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«Superinfirmières»: il faudra cinq fois plus de diplômées pour tenir la promesse des libéraux

«Superinfirmières»: il faudra cinq fois plus de diplômées pour tenir la promesse des libéraux
A little girl is at the doctors office for a check up. A nurse is sitting with them and talking to the mother.
FatCamera via Getty Images
A little girl is at the doctors office for a check up. A nurse is sitting with them and talking to the mother.

Selon l'Ordre des infirmières du Québec, le gouvernement Couillard ne pourra pas respecter sa promesse de compter 2000 infirmières praticiennes spécialisées (IPS) au Québec d'ici 2024, à moins d'un sérieux coup de barre. De son côté, le ministre Gaétan Barrette maintient la promesse.

Un texte de Francis Labbé

Les infirmières praticiennes spécialisées sont des professionnelles de la santé qui peuvent poser certains gestes médicaux auparavant réservés aux médecins. On les retrouve dans certaines spécialités, comme la cardiologie et la néonatalogie, mais surtout en soins de première ligne. Elles ont la capacité d'évaluer un patient, de poser un diagnostic et de prescrire les médicaments requis.

Selon l'Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ), le gouvernement ne sera pas en mesure de répondre à la demande des régions désireuses d'accueillir davantage d'infirmières praticiennes spécialisées. Les places disponibles dans les universités devront être augmentées de façon considérable, sinon, le Parti libéral ne pourra remplir sa promesse.

« Il serait intéressant que des annonces arrivent bientôt. D'une part, il faut un plan d'effectif qui précisera combien de postes on retrouvera et dans quelles régions du Québec. D'autre part, il faut prévoir du financement pour que les universités puissent former ces nouvelles infirmières praticiennes », affirme Lucie Tremblay, présidente de l'OIIQ.

«Plus ces annonces tardent, plus l'échéancier que le gouvernement s'était donné de compter 2000 infirmières praticiennes spécialisées au Québec d'ici 2024 devient difficile à atteindre.» - Lucie Tremblay, présidente, Ordre des infirmières et infirmiers du Québec

Selon les données de l'OIIQ, seulement 45 infirmières praticiennes spécialisées en soins de première ligne recevront leur diplôme en 2016-2017. Étant donné que le Québec compte actuellement 407 infirmières praticiennes, dont 347 en première ligne, il faudra remettre cinq fois plus de certificats, chaque année, au cours des sept prochaines années.

Le ministre Barrette se fait rassurant

Selon le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, le gouvernement Couillard tiendra sa promesse. « Nous sommes très confiants d'y arriver, mais il est vrai qu'il faut augmenter les places disponibles [dans les universités] », convient le ministre Barrette.

« C'est pourquoi je travaille très étroitement avec ma collègue de l'Éducation supérieure et de la Recherche pour faire en sorte qu'on puisse le faire. Tout indique qu'on pourra avoir le rythme de formation approprié pour arriver à destination, ajoute M. Barrette. Les milieux de formation nous disent que c'est faisable et nous nous affairons à trouver le financement nécessaire en ce moment. »

«Il y aura 2000 places d'infirmières praticiennes spécialisées dans le réseau, sans faute. Nous ne formerons pas d'infirmières praticiennes spécialisées sans leur donner, au bout de la ligne, un poste.» - Gaétan Barrette, ministre de la Santé

D'autres bâtons dans les roues

À l'Université de Montréal, la vice-doyenne à la Faculté des sciences infirmières soutient que le programme formera trois fois plus d'infirmières praticiennes l'automne prochain.

« Nous avions 23 places, nous en aurons 60 », explique Caroline Larue, en précisant que ce sera sensiblement la même situation dans les autres universités qui offrent le programme.

Mais il y a d'autres difficultés, selon elle. « La formation des infirmières praticiennes comprend un stage supervisé par un médecin. C'est un programme donné conjointement avec la Faculté de médecine. Dans le contexte actuel, où ils doivent augmenter le nombre de consultations auprès des patients, ça leur laisse moins de temps pour l'enseignement. »

Salaire

Autre irritant, les infirmières praticiennes spécialisées sont moins bien payées au Québec que dans plusieurs autres provinces canadiennes.

« Pourtant, nous sommes mieux formées, parce que nous devons obtenir 75 crédits de maîtrise à l'université », raconte Amélie Marleau, infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne, qui travaille dans un groupe de médecine familiale (GMF) à Saint-Joseph-du-Lac.

« Nous devons faire une maîtrise en sciences cliniques, de deux ans, en plus de faire un diplôme d'études supérieures [spécialisées, ou DESS] », ajoute Mme Marleau. En comparaison, en Ontario, le programme de spécialisation dure une année à temps complet. Il doit cependant être précédé de deux à cinq ans de travail en tant qu'infirmière. Dans cette province, l'échelle salariale des infirmières praticiennes peut atteindre 122 000 $ annuellement, alors qu'au Québec, elle atteint au maximum 93 000 $.

«Nous sommes mieux formées et nous gagnons moins cher.» - Amélie Marleau, infirmière praticienne spécialisée en soins de première ligne, Saint-Joseph-du-Lac

Malgré tout, lors des dernières journées carrières dans les universités québécoises où l'on offre le programme de formation des infirmières praticiennes spécialisées, l'intérêt des futures étudiantes y était. « Pour notre part, nous avons reçu 200 personnes », précise Caroline Larue, vice-doyenne à la Faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal.

Dans certaines régions du Québec, on mise sur ces « superinfirmières » pour améliorer l'accès du public au système de santé. Notamment dans Lanaudière. « C'est ce qui nous permet d'augmenter l'accessibilité à la médecine en première ligne », explique Philippe Éthier, directeur adjoint des services professionnels au Centre intégré de santé et de services sociaux de Lanaudière.

« Nos infirmières praticiennes en soins de première ligne [IPS] travaillent dans plusieurs milieux, comme les cliniques médicales, les groupes de médecine familiale ou les CLSC. Elles travaillent en équipe avec un médecin, ce qui nous permet d'augmenter l'accès au système de santé. Nous avons plusieurs médecins qui sont intéressés à accueillir d'autres IPS. »

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