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«Il était 6 fois»: l'école alternative, une pêche aux valeurs (ENTREVUE)

«Il était 6 fois»: l'école alternative, une pêche aux valeurs

En 2006, Liane Simard hésitait à envoyer son petit Arnaud, alors au début de son parcours scolaire, à l’école Notre-Dame-de-Grâce, un établissement traditionnel, ou à l’école alternative Étoile filante. Elle a opté pour le second choix et a documenté toutes les études primaires de son fils et de cinq de ses petits camarades, dans un film intitulé Il était 6 fois, à l’affiche des Rendez-vous du cinéma québécois ce samedi, puis diffusé sur la chaîne Planète+ dimanche. La réalité d’une école alternative vue de l’intérieur, voilà qui devrait démonter quelques idées préconçues, en ces temps où l’éducation est souvent matière à débat.

«Souvent, il y a une mauvaise compréhension de ce qu’est l’école alternative, estime Liane Simard. À la télévision, par exemple, on va souvent en faire un cliché pour servir l’émission, le téléroman. On a tendance à penser que, dans les écoles alternatives, les enfants ne font rien ou ne font que ce qui leur tente, mais ce n’est vraiment pas ça. Dans le film, on découvre ces enfants et on voit ce qui se passe dans les écoles alternatives, et ça remet un peu les pendules à l’heure.»

Travail colossal

L’aventure Il était 6 fois a été une école en soi pour Liane Simard, qui a consacré six ans au tournage et quatre autres années au montage de son documentaire (elle avait cumulé au-delà de 130 heures de matériel), en conciliant la production de celui-ci avec son métier de coach d’acteurs sur les plateaux de cinéma.

Celle qui avait présenté une première œuvre, La boîte, portant sur l’importance du père dans la vie d’un enfant, au Festival des films du monde et aux Rendez-vous du cinéma québécois en 2003, a mené l’entreprise Il était 6 fois à bout de bras, à compte d’auteure, sans obtenir de financement. Son acharnement a toutefois rapporté, puisque ce témoignage a fait bonne figure au Festival du film sur l’éducation d’Évreux, en France, en décembre. Il était 6 fois a également remporté des honneurs au Children’s International Cine Festival en Inde, et elle-même est repartie avec le prix de la meilleure réalisatrice au festivalDiversity, à Toronto.

Pourquoi avoir penché pour une éducation alternative pour son garçon au lieu d’une institution régulière? Principalement pour lui offrir l’esprit d’entraide du petit village de 1200 habitants où elle-même a grandi, explique Liane Simard.

«J’avais envie de recréer un mini-village. L’école alternative, pour moi, c’était un peu ça. La communauté est plus tissée serré, les parents se connaissent, on peut discuter ensemble des questions par rapport à nos enfants.»

«Moi aussi, j’avais des préjugés sur l’école alternative», poursuit la cinéaste, qui dit avoir été inspirée par le long-métrage Anna, du réalisateur russe Nikita Mikhalkov, lequel avait suivi sa fille de l’âge de 6 à 18 ans pour rendre compte de son évolution.

«Le fait de me questionner et d’aller aux soirées d’information m’a aidée.»

«Road movie intérieur»

Liane Simard a posé sa caméra sur ses six jeunes sujets en abordant un angle en particulier, celui de l’assimilation des valeurs en classe. Elle se plait d’ailleurs à dire qu’elle est allée à la «pêche aux valeurs» en questionnant les tout-petits. L’implication des parents étant obligatoire dans les écoles alternatives, la réalisatrice a ainsi investi son temps «sur le terrain», directement avec les enfants, via son projet, plutôt qu’en assistant à des réunions qui la tentaient plus ou moins.

«L’objectif premier était vraiment d’aller à la pêche aux valeurs, insiste-t-elle. À l’école, ces valeurs sont même notées au bulletin. C’est quand même particulier, de donner une note pour une valeur. J’ai donc essayé de voir si ça apportait quelque chose de plus, si ça faisait des enfants différents, si ça créait une éducation différente. Le but n’était pas de faire un portrait ou d’être le porte-étendard d’une école alternative, le sujet était vraiment les valeurs.»

À titre d’exemple, dans une scène de Il était 6 fois, les gamins apprennent la notion d’empathie en pigeant le nom d’un(e) ami(e) et en énonçant à voix haute une de ses qualités. Et ce, même si ledit visage ne leur plait pas! S’ensuit une discussion sur les qualités nommées et un jeu de reconnaissance, la semaine suivante, de celles-ci dans les activités quotidiennes.

«Et c’est devenu un road movie intérieur, parce que je me suis intégrée comme personnage dans le film, précise Liane Simard. Je n’étais pas juste observatrice, j’étais une personne apprenante, j’acquérais ces valeurs et je voyais comment elles pouvaient m’affecter en tant que femme et mère.»

«À part le mot «valeur», l’idée d’enseigner à nos enfants à être de meilleurs êtres humains, je trouve que c’est très important, ajoute la dame. Moi, dans ma génération, on avait la religion à l’école, qui nous enseignait certaines valeurs, comme le respect de l’autre. Je me suis rendu compte que l’enseignement des valeurs, ce n’était qu’un prétexte pour, justement, améliorer le vivre-ensemble, les relations des jeunes entre eux, les amener à être plus ouverts. J’ai observé que les enfants avaient une meilleure persévérance à l’école et qu’ils aimaient plus être à l’école. Les valeurs deviennent ainsi un tremplin pour aller vers autre chose, elles ne sont pas une fin en soi.»

Aujourd’hui, Arnaud fréquente le Conservatoire de musique, où il se perfectionne à la flûte traversière. Après son primaire alternatif, il a complété son secondaire au privé. Aux dires de Liane Simard, le jeune homme n’a jamais trouvé lourd d’avoir souvent sa mère autour de lui dans ses premières années d’écolier.

«Ça ne le dérangeait pas, rigole la fière maman. Je lui ai souvent posé la question, mais je n’étais pas la seule maman dans l’école. Ça bouge beaucoup, dans une école alternative, il y a les parents, des intervenants, ce n’est pas bizarre qu’une mère soit dans la classe. Ça allait de soi.»

Il était 6 fois sera présenté aux Rendez-vous du cinéma québécois, ce samedi, 4 mars, à 15h, à la Salle Jean-Claude Lauzon du Pavillon Judith-Jasmin de l’UQÀM. Planète+ le diffusera le lendemain à 20h30.

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