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Acheter du fentanyl sur Internet, trop facile au Canada? (VIDÉO)

Acheter du fentanyl sur Internet, trop facile?

Ottawa veut donner plus de pouvoir aux douaniers et resserrer le contrôle des envois postaux qui entrent au Canada pour tenter de freiner la crise des opioïdes.

Un texte de Jean-Philippe Robillard

Il n'a fallu que quelques minutes et quelques clics à l'expert en informatique Jean-Philippe Décarie-Mathieu de Crypto.Québec pour trouver sur le web invisible, ce qu'on appelle en anglais le « Darknet », des sites où l'on retrouve des vendeurs d'opioïdes de partout dans le monde qui expédient au Canada.

«C'est très facile. C'est peut-être une dizaine de clics.» - Jean-Philippe Décarie-Mathieu

« C'est le même principe que sur eBay. Si vous êtes capables d'aller sur Amazon, vous êtes capables d'acheter quelque chose sur ce genre de site. »

Jean-Philippe Décarie-Mathieu ajoute que les trafiquants expédient généralement leurs marchandises par courrier. « C'est par la poste normale. On a de petites quantités qui sont envoyées dans des enveloppes standards, donc ça passe comme dans du beurre. »

Avec les dizaines de millions de colis provenant de l'étranger qui entrent au pays chaque année, il est difficile pour les douaniers de détecter ceux qui contiennent de la drogue.

D'autant plus que, selon la Gendarmerie Royale du Canada, les trafiquants peuvent cacher les opioïdes dans des enveloppes de moins de 30 grammes que les agents ne sont pas autorisés à ouvrir. S'ils veulent le faire, ils doivent obtenir l'autorisation de l'expéditeur ou du destinataire.

«On ne peut pas contrôler ce qui se passe. C'est extrêmement difficile, si on regarde le volume de lettres et de colis qui rentrent au pays tous les jours.» - Luc Chicoine, GRC

Pour les policiers, c'est un véritable casse-tête, comme le mentionne le sergent Luc Chicoine. « Au lieu d'envoyer un colis d'un kilo, on va envoyer 1000 enveloppes d'un gramme. Il y a beaucoup de chance que ça va passer et que personne ne va le détecter. Par exemple, on envoie une carte de fête au nom de quelqu'un à la maison avec quelques grammes de fentanyl. Donc, c'est sensiblement facile. »

La Chine, principal problème

Les trafiquants de drogues de partout dans le monde exploiteraient donc les failles du système postal canadien pour acheminer leurs marchandises au pays. Mais les enquêtes de la GRC identifient la Chine comme étant l’un des plus gros problèmes, dit M. Chicoine.

Radio-Canada a découvert, avec l'aide de Jean-Philippe Décarie-Mathieu, que plusieurs vendeurs qui expédient du fentanyl au Canada se trouvent en Chine. Sur un des sites, nous en avons même compté plus d'une centaine. « Il y a sept pages de résultats et il y a environ une quinzaine de résultats par page. Donc on a plusieurs vendeurs chinois qui expédient du fentanyl au Canada. »

Radio-Canada est entrée en communication avec certains vendeurs à l'étranger. Ils ont confirmé expédier des opioïdes avec beaucoup de facilité au Canada.

Voici quelques extraits de ce qu'ils ont écrit : « L'expédition prendra trois jours. Nous avons un record de réussite de livraison de 100 %. » Un autre nous a dit : « Je peux expédier jusqu'à 10 000 pilules au Canada. Nous avons 98 % de succès avec nos livraisons au Canada. »

Le porte-parole de l'Agence des services frontaliers du Canada, Dominic McNeely, soutient que les douaniers peuvent cibler les envois postaux provenant de certains pays. « On ne peut pas ouvrir tous les colis qui passent ici. C'est impossible. C'est impensable. On en intercepte. Il faut mettre la main sur les bons colis, les bonnes enveloppes, puis c'est ça le défi. »

Pour lutter contre les importations de fentanyl en provenance de la Chine et tenter d'atténuer la crise des opioïdes qui fait rage dans l'ouest du pays, le gouvernement fédéral a récemment signé une entente de coopération policière avec les autorités chinoises.

Le Canada veut resserrer les règles entourant l'inspection des petits colis pour aider à freiner la crise des opioïdes.

Intervention d’Ottawa

L’an dernier, les agents des douanes ont effectué 85 saisies de fentanyl dans les centres de courrier du pays, dont 14 au Québec, indique Dominic McNeely.

La situation est telle que le gouvernement fédéral a déposé un projet de loi pour permettre aux douaniers d'ouvrir les envois postaux de moins de 30 grammes.

À la GRC, le sergent Chicoine fonde beaucoup d'espoir sur cette nouvelle mesure. « En espérant qu'on va être capable d'arrêter plus de fentanyl. »

Au syndicat des douaniers, le président Jean-Pierre Fortin espère que cette mesure d'Ottawa sera accompagnée de nouvelles ressources sur le terrain.

« Est-ce qu'ils vont nous donner plus de moyens pour pouvoir appliquer ça? Une fois qu'on va avoir l'autorisation, on va avoir besoin de plus d'agent pour pouvoir faire ces examens-là [...] pour faire un meilleur travail et tenter d'avoir un certain contrôle sur ces importations-là. »

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