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Encore des défis après 30 ans de Loi sur les services en français en Ontario

Toujours difficile d'obtenir des services en français en Ontario
Radio-Canada

La Loi sur les services en français a beau être en place depuis 30 ans en Ontario, de nombreux défis demeurent pour les Franco-Ontariens qui veulent se faire servir dans leur langue. En fait, les services en français sont garantis seulement dans 25 régions désignées par la province, là où le nombre de francophones le justifie. Rencontre avec des francophones qui veulent changer les choses.

Un texte de Valérie Ouellet et de Sarah-Émilie Bouchard

Au moment où l’Ontario s’apprête à célébrer les 30 ans de sa Loi sur les services en français, beaucoup de travail reste à faire pour que les Franco-Ontariens puissent se faire soigner dans leur langue maternelle.

C’est ce qu’a constaté Richard Simard, un Québécois qui a subi une greffe du poumon à l’Hôpital général de Toronto en janvier.

Selon M. Simard, qui souffre de fibrose pulmonaire, l’établissement était le seul hôpital en ville où il pouvait subir une greffe du poumon. L'établissement n'est toutefois pas désigné en vertu de la Loi sur les services en français de l’Ontario. Il n’est donc pas tenu d’offrir des services dans les deux langues.

Subir une importante opération était un stress, mais le plus difficile, selon Richard Simard, c’était justement la barrière de la langue avec les professionnels de la santé. Un problème qui l’a placé dans des situations difficiles à plusieurs reprises.

M. Simard se souvient d’une rencontre, en anglais, avec un chirurgien qui l’informe qu'il doit être opéré de nouveau. Sa femme, qui sert parfois d'interprète, n’était pas là.

«J’ai compris qu’on allait m’opérer à l’estomac. En fait, c’était pour un drainage des poumons. » – Richard Simard, patient francophone

Ce n’est pas la seule fois qu’il a eu de la difficulté à obtenir des services de santé en français. En 2008, le Québécois avait composé le 911 parce qu’il s’inquiétait pour sa femme.

Richard Simard et Guylaine Morissette croient avoir attendu des heures avant l’arrivée des ambulanciers, parce qu’ils avaient demandé à parler à un intervenant francophone.

«Ça a pris trois heures, une chance que je n'étais pas en train de mourir, parce que c'était fini.» – Guylaine Morissette, patiente francophone

Un accès à la désignation bilingue encore difficile

Avec ses sept écoles de langue française, ses six garderies et sa vie culturelle francophone, on pourrait croire que la région de Durham et d’Oshawa a tout pour plaire aux francophones.

Presque tout, en fait.

Même si la région attire de plus en plus de francophones et que les besoins de services en français augmentent, elle ne satisfait pas les critères de désignation bilingue établis par la Loi sur les services en français, explique Sylvie Landry, présidente de l’ACFO Durham-Peterborough.

Selon la Loi sur les services en français, pour qu’une région soit désignée bilingue, il faut que les francophones y représentent 10 % de la population ou qu'ils soient plus de 5000 s'ils sont dans un centre urbain.

Il a donc fallu s’y prendre autrement. Pendant des années, les francophones ont tenté de convaincre les élus du conseil régional.

« On avait au-dessus de 600 lettres d’appui déposées à la région municipale de Durham [...] À trois reprises, la communauté est venue appuyer notre demande. »

La région près de Toronto est passée près d’être officiellement désignée bilingue à trois reprises, mais le conseil régional a voté contre la proposition chaque fois, alléguant que les coûts de traduction seraient trop élevés.

En octobre 2013, les élus ont expliqué qu’ils n'accorderaient pas la désignation à la région tant qu’ils n’auraient pas l’assurance qu'une formule de financement claire serait établie par la province.

Après des années d’efforts sans désignation, la présidente de l’ACFO Durham-Peterborough, Sylvie Landry, voudrait que la loi 8 soit modifiée.

«Comme francophone, je me sens comme une citoyenne de deuxième classe dans ma municipalité. Je suis Canadienne, je parle ma première langue, c'est le français.» ― Sylvie Landry, présidente de l’ACFO Durham-Peterborough

Une loi désuète, selon le commissaire aux services en français

Même si la Loi sur les services en français est en vigueur depuis 30 ans, elle comporte encore plusieurs failles, constate le commissaire aux services en français.

Dans un rapport déposé en juin 2016, François Boileau a même appelé à une refonte complète de la loi 8, en commençant par désigner l’ensemble du territoire bilingue.

La province abandonnerait dès lors la désignation par région, a-t-il expliqué ce qui « règlerait les inégalités issues de l'absence d'harmonisation » des services en français.

Le commissaire cite, à titre d'exemple, l’obtention des soins de santé en français, qui est encore un casse-tête en Ontario.

Il se dit attristé par l’histoire de Richard Simard, mais n’est pas du tout surpris. D’ailleurs, son bureau reçoit souvent des plaintes individuelles touchant aux services sous la responsabilité du ministère de la Santé. Il espère que tous les francophones touchés portent plainte, ce qui lui permettrait d'avoir une idée plus juste de l’ampleur du problème.

«On reçoit de plus en plus de plaintes venant de francophones ayant besoin de services en français immédiats. Ces plaintes-là m’intéressent au plus haut point.» ― François Boileau, commissaire aux services en français de l’Ontario

De plus, la désignation territoriale permettrait aux plus petites communautés comme celle de la région de Durham-Oshawa d’avoir accès à des services en français, souligne François Boileau.

Selon l’Office des affaires francophones, un Franco-Ontarien sur cinq vit dans une région non désignée, incluant de grands centres urbains comme Barrie, Sarnia et Kitchener-Waterloo.

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