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Émilie Janvier, comme dans son salon

Émilie Janvier, comme dans son salon
Simon Laroche

Émilie Janvier voulait recréer l’atmosphère de son salon pour son spectacle à la Salle Claude-Léveillée, jeudi. Comme si elle avait pu inviter les spectateurs dans son petit nid de Longueuil.

L’exigu espace de la Place des Arts seyait bien à son aspiration ; quasi collée sur son public dans sa courte robe de dentelle, derrière la guitare qu’elle gratte délicatement et qui paraît par moments trop imposante pour son menu corps, la jeune auteure-compositrice-interprète a offert l’entièreté de son premier album et quelques relectures, dans une intimité avantageuse pour sa pop-folk tout en finesse.

Le décor imaginé par Joël Legendre, à la mise en scène, respectait aussi le thème du rendez-vous, avec le moelleux fauteuil dans lequel Émilie s’est reposée quelques fois. Cette dernière avait aussi tout près d’elle une tasse pour se désaltérer («On va imaginer que c’est du café, s’il vous plait») et deux «bibelots» (ainsi qu’elle désigne avec humour ses musiciens, Francis G.Veillette et Samuel Cournoyer). Elle avait même pensé à apporter une couverture qu’elle a tendue à sa mère assise au premier rang après quelques morceaux, alléguant que celle-ci a toujours froid. Vite sur ses patins, la maman a réclamé du pop corn, à peu près le seul élément manquant de cette soirée aux airs de feu de camp.

Émilie s’est dite heureuse que l’enclave Claude-Léveillée ne soit pas remplie pour sa modeste «rentrée montréalaise», propulsée dans les faits par les Week-Ends de la Chanson Québecor, essentiellement voués à offrir une vitrine aux voix de la relève. Elle s’est réjouie plusieurs fois de pouvoir lire les réactions des gens – dont sa famille et plusieurs de ses proches - sur leur visage pendant sa prestation. Le public, lui, était ainsi davantage enclin à se laisser bercer par sa candide poésie qui, déclinée en formule acoustique, fait justement l’effet d’une caresse réconfortante, jamais agressive.

Car l’œuvre d’Émilie, parfois un brin mélancolique, n’a pas encore le rayonnement de celle de sa grande sœur Marie-Ève et de son beau-frère Jean-François Breau, les tourtereaux chéris du public donnant davantage dans la pop brute. La jeune femme soigne énormément ses textes – ce qui ne signifie pas que ses aînés n’en font pas autant! –, et ses mots sont probablement davantage mis en valeur dans un lieu personnel comme Claude-Léveillée ou le Gesù que dans le faste d’un Théâtre St-Denis ou d’un Théâtre Maisonneuve, par exemple. Jeudi, on l’entendait très clairement chuchoter les «3, 4, 5, 6» qui rythmaient ses débuts de chansons, comme si elle voulait qu’on soit avec elle, dans sa tête. Une proximité qui n’a toutefois pas empêché son assistance de lui réserver un accueil «majestueux», a-t-elle souligné en entrée.

Quatre points cardinaux

Sympathique et d’un naturel fou, la chanteuse est souvent sortie de son texte pour interagir avec son parterre. Pour se moquer d’elle-même, pour faire des mises en contexte ou pour taquiner sa maman, à deux ou trois reprises. Quand elle a badiné sur sa difficulté à prononcer le nom de l’équipe de son attaché de presse, son rire gêné était absolument craquant. Sache, Émilie, que, nous aussi, on a souvent du mal avec le «Turner» de «Roy et Turner».

Le tour de chant d’une heure a débuté avec Rose des vents, un texte qu’Émilie a raconté avoir écrit dans un moment de sa vie où elle était «perdue et sans repères». Elle a du même souffle donné le ton à l’ordre de sa présentation, qui allait s’appuyer sur les quatre points cardinaux, certains titres évoquant l’Est ou l’Ouest, et d’autres, le Sud ou le Nord.

On retiendra Aux deux Marie, ce doux récit d’une histoire d’amour naissante dans le café montréalais du même nom, Dernières pages, un hommage à sa grand-maman, son modèle quand elle était petite, et l’entraînante Trois ou quatre pas, son premier extrait radio.

Émilie a usé d’une comparaison avec un coucher de soleil pour introduire Lignes de corps, qui relate une relation de couple de longue date. Charmant, d’entendre la demoiselle et l’espoir de ses 26 ans rêver à voix haute les émotions d’amoureux de toujours. «Jamais je n’irai voir ailleurs, même si je connais ta peau par cœur…», entonne-t-elle, anticipant une maturité qu’elle ne possède pas encore.

Celle qui, «comme tous les gens de [sa] génération», aime «reprendre de bons vieux classiques», s’est commise sur Ton amour a changé ma vie et Danser, danser, avant de bifurquer vers le versant Nord de son enchaînement. «Le Nord m’a enlevé mon grand frère un certain 7 février», a-t-elle expliqué, saluant ainsi son frère Louis-Philippe, décédé en 2013. Dans l’émouvante 7 février, elle raconte comment la vie a continué alors que son monde à elle s’écoulait sous ses pieds. Tes flocons est aussi une ode à son regretté complice, comme Un pacte en est un à son beau-frère Jean-François, qu’elle affectionne énormément. Car «c’est après une grosse tempête de neige qu’on trouve la plus belle lumière et le plus grand calme», a mentionné Émilie.

La jeune étoile s’est amusée de la réaction attendrie du public quand elle a entamé la pièce dédiée à sa nièce Léa. Et puisque son spectacle était presque une affaire de famille, l’amoureuse a destiné son rappel, Je t’attendais, à son amoureux Jean-Michel (Bourque, de TVA Sports). Toute la Salle Claude-Léveillée chantait alors doucement avec elle, ce qui a conclu sur une note bien tendre et envoûtante un mini-concert qui l’était tout autant.

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