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En Europe, le retour des djihadistes sera tout un casse-tête

En Europe, le retour des djihadistes sera tout un casse-tête

La menace du retour de milliers de djihadistes européens place l'Europe devant son plus grand défi sécuritaire depuis la fin de la guerre froide. Se protéger contre ces potentielles machines à tuer sans bafouer le droit va constituer pour l'Europe, en 2017, un défi militaire, policier, juridique, mais aussi éthique et philosophique.

L’année 2016 s’est terminée comme elle a commencé. Par un attentat.

De Ouagadougou à Berlin, la succession des attaques terroristes, telle une macabre litanie, a pu donner l’impression d’une triste routine destinée à se poursuivre en 2017. L’attentat du réveillon du Nouvel An à Istanbul semble prouver cette sombre prédiction.

L’année qui vient risque fort, en fait, de marquer le basculement vers une nouvelle réalité en Europe et au-delà.

Alors que l’étau se resserre autour du groupe armé État islamique en Irak et en Syrie, les chefs d’États et de gouvernements pourraient voir l’avenir avec optimisme. Mais c'est le contraire qui se produit. Car au sein des services de renseignement et de sécurité européens, les signaux d’alarme se multiplient.

La France estime que 700 de ses ressortissants sont aujourd’hui engagés dans les rangs d’organisations comme Al-Qaïda ou l'État islamique en Syrie et en Irak. La Belgique en compterait, elle, plus de 450. Au niveau du continent, les estimations varient entre 3000 et 5000. Le retour de ces milliers de djihadistes européens constitue aujourd’hui la menace numéro un.

En novembre, avant de démissionner de son poste de premier ministre français, Manuel Valls avertissait que le retour de ces milliers de djihadistes devait être la principale préoccupation en Europe en matière de sécurité pour les années à venir.

Les attentats du 13 novembre 2015 à Paris ont montré à quel point il était facile pour des terroristes de se fondre dans les rangs de centaines de milliers de migrants et de s’installer discrètement en Europe pour y commettre des attentats. Les frontières ouvertes sur le continent ont permis aux membres des commandos d’arriver sans encombre jusqu’en France. Ceux qui possèdent un passeport européen comme Salah Abdeslam et Abdelhamid Abaoud peuvent passer encore plus facilement à travers les mailles du filet. L’absence de contrôles frontaliers entre les pays de la zone Schengen facilite aussi la fuite après coup.

Alors qu’il était l’individu le plus recherché d’Europe, Anis Amri, l’auteur de l’attentat du marché de Noël à Berlin, a ainsi pu tranquillement passer de l’Allemagne vers les Pays-Bas, la Belgique et la France avant d’être finalement tué dans une banlieue de Milan, en Italie, lors d’un contrôle de routine.

Comment juger les djihadistes de retour en Europe?

L’autre problème auquel sont confrontés les pays européens est la faiblesse de l’arsenal juridique et judiciaire contre les ressortissants européens de retour de Syrie ou d’Irak. Si certains pays, comme la France, ont durci les peines encourues, encore faut-il prouver qu’un individu est bien allé combattre dans les rangs d’un groupe islamiste. Et, même condamné à plusieurs années de prison, comment s’assurer qu’un jeune embrigadé ne représentera pas une menace pour la société au moment de sa libération.

Une bonne partie des auteurs des attentats commis au cours des dernières années en France et en Belgique ont en effet été radicalisés en prison. Des programmes de déradicalisation ont été mis sur pied ou sont en cours d’élaboration en France, mais leur efficacité est encore loin d’être établie.

Pour les leaders européens, conscients de cette grande vulnérabilité, la tentation est grande d’agir en amont : d’empêcher le retour des djihadistes dans leur pays d’origine en les éliminant purement et simplement.

La France ne confirmera jamais officiellement procéder à des assassinats ciblés en Irak ou en Syrie, car cela reviendrait à reconnaître des exécutions extrajudiciaires, par nature illégales. Mais l’allié américain communique plus ouvertement sur ses nombreuses frappes de drone. Après recoupement d’informations issues du Pentagone, le quotidien français Le Monde affirme qu’au moins huit djihadistes français ont ainsi été tués lors d’exécutions ciblées dont sept par l’armée américaine.

En entrevue pour le livre de confidences Un président ne devrait pas dire ça…, François Hollande confirmait aussi du bout des lèvres que d’autres djihadistes français ont été tués par des forces spéciales françaises lors d’opérations « homicide ». Officiellement, les personnes ciblées, les HVI (pour High Value Individuals), sont tuées lors d’opérations visant des structures militaires comme des centres d’entraînement au nom de la légitime défense collective.

Après la multiplication dernièrement de mesures jugées liberticides comme les pouvoirs accrus donnés aux services de renseignement et la généralisation des écoutes et de l’interception de communications personnelles au nom de la lutte antiterroriste, les exécutions extrajudiciaires soulèvent aussi beaucoup de questions légales, éthiques et philosophiques.

Pour combattre des individus ayant déclaré la guerre aux sociétés occidentales et à leurs valeurs, tous les coups sont-ils permis? Peut-on, au nom de la défense de sociétés basées sur le respect du droit et des libertés, fouler du pied ces mêmes valeurs? Un dilemme auquel les chefs d’État et de gouvernement en Europe risquent d’être de plus en plus souvent confrontés en 2017.

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