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Un système parallèle pour contourner Phénix au fédéral

Le «petit livre noir» pour contourner les ratés de Phénix
Grzegorz Wozniak / EyeEm via Getty Images

Le système de paye Phénix est redouté par tant de fonctionnaires fédéraux que certains d'entre eux n'osent plus y toucher. Selon ce qu'a appris Radio-Canada, une méthode informelle de rémunération est maintenant répandue dans plusieurs ministères fédéraux.

Un texte de Catherine Lanthier

Des fonctionnaires de haut niveau, tels des directeurs, encouragent leurs employés à éviter Phénix, puisque ce système développé par IBM s'est taillé la réputation de flancher dès que des modifications sont apportées au dossier de l'employé.

Une fonctionnaire hiérarchiquement bien placée nous a confié que la pratique du « petit livre noir » est répandue au sein de son imposant ministère, où nombreux sont ceux qui ne réclament plus officiellement leurs heures supplémentaires.

Leurs gestionnaires notent plutôt les heures travaillées en trop « à la mitaine » et les remboursent en temps, repris selon une entente verbale.

«Les gestionnaires qui ont eu des problèmes avec le système de paye se disent : ''On ne l'utilisera plus, on va essayer de contourner le système officiel, mais quand même donner aux employés ce à quoi ils ont droit''.» - Fonctionnaire au gouvernement du Canada

La pratique est également courante chez Emploi et Développement social Canada, où travaille Vanessa Fournier. « Je pense que c'est comme ça dans pas mal toutes les équipes, toutes les directions », explique-t-elle.

«C'est tellement long avant de recevoir le montant qui est dû pour les heures supplémentaires, ça ne vaut pas la peine de les entrer dans le système, parce qu'on ne verra probablement jamais la couleur de cet argent-là.» - Vanessa Fournier, fonctionnaire à Emploi et Développement social Canada

En effet, une autre fonctionnaire, dont nous masquons l'identité puisqu'elle craint des conséquences sur son emploi, raconte qu'elle attend toujours d'être payée pour des heures supplémentaires soumises il y a cinq mois.

Informé de la situation par Radio-Canada, un représentant de Services publics et Approvisionnement Canada, le ministère responsable de Phénix, réplique que le système fonctionne adéquatement et que ces craintes sont non fondées.

Une situation préoccupante, selon des syndicats

Ce système informel, généralement marginal, a pourtant pris une ampleur sans précédent au gouvernement, selon ce qu'observent les syndicats qui représentent les fonctionnaires fédéraux.

Si cette flexibilité de la part des gestionnaires est généralement appréciée, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada (IPFPC) déconseille à ses membres de ne pas noter formellement les heures travaillées.

«C'est risqué, parce qu'il n'y a pas de système pour contrôler tout ça. Je pense qu'on va voir de nouveaux problèmes.» -

Debi Daviau, présidente de l'IPFPC

La présidente de l'Association canadienne des employés professionnels (ACEP) renchérit en affirmant que cette pratique a « un impact pernicieux » autant pour les employés que les gestionnaires, qui ne peuvent ainsi calculer le coût réel de la main-d'oeuvre.

«Je pense que la haute gestion n'a pas non plus confiance en ce système.» - Emmanuelle Tremblay, présidente de l'ACEP

Promotions et retraites remises à plus tard

L'ACEP observe également une situation connexe qu'elle juge « encore plus inquiétante ». Certains fonctionnaires retardent leur retraite, alors que d'autres attendent avant de réclamer l'augmentation de salaire à laquelle ils ont droit.

Par-dessus tout, Emmanuelle Tremblay s'inquiète de voir des fonctionnaires refuser des promotions ou des transferts au sein d'autres ministères, par crainte que ces modifications ne fassent dérailler leur paye.

« Ça a un impact à long terme sur les possibilités de carrière des membres de la fonction publique », estime-t-elle.

Selon Mme Tremblay, le fait que le gouvernement n'ait pas prévu de fonds supplémentaires dans son budget 2017 pour régler la crise qui sévit depuis plus d'un an dans la fonction publique est un « scandale ».

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