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Amiante: des dizaines d'établissements du Québec pris en défaut

Amiante: des dizaines d'établissements du Québec pris en défaut
Asbestos corrugated roofing sheet being removed and sealed in a plastic sheet
Henfaes via Getty Images
Asbestos corrugated roofing sheet being removed and sealed in a plastic sheet

Une garderie, des écoles, des centres de soins de santé, des municipalités... 75 employeurs de toutes les régions du Québec n'ont pas respecté la réglementation sur l'amiante, a appris Radio-Canada. Dans certains cas, la sécurité des travailleurs ou des occupants de ces immeubles était à risque. Malgré tout, aucun constat d'infraction n'a été remis.

Un texte de Julie Dufresne d’Enquête

Depuis l’entrée en vigueur du règlement sur la gestion sécuritaire de l’amiante en 2013, la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST, ex-CSST) a remis des « avis de correction » à l'intention de dizaines d’employeurs publics, indiquent des documents obtenus en vertu de la Loi d’accès à l’information.

La plupart des avis ont été délivrés parce qu’aucun registre n’avait été mis en place. Mais dans certains cas, c'est le non-respect de mesures sécuritaires pour les travailleurs qui est mis en lumière par les inspections.

Et même si ses inspecteurs sont tous habilités à effectuer des vérifications des registres - ils sont 300 dans la province -, la CNESST n’a donné aucune explication pour justifier l’absence de constats d’infraction.

Les exemples sont pourtant nombreux. À Montréal, dans l’arrondissement de Saint-Laurent, la garderie du YMCA a reçu un avis le 19 septembre 2016 parce que, selon l’inspecteur, l’employeur n’avait pas dressé et mis à la disposition des travailleurs de la garderie un registre pour l'amiante pour l'édifice.

55 enfants de 18 mois à 5 ans fréquentent cette garderie, en présence de 13 travailleuses, dont 10 éducatrices, selon le rapport.

« Le bâtiment construit avant 1990 n’a jamais été inspecté afin de localiser les flocages et les calorifuges contenant de l'amiante », écrit l’inspecteur. L’amiante floqué ou calorifugé, longtemps utilisé au Québec comme un recouvrement insonorisant ou un isolant thermique, peut être dangereux et cancérigène s’il est accessible, friable ou exposé.

Le président-directeur général des YMCA du Québec insiste : ce n’était pas le cas. Oui, il y a de l’amiante dans des tuiles au plafond, des corridors, le linoléum et des recouvrements de tuyaux, concède Stéphane Vaillancourt. « Mais l’amiante n’est pas exposé et on se conforme aux exigences du gouvernement », dit-il, précisant que lors d’une deuxième visite en novembre 2016, tous les problèmes soulevés par l’inspecteur ont été réglés.

Il croit possible que la personne responsable sur place ce jour-là n’ait pas été au fait de l’existence du registre.

L’organisme dit faire une inspection visuelle régulière des matériaux contenant de l’amiante depuis 2010. « Pour l’instant l’endroit est totalement sécuritaire. »

Règlement sur la gestion de l’amiante

Depuis juin 2013, tous les employeurs ont l’obligation de dresser et maintenir à jour un registre qui doit explicitement indiquer où se trouve l’amiante dans leur établissement, sous quelle forme (chrysotile, amosite, crocidolite) et dans quel état (endommagé ou non).

Chaque employeur doit obligatoirement mettre ce registre à la disposition des travailleurs et de leurs représentants. Ceux qui doivent effectuer des travaux dans l’établissement doivent également y avoir accès. Les employeurs ont eu deux ans pour se conformer au règlement.

À l’hôpital Laval de Québec, un inspecteur a noté le 15 février 2015 que « tous les travailleurs susceptibles d'effectuer des travaux en présence d'amiante n'ont pas été formés et informés sur les risques [...] Il n'y a pas de méthode de travail écrite pour les interventions sur les MSCA [matériaux susceptibles de contenir de l’amiante] en cas d'urgence (bris de tuyaux). Il y a un danger d'exposition de l'amiante, pouvant causer l'amiantose, un mésothéliome, ou le cancer du poumon. »

L’inspecteur remarque aussi qu’il n'y a pas de registre de localisation des matériaux contenants de l'amiante ni de programme de gestion sécuritaire de l'amiante. Selon lui, l'employeur n'assure pas non plus la supervision appropriée lors des travaux en présence d'amiante.

Hôpitaux et centres d’hébergement

Une dizaine d’établissements de santé, y compris l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, ont reçu des avis parce qu'ils ne disposaient pas de registres.

Notamment :

  • Centre Christ-Roi (Nicolet)
  • Hôtel-Dieu D'Arthabaska (Victoriaville)
  • Centre d'hébergement Élisabeth-Lafrance (Sorel-Tracy)
  • Centre Frederick-George-Heriot (Drummondville)
  • Centre hébergement Le Riverain (Granby)
  • Résidence des Bâtisseurs (Sept-Îles)
  • Centre d’hébergement Laflèche (Grand-Mère)
  • Centre d’hébergement et de soins de longue durée Abitibi-Ouest (Macamic)

Dans la métropole, au centre de soins prolongés Grace Dart situé dans la rue Sainte-Catherine Est, en juin 2014, il y avait « des poussières d'amiante au sol à la salle [X] qui [n'étaient] pas ramassées et entreposées dans un contenant étanche ».

Le registre d’amiante, inexistant à ce moment, a été constitué depuis. « Dès que la CSST a produit son rapport, une intervention rapide a été faite afin de sceller le plafond et d'isoler le secteur », nous a répondu le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de l'Ouest-de-l'Île-de-Montréal. Mais il a été impossible de vérifier combien de temps l’amiante a été exposé.

Même après la période de transition de deux ans accordée par la CNESST avant la pleine entrée en vigueur du règlement, certains établissements ne s’y étaient toujours pas conformés. C’est le cas du Centre hospitalier de Jonquière. En septembre 2016, un inspecteur écrit à son propos : « On m'informe que les registres sont vierges et ne sont pas à jour. »

Le CIUSSS du Saguenay-Lac-Saint-Jean nous a transmis un registre depuis. On y confirme la présence d'amiante intact, peu endommagé, moyennement endommagé et très endommagé.

Établissements d’enseignement et municipalités

Plusieurs institutions d’enseignement figurent aussi sur la liste des établissements inspectés qui ont reçu un avis parce qu’ils n’avaient pas de registre d’amiante ou que leur registre n’était pas à jour.

Entre autres :

  • Collège François-de-Laval (Québec)
  • École secondaire Grande-Rivière (Gatineau)
  • Polyvalente le Carrefour (Gatineau)
  • École secondaire des Lacs (La Pêche en Outaouais)
  • École John-F.-Kennedy (Montréal)
  • Rosemount Technology Centre (Montréal)
  • Siège social de la Commission scolaire Marguerite-Bourgeoys (Montréal)

Les municipalités sont encore plus nombreuses à avoir été prises en défaut pour leur absence de registre ou parce que leur plan de gestion de l’amiante était déficitaire.

  • Hôtel de ville de Marieville
  • Hôtel de ville de Val-d’Or
  • Hôtel de ville d’Amos
  • Municipalité de Sainte-Brigide-d'lberville
  • Municipalité de Mottet
  • Municipalité de Sacré-Coeur (bâtiment municipal)
  • Municipalité de Laverlochère
  • Municipalité de Béarn
  • Municipalité de Saint-Bruno-de-Guigues
  • Municipalité de Saint-Eugène-de-Guigues
  • Municipalité de Duhamel-Ouest
  • Municipalité de Rémigny
  • Hôtel de ville de Dunham
  • Ville de La Sarre
  • Ville de Lebel-sur-Quévillon
  • Ville de Malartic
  • Ville de Témiscaming (garage municipal)
  • Ville de Ville-Marie (garage municipal)
  • Ville d'Otterburn Park
  • Ville de Schefferville
  • Arrondissement du Plateau Mont-Royal (Montréal)

Dans les Laurentides, à la station touristique du Mont-Gabriel de Sainte-Adèle, un inspecteur note des calorifuges endommagés dans la salle mécanique et l’absence d’un registre d’amiante en décembre 2015. Il inscrit aussi qu’il n’y a jamais eu d’inspection dans cet établissement de Sainte-Adèle construit en 1960.

Les registres étaient aussi absents de quatre établissements des Produits forestiers Résolu (à Senneterre, à Amos, à la Baie-James et à Baie-Corneau).

La CNESST a refusé de nous indiquer combien de plaintes avaient été reçues « puisqu’il s’agit de renseignements traités de manière confidentielle par la Commission ».

Voir aussi:

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