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Janine Sutto vue par ses amis artistes

Janine Sutto vue par ses amis artistes

Une amoureuse du théâtre et de son métier de comédienne, une rassembleuse qui aimait et respectait tout le monde, du plus petit au plus grand, et une incroyable fêtarde : voilà comment les artistes du Québec décrivent leur regrettée amie Janine Sutto.

Les funérailles de l’actrice décédée le 28 mars dernier, à l’âge de 95 ans, étaient célébrées lundi après-midi, à l’église Saint-Germain d’Outremont. La colonie artistique, de même que la classe politique, s’étaient évidemment donné rendez-vous pour adresser un ultime adieu à celle qui a été un mentor pour plusieurs, et dont la passion pour le jeu ne s’est jamais éteinte.

Voici quelques témoignages de camarades recueillis quelques minutes avant le début de la cérémonie.

René-Richard Cyr

«J’ai commencé dans le métier avec Monsieur (Gilles) Latulippe et Madame (Janine) Sutto dans Poivre et sel, il y a de cela déjà 30 ans. C’était important pour moi d’être ici aujourd’hui. Je vais me souvenir de sa grande franchise, sa grande curiosité qui l’a gardée jeune si longtemps. J’avoue que je serai toujours un peu fier de lui avoir permis de jouer son dernier rôle au théâtre, dans Les Belles-Sœurs, de l’avoir emmenée jusqu’à Paris, où elle disait avoir bouclé la boucle. J’ai de la fierté pour ça.»

Yves Jacques

«J’ai travaillé avec elle à deux reprises vraiment très fortes, dans Le journal d’un curé de campagne, un télé-théâtre de Radio-Canada, et Poivre et sel. Ce sont deux grands moments de ma rencontre avec Janine. Je vais me rappeler de sa force, de son courage, de sa passion, de sa joie de vivre. Sa passion de vivre. C’était une merveilleuse amie, une merveilleuse complice.»

Bernard Landry

«Elle était très impressionnante. C’était un pilier de la culture québécoise contemporaine, qu’elle faisait rayonner au Québec, mais aussi à l’étranger. On l’a vue jouer à Paris, au Théâtre des Champs-Élysées, et la foule était complètement séduite. Elle était une bonne amie de Chantal (Renaud, sa conjointe, ndlr)»

«Moi, je lui aurais offert des funérailles nationales. Quand Gaston Miron est décédé (en 1996, ndlr), j’ai demandé à mon premier ministre de le faire, et il l’a fait immédiatement. Mais je ne connais plus les critères d’aujourd’hui…»

Diane Lavallée

«Elle a toujours été… Je pouvais lui poser des questions par rapport au trac, par rapport à ma peur, et elle me répondait toujours. Elle me regardait dans les yeux et elle me parlait. Je n’ai pas travaillé souvent avec elle, mais on s’est croisées plusieurs fois. J’en garde un très bon souvenir.»

Martine Francke

«Mon souvenir est celui d’une grande dame qui travaillait beaucoup pour l’œuvre et très peu pour son égocentrisme. C’était une femme de grande recherche, une grande artiste. Elle était vraiment dévouée à l’œuvre, c’est ce qui était beau. Elle se demandait quelle était sa place dans le casse-tête : «Est-ce que je fais l’écureuil, ou l’arbre, ou la maison?» Ce n’était pas une femme narcissique, c’était une grande artiste. Elle avait un grand cœur. C’était aussi une amie de notre famille, elle venait dans nos partys, elle prenait son petit verre de champagne… C’était une femme adorable.»

«J’ai travaillé au TNM avec elle, dans un classique, un Musset, On ne badine pas avec l’amour, un de mes premiers spectacles en sortant de l’école de théâtre, et aussi en comédie, au théâtre d’été, dans une émission à TVA qui n’a pas vraiment marché, dans le premier court-métrage de Jean-Marc Vallée, Stéréotypes… Elle se prêtait toujours à l’exercice. C’est ce qui était beau. Elle n’était pas snob, elle ne snobait pas les œuvres, que ce soit de la comédie, à un réseau ou un autre, elle était très ouverte. Ouverte à tout le monde, elle allait tout voir, de la danse, du théâtre… C’était fabuleux. C’est un grand legs. Mais elle est allée au bout de sa vie, elle avait fait ce qu’elle avait à faire. Elle attendait de partir.»

Louise Turcot

«J’ai tellement de souvenirs avec elle! Elle fait partie de l’univers théâtral de toute notre génération, ceux qui ont plus de 50 ans de métier. Tout le monde a côtoyé Madame Sutto, sur scène ou en tant que metteur en scène, ou simplement en tant que camarade de travail. Janine était une trooper extraordinaire! Elle aimait beaucoup ses camarades acteurs. D’ailleurs, elle m’a dit, à la fin de sa vie, que ce qui allait lui manquer le plus, c’était ses camarades. Elle aimait l’esprit de troupe, l’esprit de tournée, c’était très important pour elle. Elle dégageait beaucoup, beaucoup de sympathie envers tous les gens qui travaillaient au théâtre. Non seulement les comédiens, mais les techniciens aussi. Elle considérait tout le monde avec attention. On va s’ennuyer d’elle beaucoup. Moi, je l’adorais, c’était vraiment une fille fantastique.»

«J’ai fait partie de sa première mise en scène. Elle avait monté Moi Tarzan, Toi Jane, de sa grande amie Janette Bertrand, et c’était moi qui jouais dedans, avec Raymond Legault (qui a ensuite été le conjoint de Louise Turcot pendant quelques années, ndlr). C’était une expérience… avec deux monuments! Janine Sutto et Janette Bertrand réunies… (rires) Ce n’était pas ennuyant, cette production-là! On a aussi fait de la tournée ensemble. Et on s’est toujours côtoyées, même si on ne travaillait plus ensemble. On aimait jaser, parler de théâtre. C’était une grande amoureuse du théâtre, et moi aussi. On avait ça en commun.»

Geneviève Rioux

«Pour moi, Janine Sutto était une femme unique. Je la trouvais libre, indépendante, et en même temps extrêmement solidaire de tout ce qui était théâtre, jeu. C’était vraiment une passionnée. Je me suis souvenu, ce matin, que, quand j’ai commencé dans le métier, j’avais joué dans Roméo et Juliette, au TNM. Et elle m’avait laissé un message après la première sur mon répondeur automatique – que je n’ai évidemment plus, parce que ça n’existe plus (rires) – et elle m’avait dit quelque chose d’absolument beau. Elle disait que j’avais compris Juliette, que j’avais vu l’évolution de la jeune fille à la femme qui s’émancipe, le drame, elle me disait que j’avais le coffre, pour interpréter ce personnage, bravo, quelle belle performance. Puis, elle terminait son message en disant : «Ne me rappelle pas! Pas besoin!» (rires) Alors, je ne l’ai pas rappelée! Mais, à chaque fois que je la croisais, je me rappelais de ça. Et comme c’était une femme pétillante et chaleureuse, j’avais toujours du plaisir avec elle. Je la voyais souvent au théâtre, elle continuait d’y aller, elle y était encore il y a deux ou trois mois. Mais je n’ai malheureusement jamais travaillé avec elle, même si je la croisais souvent. C’était une femme de party! (rires) Elle aimait sortir, manger, prendre un verre. C’était un acte très social, pour elle. Ce n’est pas quelqu’un qui se refermait après les spectacles. Elle va nous manquer, mais je pense qu’elle a eu aussi une belle longue vie.»

Julie Snyder

«La dernière fois que j’ai vu Janine Sutto, c’était après un enregistrement du Banquier. On avait fini assez tard, on avait bu du vin, avec Olivia Lévy (membre de l’équipe de l’émission). Et on l’avait raccompagnée chez elle… et elle avait perdu ses clés! On s’était retrouvées aux petites heures du matin, à essayer de réveiller le concierge, et à avoir des fous rires dans la voiture. Elle était vraiment sur le party, elle n’était pas fatiguée! On lui demandait si elle voulait venir coucher chez nous, et elle disait : «Non, non, moi j’aime ça, les choses imprévues…» On était un petit peu pompettes, et François Flamand, le gérant de Patrick Huard, qui était notre chauffeur, n’en pouvait plus, il disait qu’il avait l’impression d’avoir trois ados dans son auto! Elle nous rendait adolescentes! Elle était toute pimpante, fofolle comme elle seule pouvait l’être, anticonformiste… Elle avait le goût de veiller tard et d’avoir du plaisir. C’est un souvenir assez récent. Et je l’ai tellement souvent interviewée, pour le théâtre, le cinéma, je l’ai souvent rencontrée dans ma vie. Elle était de toutes les premières au théâtre. Elle était très drôle, très comique, malgré tout ce qu’elle a pu vivre dans sa vie.»

«Elle n’avait pas de préjugés. Elle pouvait jouer dans des grands classiques comme dans des vaudevilles, ou des émissions extrêmement grand public, le théâtre avec un grand T, ou le cinéma avec un grand C, et le cinéma avec un petit C, aussi, le cinéma coquin! (rires) Ça, c’était Janine, d’être capable de faire des 180 degrés. Elle était acceptée par tous les publics, tous les milieux, elle était vraiment respectée. Son apport était aussi, je pense, d’avoir un certain détachement par rapport à ce métier-là, de se dire : «Moi, je fais ce que je veux, jugez-moi, jugez-moi pas…» Elle avait un côté «Je m’en fous, c’est là que je m’en vais, je fais à ma tête». Elle n’était pas snobée par les élites, et elle ne snobait pas le grand public.»

Pauline Marois

«Pour moi, c’est une femme tellement exceptionnelle, qui a marqué notre histoire, notre culture. C’était un devoir, mais aussi un plaisir, pour moi, de venir lui dire au revoir. Je l’ai côtoyée à quelques reprises, pas très souvent, mais j’allais assez souvent au théâtre. Je souris beaucoup, parce que c’est une femme qui nous a tellement légué un bel héritage.»

Tony Conte

«C’était une personne extraordinaire. C’était une amie, une mère, une confidente, quelqu’un de très loyal et intègre, qui a toujours été là. On a joué ensemble dans la pièce Bousille et les justes. J’incarnais son garçon, elle faisait ma mère! On s’est souvent revus par la suite, après. C’était vraiment une amie. Quand on était avec elle, on n’avait pas l’impression d’être avec une mère. Mais elle prenait quand même soin de nous.»

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Un dernier au revoir à Janine Sutto

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