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Alex Nevsky, entre ombre et lumière
Alex Nevsky / Facebook

11 novembre 2016, Nos Eldorados, d’Alex Nevsky, se dévoilait enfin au grand jour après des mois d’attente. 11 mars 2017, ledit Alex Nevsky fermait le festival Montréal en lumière, au Métropolis, amalgamant les matériels de son premier (Himalaya mon amour) et dernier-né, dans une prestation-fleuve d’une heure trente, à mille lieues du quasi spectacle de variétés qu’il offrait lors de sa première tournée.

Tout un numéro, cet Alex Nevsky. Un être quelque part à mi-chemin entre l’enfant candide, l’ado désinvolte et blagueur et l’adulte sérieux et assumé. Il a maintes fois répété en entrevue qu’il est plus ou moins à l’aise avec son statut de désormais «vedette populaire», tout en avouant, pas nécessairement du bout des lèvres, qu’il s’y plait au rayon du fric, des gros egos et des événements VIP. Comme s’il était constamment déchiré entre succès de masse et intégrité, même s’il incarne la preuve vivante que les deux peuvent aller de pair et cohabiter harmonieusement dans une même voix, une même personnalité.

Comme s’il voulait s’excuser à ses collègues de l’éternelle classe émergente et rester «dans la gang», celle qui méprise un brin l’art commercial. Son discours s’harmonise peut-être aussi avec sa crainte, souvent exprimée, de n’être qu’un feu de paille, une saveur du moment. Ouvertement agacé qu’on lui parle davantage de La voix junior que de ses propres réalisations, il donne également l’impression d’être las qu’on associe seulement ses chansons aux «pa pa pa» et «la la la» qu’elles contiennent.

Mais qu’importe ses angoisses : Nevsky s’amuse visiblement comme un fou sur scène, il est profondément amoureux de musique et, surtout, entièrement authentique. Il était judicieux que Montréal en lumière lui offre une place de choix dans sa programmation, l’auteur-compositeur-interprète représentant une nouvelle vague d’artistes dont les influences se feront entendre encore longtemps. Sa pop aux arrangements recherchés sonne peut-être bonbon aux oreilles de certains, mais elle est drôlement bien tournée et accrocheuse, les mélodies sont impeccables, et il parle d’amour d’une manière qui n’est jamais mièvre. La démarche est soignée, le «personnage» médiatique est au point, sa carrière n’est plus «sur une lancée», mais bien pleinement sur les rails : quand Alex Nevsky se trouve quelque part, c’est gagnant.

Le Métropolis d’une capacité de 2300 personnes lui convenait bien, et Nevsky l’a très honorablement rempli, samedi, en réservant ses bombes radiophoniques pour la fin. On s’étonnait de ne pas entendre au moins une Fanny ou une Les coloriés dans les cinq premiers titres, mais non : il fallait attendre au dessert pour avoir nos gourmandises.

Sans cabotinage

Laurence Nerbonne avait d’abord réchauffé la salle sur le coup de 19h, son univers électro-pop se mariant à merveille avec celui de Nevsky. Décontractée dans son ample chandail et ses espadrilles, commençant sous trois faisceaux lumineux qui traçaient un triangle autour d’elle, la jeune femme a jeté dans la mare une nouveauté, Tinder Love, en demandant aux spectateurs s’ils étaient abonnés à l’application. Juste après, la Canadienne Ria Mae n’a pas perdu de temps, en balançant immédiatement son tube Ooh Love, question probablement qu’on relie l’air et le visage.

Alex Nevsky a été fidèle à sa parole en se pointant autour de 20h40, tel qu’entendu. Devant une foule bruyante, dans un éclairage verdâtre, il s’est d’abord commis sur La beauté, dont les arrangements singuliers sautaient aux tympans. «Ça va, Montréal?», s’est-il enquis en sautillant. Près de lui, ses musiciens Gabriel Gratton (basse et guitare), Vincent Carré (batterie), Jean-Alexandre Beaudoin (guitare) et Laurence Lafond-Beaulne (du duo Milk & Bone, au clavier et à la basse), semblaient aussi énergisés que lui. Le timbre féminin de Lafond-Beaulne s’est joint à celui de Nevsky pour le collage Le lit des possibles Mieux vaut vivre pauvre, et c’était du plus bel effet.

«Donc vous êtes là. Pis vous m’aimez», a salué Alex Nevsky quelques minutes plus tard, décidé à taquiner un peu son parterre. «On va essayer un petit exercice de chant. Les gens pensent que c’est vraiment simple de faire mes chansons, «pa pa pa», «la la la», et c’est vrai, je vous l’accorde».

Sauf que, a-t-il argué, livrer des «oh oh oh», c’est beaucoup plus difficile. «Vous allez vous rendre compte à quel point c’est dur, faire de la pop». Et lui de battre la mesure au clavier et d’augmenter la cadence pendant que ses disciples s’exécutaient, bouches arrondies.

Ce court épisode mis à part, Nevsky n’a pas beaucoup cabotiné pendant son tour de chant. À mi-chemin, après Jeter un sort (interprétée avec Laurence Lafond-Beaulne plutôt que Cœur de pirate comme sur l’album), il a demandé à tout le monde présent d’empoigner son voisin par l’épaule. «Est-ce que vous comprenez ça, cet amour gratuit qu’on peut s’offrir?», a-t-il scandé. «Arrêtez pas. Vous pouvez vous donner des petits bisous», a-t-il enchaîné, avant d’entamer Le jeu des sentiments. Des «On t’aime» lui étant adressés ont alors résonné ici et là.

Sinon, le chanteur s’est contenté de chanter. De citer Sarte (L’enfer c’est les autres) et Falardeau (Nos Eldorados, électro à souhait). Et de jouer du clavier et de la guitare. Souvent dans une obscurité partielle ou complète (J’aurai des mains, Tuer le désir, Katharina). Jolie trouvaille de mise en scène que ces cœurs et autres motifs colorés au fin rayon laser qui se dessinaient et se défaisaient constamment derrière Nevsky et ses instrumentistes à partir du quatrième morceau, Le cœur assez gros (où la voix de ce dernier était bien en évidence), pour ne jamais cesser après.

Sans compter cette magnifique image de ciel étoilé qui s’est allumée sur Le monde fou des animaux.

Puis, Nevsky a enfilé une très scintillante veste disco sur La bête lumineuse, qu’il a gardée sur lui jusqu’à la toute fin. Et l’enthousiasme a monté de quelques crans. Il a grésillé doucement aux premières mesures de Fanny. Il s’est embrasé davantage sur Réveille l’enfant qui dort (sans Koriass, avec Lafond-Beaulne). Petite explosion pour Polaroïd, chaudement accueillie avec ses quelques cellulaires allumés dans le public, sans que ça ne soit l’harmonie lumineuse totale. Et unisson sincère sur une Les coloriés étirée, dont le solo de batterie du début a été accentué, et qui s’est terminée dans le délire sonore de l’assistance.

Allait-on dire au revoir à Alex Nevsky et ses amis sans entendre On leur a fait croire? On n’y aurait pas cru, sans mauvais jeu de mots. La bande est donc revenue pour offrir Tes joies liquides, puis la bien-aimée ritournelle qui a fait de Nevsky une étoile montante. On leur a fait croire a aussi été évidemment plus longue qu’à l’habitude. Et, à en juger par les hurlements des fans lorsqu’Alex a été présenté officiellement par ses comparses, on ne peut que se dire que celui-ci peut faire taire ses questionnements existentiels…

Toutes les dates de la tournée d’Alex Nevsky sont sur son site web (www.alexnevsky.com).

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