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Labrèche, Dolan... Anne Dorval parle des hommes de sa vie (professionnelle)

Labrèche, Dolan... Anne Dorval parle des hommes de sa vie (professionnelle)
Kinda Michalska

Les Rendez-vous du cinéma québécois (RVCQ) proposent chaque année des «leçons de cinéma» ou «classes de maîtres», avec des personnalités se démarquant dans leur art, devant ou derrière la caméra.

Xavier Dolan, Marc Labrèche, Jean-Marc Vallée et Pascale Bussières se sont notamment prêtés au jeu dans les dernières années. Ce mercredi, 1 mars, le réalisateur Podz expliquera les rouages d’un bon plan-séquence.

Mardi, c’était au tour d’Anne Dorval de dévoiler tous les secrets de son parcours professionnel à l’animatrice Marie-Louise Arsenault, dans la salle principale de la Cinémathèque québécoise, devant un parterre de jeunes plus ou moins en âge d’avoir connu l’époque de Chambres en ville.

D’abord en entrevue, puis en séance de questions-réponses avec le public, la comédienne s’est racontée avec beaucoup de candeur, d’humour et de franchise, insistant au passage pour être tutoyée et rejetant de son rire caractéristique l’expression «classe de maître».

C’a été l’occasion pour elle de rendre un hommage senti à deux des hommes les plus importants de sa vie professionnelle, Marc Labrèche et Xavier Dolan.

Il a d’abord été question de Labrèche, qu’Anne a rencontré sur le plateau du talk-show Le grand blond avec un show sournois, au début des années 2000, même si on a l’impression qu’ils se connaissent depuis toujours. Tous deux ne se croisaient qu’à l’occasion mais, lorsqu’est venu le temps de choisir les chroniqueurs du Grand blond, Dominique Chaloult, qui était alors productrice de l’émission, avait eu l’idée d’inviter Anne Dorval à se joindre à l’équipe.

Celle-ci a donc hérité de la chronique du «monde à boutte». Elle se laissait aller chaque semaine à un «pétage de coche» de son cru. Mais son segment a rapidement été évincé de la quotidienne. «Ça ne plaisait pas à la direction de TVA que je fasse des crises!», a avoué Anne. Pour garder sa nouvelle amie dans le projet, Marc Labrèche, qui détestait mener les entrevues avec ses invités au Grand blond, avec son complice auteur Marc Brunet, a eu le flair de créer un concept de parodie de General Hospital en courtes saynètes de trois minutes, un prétexte pour faire faire mille et une folies aux artistes de passage en studio. Anne Dorval a ainsi endossé les habits d’Ashley, «infirmière diplômée», un personnage récurrent, et Le cœur a ses raisons est né de cette façon, en toute humilité. «Je recevais les textes le matin et on tournait l’après-midi», s’est remémoré Anne. Le cœur a ses raisons est ensuite devenu une comédie à part entière, qui a duré le temps de trois saisons à TVA, mais a surtout marqué le début d’une connivence inconditionnelle avec Marc Labrèche, qu’Anne a ensuite retrouvé dans Les bobos et, dans les derniers mois, dans Le plus beau jour de ma vie à Radio-Canada Première et dans le Bye Bye 2016.

«On s’est rencontrés, c’est une histoire d’amour professionnelle, a indiqué Anne Dorval à propos de Marc Labrèche, soulignant que leur lien est affaire de talent, de rencontre, de circonstances et de timing. Je l’ai rencontré et je ne pourrais plus m’en passer. C’est une âme sœur. Avec lui, on dirait que j’ai tous les droits, je n’ai pas de filtre du tout, du tout. Quand je suis en sa présence, il me propulse où je ne penserais pas aller. Ensemble, on n’a peur de rien, on n’a vraiment pas peur du ridicule. Chaque fois que je le vois, c’est un bonheur que je ne m’explique pas».

Refuserait-elle de collaborer dans un projet ou un autre avec Marc Labrèche?, lui a demandé un spectateur.

«Ce serait impossible, a répondu Anne. Il est tellement intelligent ; s’il me propose quelque chose je sais que ça va être bon.»

Des inséparables

Ce bonheur, elle le partage aussi avec Xavier Dolan. Anne Dorval a souvent relaté comment le jeune cinéaste l’avait abordée pour la première fois dans un studio de doublage, tremblant, la vouvoyant, un scénario à la main, affirmant qu’il rêvait de travailler avec elle. Or, bien avant, dans les coulisses du Cœur a ses raisons, Anne avait déjà entendu parler de ce gamin au talent indéniable, par des gens qui avaient côtoyé l’enfant lors des tournages des publicités de Jean Coutu, dans les années 90.

«C’est un petit génie mais il est insupportable», pestaient ces personnes.

La première ébauche que Xavier Dolan avait soumise à Anne Dorval s’intitulait Les ailes roses et n’était «pas très bonne», a fait remarquer la comédienne, mardi. «Ça allait partout et nulle part à la fois, c’était comme trois scénarios en un.» Elle a poliment fait part de ses commentaires à Xavier, qui ne s’est pas laissé démonter et lui a tendu le texte de J’ai tué ma mère en échange. Pour la convaincre, il s’est invité chez elle un dimanche, bien que la principale intéressée était réticente à l’accueillir. Mais ce fut le début d’une autre grande aventure humaine.

«Il a mis le pied dans la porte, il est entré dans la maison et il n’en est jamais ressorti, a résumé Anne. Xavier vient chez nous trois fois par semaine, à toutes les semaines. Quand on ne se voit pas une semaine, on est perdus. Marc Labrèche, c’est pareil. Il allume quelque chose chez moi…»

Elle a continué, parlant toujours de Xavier Dolan :

«C’est devenu une partie de moi-même, une des personnes qui me connaît le plus, sinon la personne qui me connaît le plus. Il n’accepte pas qu’on lui dise non ; il n’a pas de retenue, pas de gêne (…) Je me suis tellement sentie aimée vite, très, très vite. Il n’a jamais eu peur de moi, alors il a eu accès à beaucoup de choses de moi. Il n’y avait pas de limites à ce qu’il pouvait poser comme question (…) On est deux inséparables. »

«Je le trouvais tellement intelligent. Quand j’ai lu J’ai tué ma mère pour la première fois, j’étais tellement impressionnée, je n’arrivais pas à croire que c’est lui qui l’avait écrit.»

Aux dires d’Anne, son amitié avec Xavier s’est réellement soudée lors des scènes plus dures de J’ai tué ma mère. Leur affection mutuelle a encore grandi dansMommy. Dans les deux histoires, Anne Dorval a été émue du portrait de la maternité tracé par Dolan.

«Xavier est très sensible à la maternité. Il est pour les mères, il défend les mères, il les voit travailler. Il les a observées quand il était petit, il a vu sa mère et les mères de son entourage. Il a envie d’en faire des stars, des mères de famille qui ont souvent été oubliées dans leur cuisine (…) Je lui en serai reconnaissante toute ma vie, de célébrer les mères. Car les mères sont de grandes héroïnes ».

Voici d’autres informations sur Anne Dorval apprises au cours de la Leçon de cinéma

- Elle est née à Noranda, près de Rouyn, en Abitibi. Mais «Noranda, c’était pas Rouyn», a-t-elle insisté. Son père, un comptable, a ensuite obtenu un poste au gouvernement et a été muté à Sherbrooke, puis à Trois-Rivières, où Anne a passé toute son adolescence.

- Le désir d’être comédienne est venu à elle autour de l’âge de 9 ans, en quatrième année. Déjà, Anne Dorval clamait alors à ses camarades qu’elle serait actrice plus tard. Timide dans la vie, elle se plaisait à «être en avant» pour faire rire son entourage, notamment en imitant ses professeurs.

- La Sagouine est la première pièce de théâtre qu’elle a vue avec sa mère, à l’âge de 11 ou 12 ans. «J’avoue qu’à un moment donné, je trouvais ça plate», a-t-elle admis à Marie-Louise Arsenault.

- Au secondaire, Anne Dorval a fréquenté l’école des Ursulines. Un professeur de diction l’a incitée à monter sur les planches pour la première fois, dans La légende des pigeons, de Félix Leclerc, où elle tenait l’un des trois rôles principaux. «C’était assez plate, je pense», a toutefois reconnu Anne. En secondaire quatre, elle a fondé une troupe de théâtre avec d’autres filles et, ensemble, elles ont monté Les Fourberies de Scapin, où Anne interprétait Scapin. Jacques Leblanc, aujourd’hui directeur du Conservatoire d’art dramatique de Québec, l’a vue et l’a ensuite recrutée et lui a fait faire beaucoup de théâtre amateur. Elle a notamment joué du Ionesco.

- Ce n’est pas qu’une légende urbaine : Anne Dorval a bel et bien passé une première audition pour l’École nationale de théâtre (ENT) à 15 ans. Elle était alors en secondaire 5. Dans un dépliant que lui avait remis l’orienteur de son école, elle avait lu qu’il fallait être majeur pour tenter sa chance à l’ENT, mais «qu’ils faisaient parfois des exceptions». Avec toute la candeur et le front de son adolescence, elle a donc risqué le tout pour le tout, en offrant un extrait de La cantatrice chauve, de Ionesco, dans la peau de Madame Smith, et un autre d’Antigone, d’Anouilh. «Je n’avais aucune culture, je ne connaissais rien», se désole-t-elle aujourd’hui. Michelle Rossignol, qui l’avait évaluée en audition, lui avait gentiment dit : «On ne te dit pas que tu n’es pas acceptée, mais réessaie-toi l’année prochaine». Or, orgueilleuse, la jeune Anne Dorval avait été piquée dans sa fierté. «Vous me prenez pour une imbécile, je ne mettrai plus jamais les pieds ici», s’est-elle alors promis, insultée. Et elle a effectivement tenu parole, fréquentant plutôt le cégep, puis le Conservatoire d’art dramatique. Par contre, fait amusant, Anne Dorval enseigne aujourd’hui, depuis deux ans… à l’École nationale de théâtre!

- Anne Dorval dit avoir vécu une quasi révélation lorsqu’elle a commencé ses études en théâtre. «Tout à coup, j’étais avec des gens qui me ressemblaient». Elle qui s’était sentie différente, qui n’était pas populaire, qui ne «pognait» pas au primaire et au secondaire, qui a traversé l’adolescence comme un cauchemar, avait soudainement l’impression que «tout se pouvait, tout à coup». Elle se souvient avec tendresse de sa professeure de diction, Madame Huguette Uguay (Madame Bec Sec dans Le pirate maboule), qui était, dit-elle, d’une «exigence totale». C’est également pendant sa formation qu’elle a fait la connaissance de sa grande amie Hélène Mondoux, qui se spécialise désormais en doublage, et des comédiens Geneviève Rioux et Jean-François Blanchard, qui étaient dans sa classe.

- Deux ans après la fin de ses études, Anne Dorval a été embauchée par Claude Poissant, qui lui a confié un personnage dans une création d’Alice Ronfard à la Salle Fred-Barry. Par la suite, René-Richard Cyr lui a proposé de passer une audition pour Aurore l’enfant martyre, qu’il préparait pour le Théâtre de Quat’Sous. Elle n’a pas obtenu le mandat d’incarner l’enfant molestée entre les murs de l’établissement de l’Avenue des Pins (c’est plutôt Adèle Reinhardt qui fut l’heureuse élue), mais Anne a ensuite pu personnifier Aurore en tournée au Québec. De René-Richard Cyr, Anne Dorval dit qu’il est «[son] parrain, [son] père, [son] ami». Elle est aussi très proche de Serge Denoncourt.

- Anne Dorval dit être extrêmement sujette au trac lorsqu’elle monte sur scène. «C’est une maladie, martèle-t-elle. Je m’enferme dans un garde-robe et je mange des citrons ». Mais bien qu’elle ait peur d’oublier son texte, elle affirme qu’il s’agit là d’une puissante drogue, d’un «gros buzz».

- Au cinéma, elle a joué dans 15 films depuis 1990. Sa première expérience au grand écran a été dans Ding et Dong : le film.

- De son légendaire personnage de Lola dans Chambres en ville, Anne Dorval soutient qu’il attirait autant l’amour que la haine, qu’elle recevait de grandes tapes dans le dos et des «Je t’haïs» à tous les jours, une réalité à laquelle elle n’était pas préparée. Elle décrit sa rebelle Lola comme une «héroïne improbable». «Justement parce qu’elle n’était pas la plus cute, mais elle avait un caractère de cochon. C’était une figure féminine qu’on voyait peut-être moins.»

- Aussi active dans le milieu du doublage, Anne Dorval prête sa voix, entre autres, à Kim Basinger, Sigourney Weaver, Robin Wright et Sharon Stone. Elle aime évidemment doubler de bons films… mais s’amuse également énormément d’en doubler des mauvais. «C’est jouissif quand c’est de très, très, très mauvais acteurs, dans de très, très, très mauvais films», a-t-elle rigolé, citant en exemple un long-métrage érotique du genre Bleu Nuit, «simili cochon», sur lequel elle avait enregistré des voix aux côtés de sa grande copine Hélène Mondoux. Les deux filles personnifiaient deux lesbiennes dans cette «œuvre», remplie de clichés «et de cochoncetés», s’est remémoré Anne Dorval avec un grand plaisir.

- Bien sûr, Anne Dorval a déjà refusé des propositions professionnelles. «Il y a des rôles que j’ai refusés parce que c’était mal écrit, trop mauvais». En revanche, elle maintient qu’elle «défendrait à peu près n’importe quel rôle si c’est bien écrit.» Elle avait entre autres décliné l’offre de jouer Médée, dans la mythologie. «Je n’ai pas envie de me mettre dans cet état-là, a-t-elle plaidé. C’est à peu près le seul rôle, dans tout le répertoire, que je ne veux pas jouer. Tuer ses enfants, c’est trop de désespoir…»

- Elle a été de la distribution de deux films en France, mais ne pourrait envisager de jouer dans un film américain de Xavier Dolan, parce que, jure-t-elle, elle ne parle pas assez bien anglais. Elle songe à la possibilité de faire une immersion de six mois à New York, mais craint de s’ennuyer de sa famille pendant l’exil.

- Elle n’est pas tellement intéressée à faire de la mise en scène. «On me l’a proposé, et j’ai dit non parce que je suis trop bébé. S’occuper de toute une équipe, ce serait trop de responsabilités pour moi. J’ai deux enfants à la maison, je ne peux pas parler à quelqu’un qui fait des décors ou des costumes, à des acteurs qui attendent tout. Je n’en ferai pas, de mise en scène! (rires).»

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