Un avocat d'Halifax, John McKiggan, a lancé un recours collectif au nom de membres homosexuels des Forces armées canadiennes (FAC) et d'employés civils de la région atlantique qui disent avoir fait l'objet d'intimidation en raison de leur orientation sexuelle.
M. McKiggan a déposé le recours collectif mercredi à la Cour fédérale à Halifax, au nom de la plaignante Alida Satalic.
Un interrogatoire humiliant
D’après les documents déposés, Mme Satalic s’est enrôlée dans les FAC en 1981 et a servi aux bases de Cornwallis et de Greenwood, en Nouvelle-Écosse, et de Trenton et de Borden, en Ontario.
Pendant son séjour à la base de Trenton, elle a subi un interrogatoire d’une unité d’enquête spéciale, selon John McKiggan.
«Ils lui ont demandé des détails intimes, ils l’ont humiliée et intimidée, dit-il. Elle a dû subir un examen médical humiliant pour déterminer si elle correspondait à la définition militaire d’une homosexuelle.» - John McKiggan, l'avocat qui a déposé le recours collectif
Après avoir reconnu qu’elle était lesbienne, Alida Satalic a dû choisir entre deux options : rester au sein des forces, mais renoncer à de la formation et à des promotions ou la quitter avec la mention « Ne peut être employé avantageusement ».
Alida Satalic a quitté les Forces armées en 1989, mais y est revenue en 1993.
Elle allège toutefois que sa carrière militaire en a souffert lorsqu’elle a révélé son orientation sexuelle. L’épisode a eu un impact sur sa rémunération et sur sa pension, peut-on lire dans les documents déposés en cour.
Le recours collectif précise que son estime de soi a diminué et que son expérience lui a fait craindre d’autres gestes de discrimination, en plus de lui causer de l’anxiété et de la colère.
De nombreuses victimes potentielles
La firme McKiggan Hebert d’Halifax tente d’obtenir la certification de son recours collectif au nom de tous les membres des forces armées et des employés civils qui ont connu des expériences similaires en Atlantique.
John McKiggan prépare ce recours depuis six ans et dit avoir parlé à des douzaines d’anciens militaires qui ont subi de la discrimination à cause de leur orientation sexuelle. Il estime qu’il y en a sans doute beaucoup d’autres - jusqu’à 1000 en Atlantique, selon lui - qui ont caché leur homosexualité par peur de représailles.
« Il y avait une aura constante de discrimination au sein des Forces autour de quiconque était homosexuel. Ils savaient que si leur orientation sexuelle devenait publique, ils risquaient d’être congédiés », affirme John McKiggan.
La poursuite réclame 150 millions de dollars en dommages et intérêts au gouvernement fédéral. Elle soutient notamment qu’il a violé des droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
Par courriel, le ministère de la Défense nationale a fait savoir qu'il était au courant de la poursuite.
« Comme le recours n'a été déposé que récemment, nous n'avons pas fini de le réviser pour déterminer les prochaines étapes », écrit le major Alexandre Munoz, porte-parole des FAC.
Un précédent
M. McKiggan a beaucoup d’expérience en matière de recours collectifs. Il a notamment représenté l’Autochtone Nora Bernard qui a été la première ancienne résidente d’un pensionnat autochtone à poursuivre le gouvernement fédéral pour les sévices subis dans ces établissements.
Cette poursuite a contribué à un règlement de 1,9 milliard de dollars en faveur des victimes des écoles résidentielles.
John McKiggan croit que ce règlement pourrait éventuellement servir de précédent en faveur d’une entente nationale encore plus généreuse à l’égard des homosexuels qui ont subi de la discrimination dans l’armée, dans la GRC ou dans la fonction publique fédérale.
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