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Une victime de viol et son agresseur partagent la scène d'une conférence TED, leur histoire est remarquable

Violée, elle partage la scène avec son agresseur

Un témoignage rare, sans doute unique. Lors d'une conférence TED, une femme raconte le viol qu'elle a subi à 16 ans. Elle n'est pas seule sur scène. Son agresseur de l'époque se tient debout à ses côtés. À quelques centimètres. Il prend la parole, lui aussi. À tour de rôle, les deux racontent leur histoire, pendant 19 minutes.

La vidéo a été tournée en octobre 2016. Elle n'a été diffusée que ce mardi 7 février sur le site de TED et sur YouTube. En deux jours, elle comptabilise déjà près de 700 000 vues.

Comment en sont-ils arrivés à écrire un livre ensemble? Thordis Elva est islandaise. Tom Stranger est australien. Ils se sont rencontrés lors d'un échange universitaire à Reykjavik, en 1996. Il prend la parole en premier: "Nous partagions une histoire d'amour adolescents." Elle dit: "J'avais 16 ans et j'étais amoureuse pour la première fois".

Elle enchaîne et dépeint une soirée trop arrosée, où elle goûte du rhum pour la première fois. Son nouvel amoureux joue alors le chevalier sauveur, préférant la ramener chez elle. Jusqu'au moment.

"La gratitude que je ressens à son égard se transforme bientôt en horreur, alors qu'il commence à enlever mes vêtements et à se mettre sur moi. Ma tête est claire, mais mon corps est trop faible pour se débattre et la douleur m'aveugle. Je crois que je suis coupée en deux. Pour ne pas devenir folle, je compte silencieusement les secondes sur mon réveil. Et depuis cette nuit, je sais qu'il y a 7200 secondes dans deux heures."

"Ce viol n'avait rien à voir avec l'idée que je m'en faisais, continue la jeune femme. Tom n'était pas un forcené, il était mon petit ami. Ça ne s'est pas passé dans une allée crasseuse, mais sur mon lit. (...) Avant que je comprenne qu'il s'agissait d'un viol, il avait terminé son programme d'échange."

Aveux essentiels

Elle met ensuite des mots sur ce qui fait taire les femmes, cette culture du viol, comme de nombreux acteurs la qualifient. "Cela m'a pris des années pour réaliser que la seule chose qui aurait pu empêcher que je sois violée cette nuit, n'était pas ma jupe, ni mon sourire, ni ma confiance. Il était le seul qui aurait pu arrêter tout cela."

Tom Stranger prend la parole, dans un silence chargé. Ses aveux sont à la fois repoussants et essentiels. Il met en mots ce que les victimes de viol n'entendent jamais.

"Je n'avais que de vagues souvenirs de ce qu'il s'était passé le jour suivant: les effets de la gueule de bois et une petite ombre que j'essayais d'étouffer. (...) C'est important de dire que je n'avais pas idée de ce que j'avais fait. Le mot 'viol' ne trouvait pas écho en moi et je ne me culpabilisais pas avec les souvenirs de la nuit d'avant. Ce n'était pas tant un refus conscient, c'était plus comme une impossibilité de regarder la réalité. Mes actions étaient la preuve que je refusais toute reconnaissance de l'immense traumatisme infligé à Thordis. Pour être honnête, j'ai répudié l'acte en entier dans les jours qui ont suivi, ainsi même que sa date exacte. J'ai désavoué la vérité en me convainquant que c'était du sexe et pas un viol. Et c'est un mensonge qui me ronge jusqu'à la moelle."

Après de nombreux symptômes post-traumatiques, la jeune femme écrit à son agresseur. Ils correspondent pendant huit ans. Puis, ils organisent une nouvelle rencontre. Un rendez-vous est fixé à Cape Town, en Afrique du Sud, un pays symbolique pour ceux qui entament un processus de "vérité et de réconciliation", comme ils disent.

Ne plus déshumaniser les criminels

De cette deuxième rencontre complexe naîtra l'idée d'un livre, écrit à quatre mains, "parce que c'était le genre d'histoire que nous aurions aimé entendre lorsque nous étions plus jeunes", dit la jeune femme.

Parmi les nombreuses leçons de ce duo incroyable, il en est une à retenir: apprendre à envisager ceux qui perpétuent ces crimes comme des êtres humains. Ce qu'ils font - ou ont fait - est lié à leur condition. Ils ne sont pas des monstres déshumanisés, mais les produits de notre société. L'Islandaise conclut: "Comment pouvons-nous comprendre ce qui produit de la violence dans nos sociétés si nous refusons de reconnaître l'humanité de ceux qui la commettent?".

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