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La cryogénisation, de la science à la science-fiction

Atteinte d'un cancer à 14 ans, elle obtient le droit de congeler son corps

Une adolescente britannique de 14 ans en phase terminale d'un cancer a obtenu le droit de faire expédier son corps aux États-Unis, après sa mort, pour être congelé. Elle croit qu'un jour, la science lui permettra de reprendre sa vie où elle s'est terminée. Mais où en est vraiment la cryogénisation?

La cryogénisation demeure plutôt marginale, même si elle existe depuis les années 60. Il s’agit d’un principe selon lequel le corps humain est congelé après la mort dans l'espoir de le ranimer dans un futur plus ou moins rapproché. Or, aucun être humain n’est à ce jour revenu à la vie.

Le professeur américain de physique Robert Ettinger a développé cette théorie de conservation éternelle du corps humain dans l’ouvrage L'homme est-il immortel? Il repose lui-même, avec ses deux épouses, au Cryonics Institute dont il est le fondateur.

Seulement deux autres instituts offrent des services de cryogénisation dans le monde, Alcor Life Extension Foundation, aussi aux États-Unis, et KrioRus, en Russie.

Inhumation, crémation, cryogénisation…

La cryogénisation offre ainsi un troisième choix après la mort. « À vrai dire, on n’a rien à perdre, explique Stephan Beauregard, du Cryonics Institute, près de Détroit, aux États-Unis. Si ça fonctionne, tant mieux, et pour être honnête, si ça ne fonctionne pas, on ne s’en rendra pas compte. »

Ce choix demande cependant davantage de préparation, puisque le corps doit être pris en charge dès qu’il a été déclaré cliniquement mort.

Il est alors refroidi, puis branché à de l’équipement médical qui permet de maintenir la circulation du sang et la respiration, notamment. D’autres produits, injectés après la mort, assurent également sa préservation jusqu’au transport dans l'un des trois instituts de cryogénisation.

Au Canada, seule l’entreprise funéraire Magnus Poirier offre ce service à ses clients depuis qu’elle a signé une entente avec le Cryonics Institute. « On est les seuls à avoir écouté les gens qui sont venus nous voir pour faciliter ce processus », raconte le vice-président ventes et service à la clientèle, Patrice Chavegros.

Une poignée de Canadiens auraient d’ailleurs été cryogénisés, parmi les quelque 350 personnes qui ont eu recours à cette méthode à travers le monde. Leur corps a été congelé à une température de - 196 °C, dans un réservoir rempli d’azote liquide, jusqu’au jour où ils pourraient être ramenés à la vie.

« Je pense qu’avant tout, on est des gens qui aiment beaucoup la vie. On est des passionnés de science, de médecine et de nouvelles technologies », ajoute Stephan Beauregard. « On fait trop souvent ressortir le côté spécial ou grotesque de la cryogénisation », déplore-t-il également.

De la théorie à la science

La cryoconservation, dont s’inspire la cryogénisation, a déjà fait ses preuves dans le milieu scientifique. Des cellules ou des tissus entiers sont conservés à très basse température, comme le sperme, le sang et le tissu des ovaires.

La science a aussi permis de peaufiner la méthode, notamment par la vitrification. Développé dans les années 2000, ce procédé, comparable à l’antigel, protège des dégâts causés par le froid extrême qui rendrait autrement impossible toute réparation.

La cryogénisation a aussi adopté cette méthode afin de mieux préserver les corps, disposés la tête en bas dans des bassins d’azote liquide. Mais la fiction dépasse encore la réalité, selon la professeure à l’Université Laval, Janice Bailey. « On ne peut même pas faire la cryoconservation de beaucoup d’autres cellules simples », explique celle qui se spécialise dans les sciences animale, agricole et alimentaire.

De la science à la science-fiction

Une différence majeure oppose d’ailleurs cryoconservation et cryogénisation : la vie et la mort.

Avec la cryoconservation, « on essaie de ressusciter des cellules vivantes, explique Janice Bailey. Tout un corps, c’est hypercomplexe », et il faut que les dégâts causés par le froid extrême soient minimes ou réparables.

La cryogénisation pose aussi le problème de la mort. « Essayer de dégeler le corps humain, c’est une chose, mais redonner la vie par la suite, c’est quand même extrême », rappelle-t-elle. Sans compter qu’il faut aussi pouvoir guérir la maladie qui a causé la mort, ou trouver le secret de l’immortalité en cas de cryogénisation d’une personne âgée.

«Qui sait ce qui s’en vient dans le futur? Mais, aujourd’hui, c’est tellement loin de notre réalité.» - Janice Bailey, professures à l'Université Laval

Ils ont aussi été cryogénisés

Le professeur américain James Bedford est le premier homme à avoir été cryogénisé par Alcor Life Extension Foundation. L'acteur Dick Clair a aussi eu recours à cette méthode. Quant à Walt Disney, il ne s'agissait que d'une rumeur, puisque ce roi du divertissement américain a été incinéré et ses cendres ont été déposées dans la crypte familiale au Forest Lawn Memorial Park de Glendale, en Californie.

Vendre du rêve?

Stephan Beauregard, du Cryonics Institute, assure que tous les clients qui ont recours à cette méthode savent que les chances de revenir à la vie sont faibles à l'heure actuelle. « On n’est pas des illuminés, ajoute-t-il. Mais beaucoup de choses dans le passé sont par contre devenues réalité et, très souvent, ça passe par la science-fiction. »

« On n’a donc absolument rien à perdre de l’essayer », estime l'homme originaire du Québec.

L'essayer peut cependant s'avérer coûteux. Il faut débourser entre 30 000 $ à 200 000 $ pour être cryogénisé, selon l'entreprise choisie.

Les coûts ne sont pas très différents, selon lui, des arrangements funéraires traditionnels. Ceux-ci peuvent également être acquittés en différents versements avant de mourir. Même que les clients qui changent d’idée de leur vivant peuvent être remboursés par Cryonics Institute, assure également Stephan Beauregard.

L’aventure n’est cependant légale que dans certains pays (la France l’interdit, par exemple) et sous certaines conditions. Un être humain ne pourrait pas être cryogénisé vivant.

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