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Ces groupes religieux qui ne paient ni taxes ni impôts

L'État finance les organisations religieuses, même celles qui n'offrent aucun service à la population.
Radio-Canada

L'État finance les organisations religieuses, même celles qui n'offrent aucun service à la population. À Prévost, un couple de religieux fait rager ses voisins, car il est exempté des taxes municipales et scolaires.

Un texte de François Dallaire à La facture

C’est une maison de paille, tout à fait charmante. La résidence a même gagné un prix dans le cadre de l’émission de téléréalité Ma maison bien-aimée. Les propriétaires, Lorraine Gardiol et Thomas Müeller, l’ont transformée en sanctuaire religieux, et l’ont baptisée le « Sanctuaire Pont de vie ».

Comme ils sont attachés aux valeurs non matérielles, ils préfèrent qu’on les appelle par leurs noms spirituels, soit Barsha et Aviram.

Un étrange magasin virtuel...

Sur le site Internet du Sanctuaire Pont de vie, les deux fondateurs vendent différents articles qu’ils fabriquent eux-mêmes à partir du plasma, une matière... invisible.

« Vous connaissez la peinture de Michel-Ange dans la chapelle Sixtine? Il y a Dieu avec son doigt, et il y a l’homme avec son doigt. Les doigts ne se touchent pas. Et cet espace, c’est le plasma qui occupe cet espace-là. Les produits auxquels vous faites allusion sont faits à partir de plasma », explique Thomas Müeller, alias Aviram.

Ils vendent aussi des antennes de vie, une matière à base de cuivre. Ces produits sont destinés à prévenir des maladies, à énergiser les gens et à améliorer leur santé.

Aviram reconnaît d’emblée que ses prétentions ne sont pas démontrées scientifiquement. « Le plasma, si on n’a pas une intention ou si on n’y croit pas, ça ne marche pas. »

... et pas de taxes à payer!

Aviram et Barsha ont demandé au Registraire des entreprises que le Sanctuaire Pont de vie soit reconnu comme corporation religieuse.

L’avantage d’une corporation religieuse, c’est, entre autres, l’exemption des taxes municipales et scolaires. Une économie annuelle de 3812 $ pour le Sanctuaire Pont de Vie

« Wow! Je trouve ça avantageux d’avoir une religion. Je suis en train de me dire que moi aussi, finalement, je vais m’en faire une », lance avec humour une résidente de la municipalité, Marie-France Montreuil.

«Personne n’aime payer des taxes. Mais c’est un principe de collectivité. C’est ce qui fait qu’on a des services; c’est parce qu’on paie des taxes.» - Marie-France Montreuil

Le maire de Prévost, Germain Richer, est d’accord avec la position de Mme Montreuil. « Ce n’est pas juste ni équitable pour l’ensemble des contribuables », estime-t-il.

Germain Richer connaît bien la politique municipale. Comme il siège au conseil de Prévost depuis 17 ans, il en a vu d’autres.

« Votre incorporation religieuse, c’est pas un truc pour ne pas payer de taxes? » leur a-t-on demandé.

« Non, a répondu Aviram. Ne pas payer de taxes, c’est un effet secondaire. L’effet principal, c’est d’avoir une structure qui correspond à notre qualité de vie qui est spirituelle. »

Même s’il n’est pas d’accord avec la loi, le maire de Prévost n’a pas le choix d’accorder ces exemptions à la corporation religieuse. Mais il n’est pas seul dans cette situation. Si on exclut les églises catholiques, au Québec seulement, on compte 1636 organismes religieux de toutes sortes incluant les raéliens, la Mission de l’Esprit-Saint ainsi que l’Église de la scientologie, tous susceptibles de bénéficier des mêmes avantages.

Pourquoi financer la religion?

« Il faut abolir ces avantages », lance Luc Grenon, professeur de droit et de fiscalité à l’Université de Sherbrooke. « Si on a à s’insurger ou à être choqué, ce n’est pas de savoir si Pont de vie devrait avoir le statut d’institution religieuse. C’est de savoir pourquoi, en 2017, on juge important, pertinent, de financer la religion pour ce qu’elle est : la religion. »

Pour Luc Grenon, le problème, c’est que le Canada finance les organismes religieux sur la base des croyances seulement.

Le maire de Prévost et la Fédération des municipalités du Québec réclament l’abolition des avantages. « La loi devrait être revue, car […] tout le monde doit mettre l’épaule à la roue en payant [ses] taxes. »

Le ministre responsable du Registraire des entreprises, aussi ministre des Finances, Carlos Leitao, a refusé de nous accorder une entrevue sur ce sujet. Luc Grenon croit savoir pourquoi. « Même ouvrir le débat, ce n’est pas rentable politiquement », dit-il.

Après notre passage, la municipalité régionale de comté de la Rivière-du-Nord a révoqué l’exemption de taxes accordée au couple fondateur du Sanctuaire Pont de vie.

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