Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

«Almanach» de Patrice Michaud: quand la folk fait pop (ENTREVUE)

Patrice Michaud: quand la folk fait pop
Jean-Philippe Sansfaçon

L’évolution a été constante et ascendante pour Patrice Michaud dans les cinq dernières années. Après Petite-Vallée (2008), après Granby (2009), l’auteur-compositeur –interprète se commettait une première fois sur disque en 2011, avec Le triangle des Bermudes, qui lui a apporté un succès critique et un début d’enracinement à long terme dans l’industrie de la musique.

Puis, en 2014, c’est la reconnaissance populaire qui s’est pointée, grâce au Feu de chaque jour et ses extraits Mécaniques générales et Je cours après Marie. Désormais, on entend constamment Patrice Michaud et ses refrains vers d’oreille à la radio, on distingue sa voix, son style, ses salles sont remplies et les médias s’intéressent à lui. C’était flagrant, mercredi, à la Société des arts technologiques, alors que le sympathique homme lançait Almanach, son troisième effort, et que les médias devaient prendre un numéro pour partager quelques minutes avec lui.

Incidemment, plus il vogue vers ces eaux «grand public», plus ses sonorités s’éloignent un peu du folk qui nous l’a fait connaître pour épouser une vague un peu plus pop, même si ce n’est nullement calculé. L’observation s’impose donc d’emblée : ça fait véritablement «pop» pour Patrice Michaud, d’une étape à l’autre de sa carrière.

«Dans tous les sens du terme, acquiesce le principal intéressé. Sur Le feu de chaque jour, c’a été le moment où j’ai voulu explorer un peu plus ma pop, la construction de la musique pop, qui est super intéressante. C’est un art, faire ça. C’est un courant musical qui me plait, et je suis encore dans cette tendance sur le troisième disque mais, en même temps, dans des directions complètement différentes. On est beaucoup plus dans la groove, c’est un album de drum and bass. C’est certainement le moins folk de mes albums, même si ça reste très chanson. Je ne révolutionne rien dans la forme : je reste un gars de couplets-refrains, mais je me suis payé la traite dans l’enrobage».

De l’important et du futile

Ce nouvel opus de Patrice Michaud, Almanach, écrit et composé par lui-même, réalisé et arrangé par l’hyperactif Philippe Brault (Safia Nolin, Pierre Lapointe, Daniel Bélanger, Tomas Jensen et plusieurs autres), on pourra se le procurer physiquement et numériquement ce vendredi, 3 février. Sur la pochette, Michaud y apparaît, l’air pensif, ombré de noir, sur un fond jaune éclatant. Un premier échantillon, Kamikaze, tourne déjà à plein régime.

«J’ai beaucoup cherché le titre de cet album-là, raconte Patrice Michaud. J’ai de la misère avec les titres, parce que je les aime beaucoup. Le choix d’Almanachn’est pas anodin. C’est un mot weird, étrange. C’est un vieux mot. On a oublié ce que ça voulait dire. Mais, dans ces ouvrages-là, les almanachs, on trouvait des informations essentielles de la vie : le cours des saisons, les récoltes, les mariages, les décès. Ça parlait des gens. C’était très, très proche de l’essentiel. Et, en même temps, il y avait, à travers tout ça, à la même hauteur, des faits divers, des informations complètement futiles, niaiseuses, rigolotes. Et c’était amené aux gens par un colporteur.»

«J’ai l’impression que c’est ça que je fais, moi. C’est ce qui entre dans mes chansons et mes disques. On retrouve, à même hauteur, des choses extrêmement importantes et du futile, entremêlé, et c’est un peu ça, la vie, aussi, je crois.»

L’artiste ne pense pas si bien dire : au rythme très commercial de Kamikaze se juxtapose entre autres, sur Almanach, la très douce ballade Les terres de la Couronne, un duo avec Ariane Moffatt, et un court poème, Tout le monde le saura, lu par Loïc, quatre ans et demi, le fils de Patrice Michaud. Le phrasé imagé, les atmosphères douces et introspectives (L’Anse blanche, La saison des pluies) ou joyeuses (Si près du soleil, Julie revient, Julie s’en va), la signature Michaud s’entend pleinement, ses fidèles ne seront pas dépaysés. Et ce, même si le résultat n’a rien d’homogène ; pourtant, Michaud a douté.

«À un moment donné, ça me faisait peur, hasarde le chanteur. J’avais l’impression d’écrire toujours les mêmes tunes. Et j’ai beaucoup lu là-dessus, parce que c’était troublant. Pour finir par me rendre compte qu’il y a un paquet de musiciens, de toutes origines et de toutes époques, qui ont fini par accepter ça. Leonard Cohen changeait les prénoms, mais c’était toujours la même entité féminine, vers qui il tendait son cœur! J’ai souvent deux personnages, amoureux, mais avec un magnétisme fucké. Parfois, ils sont du bon bord, mais parfois, ça spinne, ça se repousse. Je n’ai pas fini d’écrire sur eux. Alors, ça donne des chansons qui, parfois, ont une bonne dynamique, avec beaucoup de lumière dans l’interprétation et le rendu, mais dont l’histoire ne fonctionne pas, l’amour ne «prend» pas. Ce n’est donc pas un album particulièrement joyeux ou mélancolique, il se promène entre deux pôles.»

Un livre pour enfants

L’attention qu’on porte aujourd’hui à son illustre personne, Patrice Michaud la gère avec aisance. Il n’y a qu’à discuter quelques secondes avec lui pour constater à quel point le jeune papa est groundé et terre-à-terre. Il blague à tout propos ; du Huffington Post, il dit aimer le nom. «On dirait qu’on va boire du thé et qu’on s’en va à Buckingham», badine celui qui affirme parler «zéro anglais».

Farce à part, le protégé de l’équipe Spectra est fier du cheminement qui l’a mené à ce troisième album et demeure réaliste quant à l’avenir.

«Les premières années, c’est plus tough. C’est normal, tu apprends le métier, pas nécessairement à la dure – il n’y a rien de dur là-dedans, c’est comme une autrejob -, mais on traverse les étapes une après l’autre. Parce qu’on va y revenir, un moment donné. Tout ce qui monte redescend, et ça aussi, il faut l’accepter. Pour certains, ça monte très vite et ça redescend très vite, pour d’autres, ça se fait sur une plus longue période. Aussi, ça ne s’est pas produit quand j’avais 22 ans ; j’en ai 36. Si ça s’était produit il y a 15 ans, je n’aurais pas dealé ça comme je l’ai fait. C’est un parcours qui me ressemble. C’est beaucoup plus simple, pour moi, de faire les choses comme ça. Je suis capable de tout conduire, et c’est moi qui conduis, personne d’autre.»

Il ne se rebiffe pas non plus contre les radios qui le portent aux nues, pas plus qu’il ne s’enflamme de sa grande présence sur les ondes. Terre-à-terre, qu’on disait.

«Une tune qui passe beaucoup à la radio ne perd pas ses qualités originales, lance-t-il, content de son observation. Avant de passer à la radio, une chanson possédait déjà ses qualités, elle était exactement la même. De la même manière que de passer à la radio ne fait pas shiner une pièce non plus, vice-versa. Mes chansons ne sont ni moins bonnes, ni meilleures, depuis qu’elles jouent à la radio.»

2017 sera une année de tournée très active pour Patrice Michaud. Ses spectacles débuteront dès le 18 février à Lavaltrie, et des arrêts sont déjà prévus à Montréal, au Club Soda (le 16 mars) et à Québec, au Grand Théâtre (les 24 et 25 mai).

Le créateur a aussi un projet de livre pour enfants qui lui trotte dans la tête, que lui inspirent présentement ses deux bouts de choux, Loïc, 4 ans et demi, et Ève, trois ans. Même s’il «dessine mal», soutient-il, il s’attarde déjà à l’histoire.

«J’envoie des idées à mes enfants, ils me disent ce qu’ils aiment. J’aimerais essayer autre chose, qui sort de la musique. Il y a deux ans, je n’aurais pas dit que ce genre de projet m’allumerait, mais là, je suis dedans…»

À VOIR AUSSI:

INOLTRE SU HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.