture du viol dépasse le cadre du crime lui-même. Elle commence avant et se poursuit ensuite. Dans le cas d'Hannah Baker, l'élément déclencheur était une simple photo d'elle sur un toboggan dévoilant ses cuisses. Anodine en apparence, cette photo a été le point de départ d'une histoire douteuse et mensongère sur l’étudiante, qui se voit immédiatement coller l'étiquette de «fille facile». Vient ensuite une liste dans laquelle elle est gratifiée d'avoir «le plus beau cul» de l’école.

Ces incidents, que les camarades de classe d'Hannah percevaient certainement comme inoffensifs, ont pourtant envoyé un signal néfaste pour elle. Son corps devient un simple objet. Ayant en tête ces informations, certains garçons de son école ont cru qu'ils pouvaient impunément, dans l'ordre, lui mettre une main aux fesses (Bryce), lui glisser une main entre les cuisses dès les premières minutes d'un rendez-vous (Marcus), ou la violer (encore Bryce).

Ajoutons à tout cela le fait qu'aux États-Unis, les sportifs ont un statut privilégié qui n'arrange pas la situation. On a pu le voir avec «l'affaire Brock Turner». Ce jeune américain de 22 ans surnommé le «violeur de Stanford» était un espoir de médaille olympique au sein de la prestigieuse université de Stanford. Pour l'agression sexuelle d'une jeune femme inconsciente, il n'a été condamné en juin 2016 qu'à six mois de prison alors qu'il en risquait quatorze. Aux États-Unis, une étudiante sur cinq a déjà été victime de viol. Et ces agressions sexuelles impliquent bien souvent des athlètes. Selon une étude relayée par le Guardian pendant l'affaire Turner, la moitié des athlètes universitaires reconnaissent avoir déjà forcé une partenaire à avoir une relation sexuelle, pour un tiers des non-sportifs. Plusieurs raisons peuvent expliquer pourquoi les athlètes sont aussi privilégiés, parmi lesquelles l'argent qu'ils rapportent aux universités, mais aussi le culte des sportifs qui règne encore dans les campus. Et cela est extrêmement bien démontré dans la série.

Quand il s'agit de harcèlement, un tout petit geste peut avoir un grand impact

Hannah a vécu des événements très graves. Mais parmi les raisons - ou plutôt les personnes - qui l'ont poussée à se suicider, on retrouve beaucoup de petites choses en apparence anodine. Parmi celles-ci, le comportement de Zach en est le parfait exemple.

Zach fait partie de la bande de sportifs de l’école, il est adulé de tous. Mais, contrairement à Marcus ou Bryce, il est «gentil» avec Hannah (c'est elle qui le dit). Quand Marcus se comporte mal avec elle, c'est lui qui vient la réconforter. Mais, après qu'il ait vu ses avances repoussées par Hannah, il se met à lui voler chaque jour ses «compliments». Dans cette classe, chaque élève possède un petit panier dans lequel n'importe qui peut venir déposer un mot gentil. Zach en prive Hannah.

Isolés, ces larcins de petits mots n'auraient sûrement pas entraîné le suicide de l’étudiante. Mais dans un contexte où Hannah se sentait déjà dévalorisée et pointée du doigt, ces «compliments» représentaient comme une lueur d'espoir pour elle. C'est ce qu'elle écrit à Zach : «Que la vie devenait dure, combien je me sentais seule et à quel point ces compliments idiots m'importaient».

Les signes de pensées suicidaires sont difficilement repérables

En regardant «13 Reasons Why», on peut avoir le sentiment que tout le monde, parents et professeurs y compris, sont passés complètement à côté du désarroi d'Hannah.

Les parents d'Hannah ne sont pas de mauvais parents. Ils l'aiment, prennent soin d'elle. Mais ils sont un peu absents, absorbés par leur propre vie et leurs soucis financiers. Peut-être n'ont-ils pas assez pris le temps de faire attention aux signes avant-coureurs?

Pour Christine Barois, psychiatre et pédopsychiatre, c'est plus compliqué que ça. «Même quand les parents sont attentifs, si un adolescent ne veut pas parler, il ne parle pas. Ce n'est pas passer à côté», insiste-t-elle auprès du HuffPost.

En d'autres termes, on ne peut pas repérer derrière un «oui, tout va bien», que l'adolescent va mal ou qu'il a des pensées suicidaires. «Les signes sont rares. On ne s'en rend souvent compte qu'a posteriori avec des lettres ou des 'je t'aime', des petits indices qu'on ne peut pas repérer sur le moment», explique Christine Barois.

Alors oui, après 13 épisodes, ces signes, on les a repérés : une nouvelle coupe de cheveux, peut-être, un comportement qui semble étrange à Clay, le poème très sombre qu'elle écrit. Mais isolés et sur le moment, difficile d'extrapoler.

D'autant plus que l'adolescence est une période bien particulière. «L'adolescent doit à tout prix s'intégrer à un groupe social, il peut avoir peur des représailles à l’école s'il parle», poursuit-elle. C'est aussi ce que souligne Rona Hu, psychiatre à l'école de médecine de la Stanford University, interviewée par Netflix dans un court documentaire proposé après les treize épisodes : «Les adolescents essaient d'affirmer leur indépendance. Quand ils ont besoin d'aide, à un certain niveau, ils vont aussi la repousser. Et par moments, Clay et Hannah aimeraient avoir de l'aide, mais ne savent pas la demander».

Ce qui peut se passer, et c'est le cas d'Hannah, c'est que l'ado a le sentiment que la souffrance qu'il ressent ne cessera jamais. «Le lobe frontal, qui régit la fonction exécutive, n'est pas développé chez le jeune adulte. Ce qui leur arrive peut sembler définitif. Ils croient souvent qu'il n'y a pas d'issue et cela peut conduire à des actes impulsifs», explique à Netflix la pédopsychiatre Rebecca Hedrick. «Un adolescent dans cette situation se sent coupable de tout. Il se dit que tout est de sa faute. Avec le geste suicidaire, il veut que la douleur morale s'arrête», indique Christine Barois.

C'est peut-être la leçon la plus importante de cette série : même quand tout semble bien aller, un adolescent peut être en détresse. Être attentif à ses comportements est important, mais cela ne suffit pas forcément. Raison de plus pour être bienveillant et se rappeler, comme pour Hannah, que chaque petit geste peut avoir son importance.

À voir également :

9 photos troublantes qui capturent la violence des agressions sexuelles

9 photos troublantes qui capturent la violence des agressions sexuelles

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.