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Ces hommes qui allaitent: «La maternité n'est pas une question de sexe», selon l'un d'eux

Ces hommes qui allaitent: «La maternité n'est pas une question de sexe»
Courtoisie

Il est né femme, mais s'appelle maintenant Trevor. Depuis sa transition vers un corps d'homme il y a une dizaine d'années, il a eu deux enfants avec son conjoint et allaite toujours son petit dernier. Regard sur une réalité présente au Canada, mais méconnue.

Un texte de Jérôme Bergeron

C’est à l'adolescence que Trevor, aujourd’hui âgé de 31 ans, constate que son identité biologique ne lui correspond pas. Dans la vingtaine, il prend le chemin de la métamorphose.

On lui administre alors de la testostérone et il choisit de subir une ablation des seins.

Aucune opération, cependant, du côté de son appareil reproducteur, ce qui lui permet «théoriquement» d’avoir des enfants.

«Après le début de ma transition, j’ai réalisé qu’il y avait de la place dans mon coeur pour une famille [trad. libre].» - Trevor Macdonald

«Vouloir fonder une famille, ce n’est pas propre à un sexe. Il n’y a pas que les femmes qui veulent des enfants», estime le résident de Dugald, au Manitoba.

Trevor a donc cessé la prise de testostérone, le temps de devenir «enceinte» trois fois. Deux grossesses ont été menées à terme.

Même s'il a subi une ablation des seins, le père de famille est en mesure de produire une petite quantité de lait, lui permettant de subvenir en partie aux besoins de son bébé.

Faire face aux préjugés

Il est pour le moins inusité de voir une personne ressemblant à un homme être enceinte… et encore plus dans un village de moins de 400 âmes.

Trevor Macdonald a dû faire face à certains préjugés.

Si ses collègues et ses amis avaient accepté depuis quelques années d’utiliser des pronoms masculins pour s’adresser à lui, la situation a changé du jour au lendemain.

«Lorsqu’ils ont réalisé que j’étais enceinte, certains ont commencé soudainement à m’appeler “elle”, lance-t-il. Un autre collègue m’a dit : “Si tu donnes naissance, tu seras une mère.” [trad. libre]»

Mais pour Trevor, la maternité n’est pas une question de sexe.

Du personnel médical peu formé

Trevor a également éprouvé des difficultés dans le système de santé, où les intervenants étaient peu informés de sa situation.

C’est ce qui l’a poussé à mener une étude sur les hommes transgenres ayant vécu l’accouchement et l’allaitement.

Cette étude, publiée cette année, a été réalisée en collaboration avec des chercheurs de l’Université d’Ottawa et de l’Université de la Colombie-Britannique.

Le phénomène étant récent et encore peu répandu, les 22 participants de 25 à 50 ans proviennent d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Australie.

L’analyse conclut que les médecins et les infirmières en connaissent très peu sur les possibilités pour les transgenres de mettre au monde un enfant et même de l’allaiter.

Certains membres du corps médical ignorent même la possibilité pour une personne transgenre de devenir enceinte.

«Cela se traduit par un manque d’informations à donner aux transsexuels, à l’intérieur du système de santé.» - Alexandre Baril, chercheur, Université Dalhousie

La situation s’explique notamment par le manque d’études scientifiques sur le sujet, soit moins d’une dizaine à l’échelle internationale, selon le chercheur Alexandre Baril, spécialisé dans les questions transgenres à l’Université Dalhousie, à Halifax.

Des mots qui ne semblent plus adaptés

Le vocabulaire utilisé par l’équipe médicale peut également être blessant pour certains.

L’étude relève que l’utilisation de termes genrés pour définir l’allaitement - comme breastfeeding en anglais, breast signifiant «sein» - est un élément perturbateur pour les transgenres qui allaitent.

Les chercheurs recommandent plutôt l’utilisation de mots plus inclusifs, comme chestfeeding, chest signifiant «poitrine» - alors qu’en français, le mot «allaitement» n'est pas genré.

Le chercheur Alexandre Baril, qui a pris connaissance de l’étude, croit quant à lui que la question va au-delà des mots.

«Le personnel [médical] ne sait pas vraiment comment s'adresser aux personnes trans, comment nommer leur réalité. Il y a même des problèmes au niveau des attitudes qui peuvent être discriminantes», soutient-il.

M. Baril va plus loin. Selon lui, l'utilisation de pronoms genrés faisant référence au sexe auquel ne s’identifie pas la personne transgenre peut être nocive pour la santé mentale de cette dernière.

«Il s'agit vraiment d'une petite violence que l'on pourrait qualifier de quotidienne, qui s'amplifie au fil du temps et qui peut devenir un élément de détresse important [chez les transgenres].» - Alexandre Baril, chercheur, Université Dalhousie

Vers une nouvelle paternité ou maternité?

Si les intervenants du milieu de la santé ne savent pas toujours comment s’adresser aux personnes transsexuelles, c’est que chaque cas est unique.

«Traditionnellement, les pouvoirs médicaux ont voulu que les personnes fassent la transition d'un sexe et d’un genre à un autre complètement. Donc, on conserve les catégories binaires, un mâle et une femelle, associées à un genre masculin et à un genre féminin», explique Alexandre Baril.

Avec les débats récents entourant la reconnaissance des groupes LGBT, devrait-on revoir ces définitions?

«On voit apparaître une population non binaire de genre ou “agenrée”», note Alexandre Baril, soit des gens qui effectuent une transition vers un corps d’homme, par exemple, en gardant une partie de l’anatomie féminine.

Alors que les tabous entourant ces questions sont de plus en plus levés, on assiste à une hausse des cas, selon M. Baril.

Trevor Mcdonald souhaite quant à lui que cette étude puisse sensibiliser le personnel médical à cette nouvelle réalité, de plus en plus présente aux quatre coins du globe.

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