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«Les survivantes» du SPVM: une voie pour sortir de la prostitution

«Les survivantes» du SPVM: une voie pour sortir de la prostitution
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Andrew Bret Wallis via Getty Images
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Le trafic humain qui mène à l'exploitation sexuelle est une plaie propre aux grandes villes du pays. Après le trafic de drogues, l'exploitation sexuelle est non seulement le crime le plus payant au Canada, mais c'est celui qui connaît la plus forte progression.

Par choix, elle souhaite rester dans l'ombre, mais en sortant de la prostitution, elle a retrouvé un peu de lumière dans sa vie. Son nom fictif, Cindy.

« Là, un moment donné... Ouf, j'ai touché le fond. J'ai fait une dépression nerveuse. J'ai dû aller voir un psychiatre et j'ai été diagnostiquée personnalité limite », se rappelle-t-elle.

Cindy a vécu un véritable choc post-traumatique après s'en être sortie. Elle croyait que son proxénète était son amoureux. Dès l'âge de 17 ans, elle a vécu l'enfer.

« Mon ex était extrêmement violent. Un moment donné il y a eu un coup de trop. Il m'a battue une fois de trop. Je me suis réveillée et je me suis dit que c'était assez », ajoute-t-elle.

Les survivantes

C'est à ce moment que Josée Mensales et Diane Veillette sont entrées dans sa vie en lui présentant le programme « Les survivantes ». Les deux enquêteuses du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ont consacré leur carrière à lutter contre la prostitution. Le programme « Les survivantes » est issu de leur expérience.

« On avait des victimes qui passaient à travers tout le processus judiciaire et qui avaient la volonté de parler et d'aider d'autres filles. On a vraiment bâti le programme pour donner une voix à ces femmes-là », explique Diane Veillette, enquêteuse aux crimes majeurs du SPVM.

C'est ainsi que les victimes d'exploitation sexuelle, qu'elles appellent maintenant les survivantes, sont devenues la meilleure ressource des policiers pour comprendre la réalité d'un milieu criminel où l'omertà est la règle. Les anciennes travailleuses du sexe recruté par le SPVM ont été accompagnées et ont toutes fini par porter plainte contre leur proxénète. Aujourd'hui, elles sont 10 victimes qui sont devenues conférencières pour parler d'un milieu criminel où l'omertà est imposée.

« On a formé les policiers pour faire de la meilleure intervention, [une] meilleure détection. Ça fait en sorte que le nombre de plainte a quintuplé », souligne Mme Veillette.

Depuis cinq ans, 4185 policiers ont assisté à leurs conférences, de même que 4110 intervenants comme des psychologues ou des travailleurs sociaux.

Les survivantes se multiplient

Le programme « Les survivantes » est devenu un modèle copié par les corps policiers du Québec et de l'Ontario. Au début du mois de novembre, ce sont des policiers français réunis à Paris qui ont invité Diane Veillette et Josée Mensales.

Nunzio Tramontozzi, sergent-détective au département de lutte contre le trafic humain à Toronto, a été charmé par le modèle montréalais pour sortir les jeunes victimes de la prostitution.

« Les procédures judiciaires peuvent durer jusqu'à deux ans et demi pour une victime qui porte plainte. Ce programme permet de la jumeler avec une survivante pour l'aider dès le départ. Nous pouvons désormais compter sur des partenaires qui ont à leur disposition des survivantes prêtes à aider », indique le sergent-détective torontois.

Briser l'isolement

À Montréal seulement, 75 % des victimes qui ont été aidées par le programme « Les survivantes » étaient mineures. Cindy est souvent appelée à participer aux interventions pour sortir la jeune victime de la prostitution. Elle souligne le rôle crucial que doivent jouer les parents.

« Les parents de nos jours, ils travaillent beaucoup et donnent moins de temps à leurs enfants. C'est la société qui est faite comme ça. On a tendance à mettre de côté certains sujets : l'amour, la sexualité », croit-elle.

Le programme « Les survivantes » n'est pas un chemin qui mène directement vers la plainte au criminel. Josée Mensales, enquêteuse aux crimes majeurs du SPVM, tient à rappeler que l'objectif est de prendre contact avec les victimes pour les sortir de leur isolement.

« Beaucoup de victimes ne sont pas prêtes ou ne veulent pas porter plainte pour se tourner vers le système judiciaire. Ça ne signifie pas pour autant qu'elles acceptent leurs abus et qu'elles n'ont pas besoin d'aide », affirme-t-elle.

Le stratagème est souvent répétitif : les proxénètes menacent de les faire tomber si jamais il y a une plainte aux policiers, de s'en prendre à l'entourage de la victime si les choses tournent mal et de les faire travailler loin de leur ville d'origine pour diminuer leurs repères.

« Quand une victime d'exploitation sexuelle parvient à briser l'isolement créé par son proxénète, elle se met en position de pouvoir. Rarement les proxénètes mettent leurs menaces à exécution. Ce qui fait la force de ces criminels-là, c'est d'imposer le silence », affirme Josée Mensales.

L'espoir

Josée Mensales veut surtout lancer un message d'espoir aux jeunes filles qui sont actuellement manipulées par un proxénète : il y a une vie qui les attend si elles viennent chercher les ressources pour les aider.

« On travaille quotidiennement avec des gens qui s'en sont sortis, qui ont fait de grandes réalisations. On en a qui se sont placés au niveau professionnel. Et au niveau personnel aussi, pour certains, le but c'était de fonder une famille et d'être dans une relation saine », précise-t-elle.

Cindy en est l'exemple vivant. « Je suis tombée enceinte de mon conjoint, c'est là que j'ai eu le déclic. Je suis retournée à l'école pour chercher mon secondaire 5, et ensuite un DEP [diplôme d'études professionnelles] », précise-t-elle avec fierté.

Elle affirme avoir retrouvé sa dignité.

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