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Après l'accord de Paris sur le climat, le vrai travail commence

Comment maintenir le souffle qui avait poussé quelque 195 pays à signer, dans un rare consensus, l'accord de Paris sur le climat?

Comment maintenir le souffle qui avait poussé quelque 195 pays à signer, dans un rare consensus, l'accord de Paris sur le climat en décembre dernier? C'est le grand défi que devront relever des milliers de délégués qui sont réunis à Marrakech, au Maroc, pour la 22e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques.

Une analyse de Étienne Leblanc, journaliste spécialisé en environnement

Souvenez-vous : c'est dans l'euphorie totale qu'a été adopté l'accord de Paris sur le climat en décembre 2015. Après avoir donné un vigoureux coup de marteau sur la table, Laurent Fabius, président de cette fameuse COP21, lançait, triomphant : « L'accord de Paris est accepté! » Une annonce qui a été suivie d'une longue ovation.

Onze mois plus tard, que reste-t-il de ce moment unique que même les plus optimistes n'avaient osé espérer? La réponse à cette question viendra, en partie, au cours des deux prochaines semaines à Marrakech.

Disons-le d'emblée : la COP22 débute sur des assises solides. Car l'accord de Paris est déjà entré en vigueur, depuis vendredi dernier. Il n'aura fallu que 10 mois pour franchir cette étape cruciale et atteindre le seuil minimum exigé par le texte de l'entente : que 55 pays représentant 55 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) ratifient l'entente.

C'est un record de vitesse en la matière, surtout pour un accord si vaste et si complexe. À titre de comparaison, le protocole de Kyoto, qui a été signé en 1997, aura pris huit ans pour entrer en vigueur, en 2005. Une majorité de pays semblent vouloir pousser dans la même direction.

«Il n'y a pas beaucoup d'enjeux qui sont matière à conflit à Marrakech, et c'est nouveau dans le processus de négociation internationale sur le climat.» - Hugo Séguin, professeur à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke

« Habituellement, on arrivait à chacune des conférences comme si on allait à l'abattoir, c'était ardu et difficile. À Paris, on s'est entendus sur la vision, sur le fait que tout le monde doit mettre la main à la pâte », dit M. Séguin.

À ce jour, 97 pays ont ratifié l'accord de Paris, comptant pour les deux tiers des émissions mondiales de GES.

Marrakech : la mise en oeuvre

Une chose est certaine : la conférence qui débute ce matin au Maroc ne sera pas aussi spectaculaire que celle de Paris. On n'y verra pas les grands coups de gueule, les grandes envolées oratoires et les salves d'applaudissements vus à Paris. La partie spectaculaire étant passée, on s'attaque aujourd'hui au vrai défi : trouver une façon de mettre en oeuvre cet accord qui est en très bonne partie non contraignant.

La tâche n'est pas simple. Au cours de l'année dernière, tous les pays signataires ont déposé ce qu'il est convenu d'appeler dans le jargon onusien les « contributions volontaires nationales », c'est-à-dire les cibles de réduction des émissions de GES proposées par chacune des parties.

Une fois soumises, comment s'assurer que ces promesses seront tenues? C'est une des questions centrales de la conférence de Marrakech : mettre en place un mécanisme qui permettra de s'assurer que les pays respectent leurs engagements. Les données soumises par les parties sur la réduction de leurs émissions devront être crédibles, mesurables et vérifiables, ce qui est loin d'être acquis.

L'autre grand sujet de discussion sera l'argent.

Les pays signataires se sont engagés à nourrir un fonds vert de 100 milliards de dollars par année d'ici 2020 pour que les pays en développement puissent lutter, eux aussi, contre les effets des changements climatiques. Or, ce fonds peine à se remplir.

Cet enjeu financier sera l'objet de vifs débats à Marrakech. Selon l'esprit de l'accord de Paris, tout le monde est appelé à faire son effort pour réduire les émissions de GES. Or, les pays les plus pauvres de la planète, qui sont les premiers touchés par le bouleversement climatique, arguent qu'ils n'ont pas les moyens pour s'adapter aux effets provoqués par le climat changeant, et encore moins pour instaurer une politique climatique.

Engagements insuffisants

À Paris, les pays se sont entendus pour contenir le réchauffement « bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels », mais aussi pour poursuivre l'action afin de « limiter l'élévation des températures à 1,5 °C de réchauffement ».

Cependant, un rapport du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) publié jeudi dernier montre que les cibles proposées par les pays ne permettront pas d'atteindre cet objectif. Selon les auteurs, on se dirige plutôt vers une augmentation des températures entre 2,9 °C et 3,4 °C, ce qui pourrait avoir des effets graves sur l'environnement à l'échelle de la planète.

« Bien sûr que ce n'est pas assez, il faut faire plus », dit Alain Webster, vice-recteur au développement durable à l'Université de Sherbrooke et économiste de l'environnement.

Dès 2023, les pays signataires seront tenus de soumettre de nouvelles cibles, plus ambitieuses. Ce sera comme ça tous les cinq ans. C'est l'un des seuls aspects contraignants de l'accord de Paris, qui force ainsi les parties à tirer la barre vers le haut. Il sera interdit de revenir en arrière.

Bien qu'elle ait été inscrite dans le texte de l'accord, la cible d'un réchauffement maximum de 1,5 °C sera difficile à atteindre. De fait, nous y sommes presque! En décembre dernier, la NASA soulignait que la température de la planète s'était déjà réchauffée de 1 °C par rapport aux niveaux préindustriels. La tendance est lourde et ne cessera pas de sitôt.

Mauvaises nouvelles

La conférence de Marrakech s'ouvre sur une mauvaise nouvelle. Selon des données publiées la semaine dernière par l'Organisation météorologique mondiale (OMM), une agence des Nations unies établie à Genève, le phénomène des changements climatiques ne s'essouffle pas, au contraire.

Selon l'OMM, pour la première fois de l'histoire moderne, la concentration du dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère a dépassé pendant toute l'année 2015 le seuil symbolique de 400 parties par million (ppm). Cette barre de 400 ppm a déjà été atteinte dans le passé, mais seulement à certains endroits et à certains mois de l'année. Mais jamais pendant une année complète.

Le dioxyde de carbone est le principal responsable de l'augmentation des températures terrestres. Une fois émis dans l'atmosphère, le CO2 y reste pendant des dizaines d'années.

«Il faut que la mise en oeuvre de l'accord de Paris soit accélérée, parce que la situation climatique s'aggrave plus rapidement que les scientifiques l'avaient prévu.» - Hugo Séguin, professeur à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke

Bonnes nouvelles

Mais il n'y a pas que de sombres nouvelles. La conférence de Marrakech s'ouvrira forte de trois récents développements sur le front climatique.

Premièrement, l'industrie du transport aérien, qui compte pour 2 % à 3 % des émissions mondiales de GES, s'est entendue pour limiter sa pollution. L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a approuvé, le 7 octobre dernier à Montréal, le premier accord mondial sur la question, au terme de six ans de négociations. L'entente prévoit qu'en 2035, les émissions du secteur aérien seront ramenées au même niveau qu'en 2020.

Deuxièmement, le 15 octobre dernier, les 197 pays signataires du protocole de Montréal sur la couche d'ozone se sont entendus pour éliminer progressivement les hydrofluorocarbures (HFC), utilisés en tant que réfrigérants dans les climatiseurs et les réfrigérateurs. Les HFC sont un gaz dont l'effet de serre est 14 000 fois plus puissant que le CO2. Ensemble, les pays se sont engagés à réduire les niveaux de HFC de 85 % d'ici 2047. Une mesure adoptée en toute discrétion, qui pourrait avoir plus d'effet que l'accord de Paris lui-même.

Troisièmement, l'Agence internationale de l'énergie nous apprenait il y a deux semaines que pour la première fois de l'histoire, la capacité de production des énergies renouvelables sur la planète a dépassé celle du charbon.

C'est peut-être là l'effet le plus important de l'accord de Paris, à savoir le signal qu'il lance à tous ceux qui l'ont signé : pour éviter un réchauffement aux effets imprévisibles, il faudra cesser de brûler les énergies fossiles pour faire rouler nos économies.

Si elle est bien menée, la conférence de Marrakech pourrait nous faire faire un autre pas dans cette direction.

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