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Cavale meurtrière à Brossard: Frédérick Gingras accusé de deux meurtres

Cavale meurtrière: Frédérick Gingras accusé de deux meurtres

Arrêté au terme d'une cavale meurtrière qui l'a mené de Pointe-aux-Trembles à Brossard dans la nuit de dimanche à lundi, Frédérick Gingras doit maintenant répondre à deux accusations de meurtre au premier degré et à deux autres de tentative de meurtre.

Le jeune homme de 21 ans, qui est connu pour avoir des problèmes psychiatriques et de toxicomanie, a brièvement comparu mardi après-midi au palais de justice de Montréal.

Frédérik Gingras est accusé d'avoir abattu une mère de famille, Chantal Cyr, dans le stationnement d'une station-service du quartier Pointe-aux-Trembles, et d'avoir assassiné un deuxième individu, James Jardin. Ce dernier pourrait être l'homme d'une vingtaine d'années retrouvé sans vie un peu plus tôt dans la journée dans une résidence de la rue Sainte-Catherine située à proximité de la station-service.

Le meurtre de Mme Cyr a été à l'origine d'une longue chasse à l'homme, le suspect ayant volé son véhicule avant de prendre la fuite.

Contraint d’abandonner la voiture de sa victime après avoir été impliqué dans un accident, il s’est présenté à la résidence d’un sexagénaire en exigeant que ce dernier lui remette les clefs de sa voiture. Lorsque l’homme a refusé, Gingras a tiré à travers la porte, le blessant légèrement.

Après avoir réussi à ouvrir la porte, il s’est emparé des clefs du véhicule de l’homme avant de prendre la fuite à nouveau. Sa cavale a finalement pris fin à Brossard, après que le véhicule eut été retrouvé dans un fossé situé près du Quartier DIX30. Il tentait alors de fuir à pied.

Des proches de Frédérik Gingras rencontrés ce matin par Radio-Canada ont indiqué qu’il souffrait de schizophrénie, mais qu’il ne prenait pas ses médicaments et qu'il avait des problèmes de toxicomanie.

Un lourd passé judiciaire

Frédérick Gingras a de lourds antécédents judiciaires. Depuis 2014, il a notamment été reconnu coupable d’agression armée sur un policier, d’avoir proféré des menaces, de voies de fait, de fraude, et de ne pas avoir respecté des conditions judiciaires.

Il venait d'ailleurs tout juste d’être condamné à une probation de trois ans après avoir donné un coup de poing à sa mère le 23 octobre. Il avait plaidé coupable à une accusation de voies de fait, après avoir passé 31 jours en prison.

Il devait en outre respecter une série de conditions, dont celle d’obtenir un suivi psychiatrique, de ne pas posséder d’armes, et de ne pas consommer d’alcool ou de drogue.

Le tribunal lui avait en outre interdit de contacter sa mère pendant deux ans. La femme, qui avait déjà porté plainte contre lui avant de se rétracter, disait ne plus vouloir de contact avec lui jusqu’à ce qu’il se soit pris en main et fasse une thérapie en cure fermée.

Lors des observations sur la peine dans ce dossier de voies de fait, Frédérik Gingras avait déclaré avoir effectué une thérapie de 11 mois, au centre Nouvelle Vie de Saint-Jean-de-Matha. Il disait en être sorti en avril 2016, et avoir réussi à demeurer sobre jusqu'en septembre. Il a ensuite recommencé à prendre des méthamphétamines.

« J'avais réarrêté parce que je voulais faire plaisir à moi et à ma mère. Sauf que là, j'ai poppé des speeds. D'après moi, j'étais dans une phase psychotique », avait-il affirmé à la juge Nancy McKenna.

« Vous avez des problèmes psychiatriques, vous avez des conditions psychiatriques. [...] Vous avez une médication à prendre », lui avait dit la magistrate. « Tant et aussi longtemps que vous allez mélanger votre médication, que vous ne la prendrez pas de façon rigoureuse, et que vous la mélangerez avec de la drogue, c'est un cocktail explosif, et ça vous amène des problèmes. »

« Tant et aussi longtemps que vous ne ferez pas ces efforts-là – et je ne dis pas que c'est quelque chose de facile – ce sera un combat de tous les jours pour le reste de votre vie, ça c'est très clair », avait-elle ajouté.

Des soins difficiles à imposer

« Le problème, c’est que des conditions, quand on est malade, ça ne vaut pas grand-chose », estime le Dr Gilles Chamberland, directeur des services professionnels de l'Institut Philippe-Pinel de Montréal, dans une entrevue accordée à Radio-Canada.

En entrevue au journal La Presse, la mère de l'accusé a déploré que son garçon n'ait pas été interné, en prison ou dans un établissement de soins de santé, comme elle l'aurait souhaité. Selon elle, Frédérick Gingras faisait « psychose par-dessus psychose » depuis quatre ans.

« À partir du moment où un citoyen est libre, c’est difficile de lui imposer de venir consulter pour qu’on puisse l’évaluer », concède le Dr Chamberland à ce sujet.

« En ce moment, c’est basé sur le danger : il faut qu’un individu présente un danger pour que les policiers puissent prendre un citoyen et le forcer à consulter. Ça prend un danger grave et immédiat. Et si c’est un juge, ça prend quand même un danger qu’on doit démontrer pour pouvoir l’évaluer et [...] pour que les traitements puissent s’ensuivre », explique-t-il.

Le Dr Olivier Farmer du département de psychiatrie du CHUM pour le développement de la psychiatrie urbaine abonde dans le même sens.

« On est dans une société de droit, et le droit de la personne individuelle a toujours primé », explique-t-il à RDI. Pour obtenir un internement, « il faut démontrer que la personne est dangereuse, de façon aiguë, immédiate, pour elle-même ou pour les autres. Donc, un danger d’homicide, un danger suicidaire ou un danger pour la personne, par exemple qu’elle soit dehors en petite tenue alors qu’il fait -30 °C. »

Selon lui, la mère de Frédérick Gingras ne pouvait donc pas demander elle-même qu'il soit interné; il aurait plutôt fallu qu'elle saisisse les policiers ou les tribunaux.

« Si la personne [malade] est en perdition, dans son appartement, s’est barricadée, elle peut aller à la cour et demander une ordonnance d’examen psychiatrique », explique-t-il.

« S’il y a eu une action violente contre [la mère], elle peut porter plainte à la police, et il peut y avoir un processus judiciaire. Si la personne est jugée non responsable de son acte, elle ne va pas être libérée; elle va être sous la responsabilité d’un tribunal spécial, qui peut ordonner que la personne soit suivie et ait des soins, faute de quoi elle peut même être confinée à l’hôpital. »

« Mais c’est très dur pour le parent, parce qu’il doit se résoudre soit à aller à la cour pour demander aux policiers d’amener leur enfant à l’hôpital, ou il doit porter plainte contre son propre enfant. Et ça, c’est difficile pour les parents de faire des choses comme ça », admet-il.

Les psychiatres traitants peuvent aussi demander une ordonnance de traitement d'un tribunal s'ils jugent qu'un patient doit suivre un traitement, mais qu'ils sont inaptes à le faire. « C'est lourd, c'est compliqué, mais ça se fait », observe-t-il.

Dans le cas présent, le Dr Farmer souligne que la prise de drogue pourrait avoir joué un rôle déterminant. Pour des personnes qui ont des problèmes de santé mentale, dit-il, prendre des stupéfiants revient à mélanger « le feu et la nitroglycérine ».

Avec les informations de Geneviève Garon

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