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L'autopartage, un modèle d'avenir pour les uns, un irritant pour les autres

L'autopartage, un modèle d'avenir pour les uns, un irritant pour les autres
Martin Thibault/Radio-Canada

Le covoiturage a des effets positifs en réduisant le nombre de voitures dans les rues. Mais sa popularité cause aussi bien des maux de tête à certains résidents, les privant d’espaces de stationnement près de chez eux. Pour ou contre les voitures en libre-service?

Un texte de Roberto Rocha et Marie-Christine Rioux

Les données compilées et analysées par CBC/Radio-Canada révèlent quelles sont les zones de Montréal où le service car2go est fortement utilisé et où les véhicules partagés prennent un grand nombre de places de stationnement réservées aux détenteurs de vignettes.

Certaines rues du Mile End et du quartier Milton Parc (Ghetto McGill) sont particulièrement encombrées de voitures.

« Je ne vous dirai pas comment je les appelle parce que ce n’est pas gentil, [...] mais parfois je les appelle les punaises de rue. Des fois, j’en ai compté 15, 16, 17 [véhicules en libre-service] », explique Noëlle Tannou, une résidente de la rue Saint-Dominique.

Où et quand les voitures car2go restent garées

Les couleurs indiquent l’heure de la journée où il est le plus probable de trouver des véhicules car2go stationnés. Plus le cercle est gros, plus il y a des voitures. Cliquez sur chaque cercle pour voir la moyenne de voitures par heure.

« C’est impossible de prendre son auto, d’aller faire des courses, puis de revenir parce que des deux côtés de la rue durant la journée, c’est plein plein plein », constate Pierre Renzetti, un autre résident de la rue Saint-Dominique. « On peut en compter une douzaine entre la ruelle et l’autre côté. »

Bien que les entreprises comme car2go et Communauto paient aussi la Ville pour le droit d'utiliser des espaces réservés aux vignettes - 1320 $ par voiture annuellement - c’est peu réconfortant pour quelques résidents. Même si les voitures sont constamment en mouvement, elles sont souvent remplacées par d'autres voitures partagées.

« La semaine passée, j’ai essayé de passer deux-trois fois pour essayer de stationner et pas moyen, témoigne un autre résident, Michel Fréchette. Je suis obligé de stationner dans ma cour, mais l’hiver, ça va être difficile. »

Photo : Martin Thibault

Une croissance explosive

Après trois ans d’activité à Montréal, car2go compte aujourd'hui 43 000 membres qui partagent 460 véhicules, explique le directeur général Jérémi Lavoie.

Car2go est une filiale de Daimler, qui fabrique les voitures Smart utilisées par le service ainsi que la marque Mercedes-Benz.

Son concurrent Communauto, qui dispose également d'un volet libre-service sans réservation appelé Auto-mobile, possède un nombre similaire : en trois ans, sa flotte est passée de 30 à 450 voitures dans huit arrondissements participants.

La Ville octroie aux entreprises une « vignette universelle » qui permet aux utilisateurs de se garer dans des zones normalement réservées aux détenteurs de permis.

Le Mile End est populaire durant le jour en raison de la forte concentration des entreprises en technologie comme Ubisoft et des espaces de cotravail. Les représentants de car2go et de Communauto affirment ne pas avoir reçu de plaintes directes de la part des résidents de ce secteur.

Photo : Martin Thibault

M. Lavoie dit avoir reçu quelques plaintes lors du lancement de son entreprise à Montréal. Mais dans le Mile End, personne ne s’est plaint « pendant un an et demi ». Selon lui, il y a encore des idées préconçues sur les avantages et les inconvénients que car2go apporte à la ville. « Il y a de la sensibilisation à faire », dit-il.

Même son de cloche du côté de Communauto, qui n'a pas reçu de plaintes de résidents du Mile End. « Ces véhicules circulent beaucoup. Ils n'y restent pas plus de deux heures et sont pris par des personnes différentes. Contrairement à un véhicule de particulier, qui y reste généralement toute la journée », souligne la porte-parole de la compagnie, Brigitte Geoffroy.

72 heures de car2go en 30 secondes

Un champ de bataille politique

Alex Norris, conseiller municipal pour l'arrondissement Le Plateau-Mont-Royal, où l'autopartage est le plus achalandé, est en faveur du concept, malgré les problèmes occasionnels.

« Il peut y avoir des problèmes à proximité des stations de métro et du centre-ville. Aussi autour de pôles d'emplois. » Mais il insiste pour dire que les avantages l’emportent sur les inconvénients.

« Un véhicule peut être utilisé par plusieurs familles. Il s’agit d’une utilisation plus efficace de l'espace. L'ère qui veut que chaque famille doit posséder une voiture arrive à sa fin. » - Alex Norris, conseiller municipal

Projet Montréal confronte le maire Denis Coderre sur l’autopartage, affirmant qu'il tente d'étouffer son développement. « Nous déplorons que Coderre mette des obstacles pour l'expansion de l'autopartage », lance M. Norris.

Le maire a récemment augmenté le prix des vignettes universelles de 1000 $ à 1320 $ et a exigé que les deux services électrifient leur flotte d'ici 2020. Une administration Projet Montréal abrogerait ces deux initiatives et permettrait aux véhicules de se garer partout en ville.

Le responsable des transports au comité exécutif de la Ville de Montréal, Aref Salem, affirme « qu'il faut certainement trouver une façon de cohabiter [entre] les services en libre-service et les gens qui habitent dans les secteurs ». « Pour le moment, ce sont les arrondissements qui sont responsables de cela », précise-t-il.

Pour trouver des solutions, l'administration Coderre mise beaucoup sur sa nouvelle politique du stationnement, qui prévoit notamment la création d'un organisme de gestion du stationnement.

Des bénéfices nets

Le covoiturage a des effets positifs pour la majorité des villes. Selon une étude réalisée par le Transportation Sustainability Research Center de l’Université de la Californie à Berkeley, le covoiturage a supprimé des milliers de voitures des routes de cinq villes nord-américaines.

L’étude des 7350 membres de car2go à Vancouver, Calgary, San Diego, Washington D.C. et Seattle a constaté qu’en moyenne :

  • 2 % à 5 % des membres ont vendu une voiture à cause de car2go
  • 7 % à 10 % des membres se sont abstenus d'acheter une voiture

Ainsi :

  • 28 000 voitures ont été retirées des routes des cinq villes en 2015
  • les émissions de gaz à effet de serre ont été réduites de 2200 à 10 000 tonnes par an, une baisse de 4 % à 18 % par ménage membre de car2go

Car2go ne divulgue pas le nombre moyen de déplacements ni la distance moyenne parcourue par les voitures. Communauto, de son côté, affirme que ses voitures effectuent en moyenne cinq voyages chaque jour. Selon ses données internes, près de 80 % des voitures restent garées de une à trois heures.

Selon la porte-parole de Communauto, pour réduire la congestion dans les zones résidentielles, la Ville devrait autoriser le stationnement des véhicules en libre service dans les rues du centre-ville, au lieu de les restreindre aux terrains de stationnement.

Les deux compagnies invitent les résidents qui souhaitent porter plainte à communiquer avec elles.

Photo : Martin Thibault

Les solutions de Calgary

Pour contrer les désagréments liés au stationnement sur rue des véhicules en libre service, la Ville de Calgary déploie actuellement plusieurs solutions. « Nous avons mis en place des amendes assez élevées pour que les gens de car2go déplacent les voitures quand ils voient qu’il y en a trop sur une rue en particulier », explique le conseiller municipal de la métropole albertaine André Chabot.

Les car2go étant majoritairement de petites voitures de marque Smart qui ne requièrent pas d’espaces de stationnement pleine longueur, Calgary a créé 150 microstationnements réservés aux véhicules de car2go, au bout de certaines rues, dans des espaces où des automobiles de taille normale n’entreraient pas.

Méthodologie

Car2go publie des données en temps réel pour géolocaliser sa flotte de voitures et permettre aux utilisateurs de l’application mobile de situer le véhicule le plus proche. Radio-Canada a récupéré ces données toutes les cinq minutes pendant cinq semaines (juillet-août) et a analysé les résultats avec un scientifique de données montréalais, Nicolas Kruchten.

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