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«Abattre la bête»: David Goudreault conclut sa trilogie avec éclat!

«Abattre la bête»: David Goudreault conclut sa trilogie avec éclat!
Courtoisie

Trois romans écrits en trois ans. Trois œuvres aussi rafraichissantes que percutantes. Une trilogie mettant en scène la Bête, le jeune homme épouvantablement attachant, qu’on retrouve à l’Institut de santé psychiatrique Pinel, où il attend son procès pour les horreurs qu’il a commises en prison dans La Bête et sa cage. Même si son avocat plaide la non-responsabilité pour cause d’aliénation mentale, l’accusé est assez allumé pour déjouer le système, les gardes et toutes les embuches sur sa route, afin de s’évader! S’en suivra une formidable cavale, pendant laquelle la Bête s’acoquinera avec une punkette gauchiste et une vieille prostituée ravagée pour éviter la police et tenter d’accomplir sa quête ultime : retrouver sa mère. Dans ce roman, David Goudreault offre une histoire aussi survoltée que sa plume.

Comment as-tu abordé l’écriture du troisième et dernier volet de ta trilogie?

J’avais vraiment peur de finir en mouton! On s’entend que Le Parrain 3 était un peu moins hot… et je ne voulais surtout pas ça. Je me suis mis beaucoup de pression pour finir en force. Et finalement, je ressens une grande satisfaction. J’ai fait tout ce que je pouvais avec ce personnage en trois romans. Quand j’ai choisi d’écrire une trilogie, j’ai vu mon projet comme un tout, et j’ai tout mis là-dedans. Je voulais explorer les grandes violences contemporaines : le meurtre, l’agression sexuelle, le suicide, la prostitution et la pauvreté. Si j’étais allé plus loin, j’aurais étiré la sauce, comme si j’ajoutais un appendice qui n’a pas sa place.

Tu suis la Bête à Pinel pendant seulement 50 pages, mais ça demeure un passage très fort. Qu’est-ce que tu voulais exprimer sur les hôpitaux psychiatriques?

Pour moi, il y a un paradoxe dans la façon dont on traite les criminels reconnus non responsables. Dans la psychiatrie à haute sécurité, on leur impose des traitements plus ou moins violents qui s’apparentent beaucoup plus à la détention qu’à la thérapie. Je voulais qu’on se rappelle que ce n’est pas rose non plus.

Qu’il soit en prison, à Pinel ou en cavale, ton personnage continue de dire des horreurs, de faire des raccourcis intellectuels, d’exprimer des propos racistes, sexistes et homophobes. Quelle réaction souhaites-tu générer chez les lecteurs?

Je veux forcer les gens à se positionner. L’idée n’est pas de provoquer pour choquer, mais d’inviter les lecteurs à réfléchir. Je veux qu’ils portent un jugement sur les réflexions du personnage ou sur leurs propres jugements, et qu’ils réalisent qu’on juge souvent sévèrement ceux qui manquent de jugement. Il y a quelque chose d’ironique là-dedans. On trouve que la Bête est un gros tout croche, mais on n’accepte pas que lui aussi considère d’autres individus inadéquats.

Dans le deuxième roman, ton personnage ne comprenait pas les enjeux de la prison et il s’imaginait que la gardienne Édith était amoureuse de lui. Cette fois, il croit que Bébette la punkette est sa blonde, alors qu’elle voit les choses très différemment. Qu’est-ce qui l’empêche de réaliser qu’on ne veut pas de lui et qu’il fait du mal aux gens?

Il est incapable d’avoir une vision claire de lui-même et de ses comportements, et il ne se remet jamais en question. C’est un trait de personnalité propre aux personnes narcissiques et aux psychopathes. Dans sa tête, il est ben correct, il l’a toujours été, et c’est le monde autour de lui qui ne l’est pas. Mais dans le troisième, tout ça craque un peu. Il devient émotif, il a des réactions physiques qu’il ne comprend pas et il a des idées suicidaires à un certain moment, parce qu’il vit une certaine détresse. Il connecte enfin à ses émotions. On sent chez lui l’émergence d’une conscience.

Quand on analyse ce à quoi il pense pour s’enfuir et déjouer les policiers, on doit admettre qu’il possède une forme d’intelligence.

Parfois, il est super brillant. Parfois, il est très con. Il se promène sans arrêt dans le spectre de toutes les réactions possibles. En même temps, c’est quelqu’un de cultivé. Il a beaucoup lu. Mais il passe tout à travers son filtre. Ça m’amuse beaucoup de jouer avec ce qui se passe dans sa tête : du délire, de la fabulation, du fantasme, du mensonge.

Est-ce que son envie ultime de retrouver sa mère explique sa détermination inépuisable?

C’est ce qui fait qu’il va toujours de l’avant, contre vents et marées, en détruisant tout sur son passage. La quête de sa mère est un appel tellement profond. Il a l’impression qu’en la retrouvant, tout va s’arranger. Peu importe qui il blesse et comment pour réussir.

Ton style d’écriture inclut énormément d’images, de citations détournées, de comparaisons, de clins d’œil et de métaphores. Comment calibres-tu tout cela pour éviter la surdose?

Je me relis énormément et le couperet tombe souvent. Je fais très attention pour que le rythme ne soit pas coupé par les réflexions du personnage et les pas de côtés. Je suis tellement impressionné qu’il y ait autant de gens qui me lisent que ça impose une pression au niveau de la qualité.

Comment te sens-tu depuis que tu as terminé ta trilogie?

J’ai un deuil à faire. Dans mes lancements, je lis une lettre d’adieu assez émouvante à la Bête. En même temps, quelque chose de doux s’installe. Je suis dans un moment de flottement avec le sentiment d’avoir réussi à créer quelque chose comme je le voulais, avec un style particulier, mais je veux aller ailleurs. Je veux me transformer et maintenir l’intérêt des lecteurs.

As-tu déjà un prochain projet en tête?

Je fantasme la patente présentement. J’ai une dizaine de pages de notes. Je veux aller encore plus loin à propos de la maladie mentale et du danger qu’elle peut représenter. Ce sera un roman plus réaliste. Je veux encore forcer les lecteurs à se positionner par rapport à des personnages plus grands que nature.

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