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Allergies alimentaires: combattre le mal par le mal

Allergies alimentaires: combattre le mal par le mal

Le seul « traitement » proposé à ceux qui ont des allergies alimentaires consiste à éviter les allergènes, mais la désensibilisation pourrait changer la donne.

La désensibilisation aux allergies alimentaires, aussi appelée immunothérapie orale, consiste à administrer de petites doses croissantes d’aliments allergènes aux personnes allergiques. Petit à petit, le système immunitaire s’« habitue » à la présence de ces aliments.

L’allergologue Philippe Bégin du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine de Montréal traite certains de ses patients allergiques avec cette méthode. Le principe, c'est d'exposer le corps à des microdoses de l'allergène, si petites qu'on est en dessous du seuil de réaction habituel à l'aliment », explique-t-il.

« On peut commencer par exemple à 0,1 milligramme d'arachide, donc 1/2500 d'arachide, puis on va augmenter progressivement les doses de façon à ce que le corps s’habitue tranquillement à cet allergène-là pour qu'un jour on soit capable de manger une portion complète de l'aliment sans réagir. » - Dr Philippe Bégin

Le même principe est déjà utilisé depuis longtemps dans le traitement des allergies saisonnières. Des réactions au pollen certes désagréables, mais pas mortelles. Il s’agit désormais de l’appliquer à des allergies alimentaires qui peuvent provoquer des réactions graves, y compris des chocs anaphylactiques qui peuvent mener, dans de rares cas, au décès.

Au Canada, 4 % des enfants ont des allergies alimentaires, un chiffre qui tend à augmenter.

Emma Vaillant, une patiente du Dr Bégin qui a entamé à l’automne un protocole de désensibilisation, est « polyallergique ». Elle doit éviter à tout prix les arachides, les produits laitiers, les œufs et le sésame. Un véritable casse-tête alimentaire.

« Chaque fois que je mange un aliment et que je vois que ça commence à me piquer dans la bouche, j'ai toujours ce petit stress au fond de moi qui me dit : "Et si ça dégénère? Et si je dois me transporter en ambulance et être hospitalisée?" C'est vraiment quelque chose qui est tout le temps au fond de mes pensées. » - Emma Vaillant

Emma Vaillant prend ses doses d’allergènes à l'hôpital.

Le traitement qu’a entrepris Emma n’est ni anodin ni une cure miracle. Elle doit régulièrement passer plusieurs heures à l’hôpital pour avaler des doses d’allergènes sous supervision, sur une période qui peut durer plusieurs mois. Certains protocoles durent même des années. Une fois rentrée chez elle, elle doit continuer à prendre quotidiennement les doses préparées à l’hôpital.

Ces traitements provoquent aussi des effets secondaires chez plusieurs patients : picotements, maux de ventre et, dans de plus rares cas, des réactions sévères, dont des chocs anaphylactiques.

Pour ces raisons, l’immunothérapie orale nécessite un encadrement médical rigoureux. Mais, selon les études publiées jusqu’à maintenant, les résultats sont encourageants.

«En moyenne, on parle de 80 % de taux de succès pour le lait, les arachides ou pour les oeufs.»

—Dr Philippe Bégin

Dans un moins grand nombre de cas, environ 50 %, la désensibilisation se transforme en tolérance, c’est-à-dire que les patients peuvent arrêter de manger régulièrement les aliments concernés, ce qu’on appelle des doses d’entretien, et conserver cette insensibilité acquise pendant le traitement. Mais pour le vérifier, il faudrait cesser de prendre les doses, et risquer de perdre ces acquis.

C’est pourquoi le Dr Bégin conseille à ses patients de continuer à prendre leurs doses quotidiennes, un peu comme s’ils devaient soigner leurs allergies comme une maladie chronique, sauf que leurs médicaments sont des aliments.

C’est ce que fait Émilie Fortier, qui a été désensibilisée aux arachides, aux noix de Grenoble, aux œufs et au poisson il y a quelques mois. Elle doit désormais en manger tous les jours. Un moindre mal, selon elle, vu la liberté qu’elle a gagné.

« Même pour aller coucher chez une amie qui habite à trois rues, il fallait que j’apporte ma nourriture ou que le souper soit planifié à l’avance. […] Maintenant, je peux dire à ma mère le soir même : "Je vais coucher chez une telle" ou "Est-ce que je peux aller dîner à tel endroit?" sans que ma mère s’inquiète. » - Émilie Fortier

Émilie Fortier prépare ses « médicaments » : 16 arachides, 10 noix de Grenoble, un œuf et 20 grammes de saumon par jour.

Un soulagement que partage sa mère, Michelle Setlakwe, qui ne voit que des avantages au traitement d’immunothérapie orale, qu’elle qualifie de « fantastique ». Les allergies empêchaient même Émilie d’aller au camp de vacances. « Elle était tellement déçue la première année où ses amies sont parties au camp. J’ai débattu de ça avec mon mari, ce n’était pas trop loin d’une ville [et d’un hôpital]. Mais non, on ne prenait pas de chance avec ça. »

«Ce n'est pas la pilule miracle qui va traiter toutes les allergies alimentaires, mais c'est clairement quelque chose qui va révolutionner le traitement des allergies dans son ensemble, parce qu'actuellement, le traitement, ce n'est rien du tout, c'est l'évitement.»

—Dr Philippe Bégin

Quelques mois après le début de son traitement, Emma Vaillant peut désormais manger deux arachides par jour, boire un peu de lait, etc. Son traitement n’est pas terminé, mais elle persévère.

« Juste le fait que je vais pouvoir aller dans des restaurants et ne pas avoir à me limiter dans les choix du menu ou juste les voyages que je vais pouvoir faire, […] je me dis qu'après ça, je vais être en sécurité et il y aura vraiment moins de danger pour moi donc, c'est comme un petit coup de fouet à se donner et après ça j'ai tellement d'autres portes qui s'ouvrent à moi! »

Le reportage de Gaëlle Lussiaà-Berdou et d'Yves Lévesque sur l'immunothérapie orale sera diffusé à l'émission Découverte, dimanche, à 18 h 30, à ICI Radio-Canada Télé.

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