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Ton art/Ta job: «Les gens ne réalisent pas que tu ne gagnes pas ta vie comme comédien» - Mathilde Lavigne (ENTREVUE VIDÉO)

«Ce n'est pas possible de dire qu'on n'a pas d'argent.»
Julien Lamoureux

Être artiste, un rêve enrobé de paillettes? Un gage de glamour et d'abondance? Pour certains oui. Pour d'autres, la réalité est toute autre. Beaucoup d'artistes qui rencontrent un beau succès décident tout de même d'avoir un deuxième revenu, pour de multiples raisons. Et ils ne le crient pas nécessairement sur tous les toits. Parce qu'il est trop difficile de vivre de son art? Pour vivre de nouveaux défis? Tour d'horizon avec Fab (Random Recipe), Julie Beauchemin, Mathilde Lavigne et Nicolas Letarte.

Quand est venu le temps de faire un choix de carrière, Mathilde Lavigne ne s'est pas posée 10 000 questions. Elle serait comédienne, point final. Et ce, même si elle n'avait jamais mis les pieds sur une scène de sa vie. «Je n'avais pas rapport!» lance-t-elle en éclatant de rire. Après des études en sciences pures au cégep, elle s'est tournée vers le théâtre à la grande surprise de son entourage: «Tout le monde me disait que je n'avais jamais fait ça. J'ai sûrement été chanceuse!» Si Lavigne n'a pas réussi à intégré l'École nationale de théâtre parce qu'elle était «trop dentelle», elle est finalement parvenue à compléter sa formation au Conservatoire d'art dramatique de Québec. Et depuis? Elle est comédienne... enseignante en littérature, barmaid et designer de bijoux.

Il faut croire qu'elle a eu un bon instinct, puisqu'elle a réussi à se construire une carrière enviable dans le monde artistique rapidement en jouant dans Les beaux malaises, Toute la vérité, L'Auberge du chien noir, Providence, Annie et ses hommes, Un été sans point ni coup sûr, etc. «La première année, j'ai eu pas mal de contrats. Mais un de mes personnages est tombé dans le coma. Pendant un mois, je ne travaillais pas. J'étais correcte financièrement, mais j'avais envie d'autre chose. Prendre des cafés avec d'autres amis comédiens dans le coma, ça fait son temps!» avoue-t-elle en riant.

Sortie du Conservatoire à 22 ans, la comédienne a bien vite commencé à réaliser, vers 23-24 ans, qu'il fallait qu'elle se trouve une autre occupation, pour le plaisir à la limite. «J'ai commencé à travailler dans les bars. J'étais encore comédienne, mais c'était un peu moitié-moitié. C'est parfois gênant parce que les gens me reconnaissent. L'anonymat, c'est bien aussi! (Rires) Le truc pratique avec les bars, c'est que ça permet de bien gagner sa vie. Tu travailles deux jours et après, tu as plein de temps pour les auditions, les tournages. Je pense que c'est vers mes 27 ans que j'ai eu une petite angoisse: "Oh mon Dieu, je vais bientôt avoir 30 ans, je dois avoir un autre métier pour pallier quand je ne serai plus jeune et cute!"»

C'est ainsi que l'artiste s'est dirigée vers une maîtrise en littérature, dans le but d'enseigner au cégep. «Je voulais ajouter une corde à mon arc. Je ne me voyais pas nécessairement enseigner le théâtre, comme si c'était un échec. Du côté de la littérature, c'était différent.» Pourquoi un échec? «À 18 ans, je voyais les enseignants en théâtre comme des gens qui n'avaient pas réussi à être comédien. Pourtant, je ne crois pas qu'il y a cette vision dans le milieu! Aussi, je ne voulais pas enseigner le théâtre à des jeunes plein d'espoir. Il faut être positif, encourageant... Quand je me dis qu'il faudrait peut-être leur dire que ce n'est pas si facile. Aujourd'hui, je ne dirais pas non. C'est une expertise que j'ai à donner.» Après la naissance de son premier enfant, elle s'est mise à la création de bijoux à temps perdu, jusqu'à en vendre régulièrement. Vous avez dit versatile?

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«Peut-être un peu. Tout s'est fait graduellement. Je ne suis pas devenue vétérinaire du jour au lendemain! (Rires) J'ai toujours senti que j'apprenais de nouvelles choses dans des domaines qui m'intéressent. C'est clair que si on m'avait dit à 27 ans "Serais-tu prête à ne plus être comédienne?"... Je n'ai jamais vu ça de façon drastique. À un moment, j'ai eu la réflexion que j'aimerais faire plus que 20 000 dollars par année. Il fallait que je vive avec les faits: je ne fais pas quatre films par année! Quand tu sors du Conservatoire et que tu as deux-trois rôles importants, tu as l'impression que c'est la gloire! (Rires) Pas nécessairement...» Ou bref, pas dans le porte-feuille.

«Avant d'avoir des problèmes financiers, j'ai tout de suite réagi. Je ne me suis jamais retrouvée mal prise parce que j'ai toujours été très réactive. J'ai des amis qui tiennent à seulement jouer, pour être ouvert aux opportunités, avoir la tête complètement à ça. C'est bien, mais quand tu passes une audition, ça devient vraiment primordial de l'avoir. Quand tu travailles quelques jours dans un bar ou ailleurs, ça permet d'être moins investi.» Une réalité qui reste méconnue pour plusieurs: «Les gens ne réalisent pas que tu ne gagnes pas ta vie comme comédien. Ils me montrent le journal quand je suis dedans, me disent qu'ils m'ont vue dans Le banquier ou Les beaux malaises. Dans la réalité de Monsieur Madame tout le monde, vu que tu es à la télé, c'est certain que tu gagnes bien ta vie. Pas nécessairement.»

Pour rester à l'avant-plan et vivre son rêve plus souvent, Lavigne n'a d'ailleurs pas peur de se lancer dans des projets autogérés. «C'est beaucoup d'énergie pour peu de salaire. On a besoin que cette passion soit reconnue financièrement. C'est notre passion, pas notre hobby. J'ai étudié là-dedans, on peut dire que je suis une experte dans ce domaine. Les gens ne réalisent pas: ça prend beaucoup d'énergie de s'investir dans un rôle. Il faut le voir, y croire. Ça peut paraître niaiseux et mercantile... Mais vu que c'est dans le domaine des arts, je me fais souvent dire: "Oui, mais tu fais ce que tu aimes. Tu peux bien le faire gratuitement!" D'accord, mais ça va m'obliger à faire des choses que je n'aime pas à côté pour gagner ma vie.»

«J'ai l'impression que 2% vivent richement de ce métier, que 10% ne font que ça et que le reste n'a pas le choix d'avoir un autre revenu. On entend parfois qu'une comédienne super connue travaille au dépanneur: ce n'est pas rare.» L'ironie derrière le petit revenu de la plupart des comédiens? L'image qu'il faut maintenir, les dépenses qui vont souvent bien rapidement pour le porte-feuille. «Le mode de vie va avec le métier. C'est dur de ne pas avoir de contrats pendant six mois, parce qu'un rythme se prend: après les tournages, c'est le resto, les sorties. C'est comme ça qu'on rencontre du monde! Ce n'est pas possible de dire qu'on n'a pas d'argent.»

Pas de contrats, pas d'argent. Pas d'argent, moins de sorties, moins de contacts. Cercle vicieux? «Si j'étais plus du genre à aller dans tous les partys de comédiens, j'aurais peut-être plus de rôles. Ça marche beaucoup avec les contacts, dans ce milieu-là plus qu'un autre. Forcément, il y a des cliques. Et si tu veux absolument l'intégrer, il faut sortir à tel endroit. Il y a une pression que j'essaie de ne pas prendre en compte: ça n'a pas de bon sens que pour les galas par exemple, ce ne soit pas possible de se dire qu'on va mettre une petite robe qu'on a chez soi.»

Si la pression est bel et bien présente, Lavigne a décidé depuis longtemps de ne pas jouer le jeu. «Je ne me sens vraiment plus là-dedans.J'ai d'autres trucs qui me passionnent dans ma vie. Je suis plus discrète de nature: j'ai fait le choix de rester comme je suis. Ça plaira à qui ça plaira!»

Ton art/Ta job: une série à suivre sur Le Huffington Post Québec.

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