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Cri du coeur pour une enquête sur la Société immobilière du Québec

Cri du coeur pour une enquête sur la Société immobilière du Québec

Jean Vézina est soufflé par les allégations de fraude à la Société immobilière du Québec (SIQ) qu'il a dirigée dans les années 90. Après y avoir fait le ménage, il demande aujourd'hui une « enquête en profondeur » pour faire la lumière sur toute cette affaire.

Un texte de Gaétan Pouliot et Marie-Maude Denis

« Ça sent la fraude, c'est sûr! Ça sent plus que la fraude, ça sent la pourriture d'un bout à l'autre », dit M. Vézina, indigné, lorsque nous l'avons rencontré à sa résidence de Québec, cet automne, pour lui présenter un rapport juricomptable commandé par la société d'État sur la vente d'immeubles.

Radio-Canada a révélé que, de 2003 à 2008, des collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec (PLQ) et le pdg de la SIQ de l'époque se seraient partagé d'importantes sommes d'argent en marge de transactions immobilières effectuées par le gouvernement.

M. Vézina réclame une enquête sur cette société d'État, nommée Société québécoise des infrastructures (SQI) depuis 2013.

«Ça soulève des hypothèses tellement élevées qu'il faut une enquête en profondeur.» - Jean Vézina

Il est bien placé pour réclamer une enquête, puisqu'il a dirigé la SIQ de 1995 à 2002.

Il y a mené une grande réforme qui a été unanimement saluée. Les journaux de l'époque ont fait l'éloge de sa gestion.

M. Vézina se souvient bien de l'état de la SIQ à son arrivée en 1995. « Ça coûtait trop cher. Ils ne respectaient ni les échéanciers ni les budgets. Ça ne marchait pas », se rappelle-t-il.

Jean Vézina

«On avait huit fois et quelques la grandeur du [complexe] G. C'est ça que les Québécois payaient pour des espaces vides.» - Jean Vézina

Après son arrivée à la SIQ, ses conclusions sont sans équivoque. « On s'est fait voler, c'est clair. [...] Moi, je suis obligé de dire : patronage. Je ne suis pas naïf non plus. Patronage! »

La SIQ sur la sellette dans le passé

La SIQ a été confrontée à d'importantes questions entourant la gestion de ses immeubles et des locaux qu'elle louait avant l'époque du gouvernement libéral de Jean Charest.

De sa création, en 1986, au milieu des années 90, de nombreux médias questionnent les décisions de la SIQ - alors que le PLQ était aussi au pouvoir.

En avril 1994, un article critique du quotidien Le Devoir sur la SIQ est cité lors d'une commission parlementaire à l'Assemblée nationale.

Le ministre de l'époque, le libéral Jean Leclerc, défend les gestionnaires de la SIQ. Et deux d'entre eux sont présents pour donner le détail de certaines transactions et défendre leur bonne gestion. Il s'agit du vice-président aux finances et aux immeubles William Bartlett et de son subalterne Pierre Fournier.

« Contrairement à ce que prétend le journaliste, la SIQ a effectué une transaction exceptionnellement avantageuse pour le gouvernement », dit M. Bartlett.

Des députés du Parti québécois, alors dans l'opposition, évoquent aussi le favoritisme dans les nominations à la SIQ.

« Nous sommes devant un réseau tissé serré. Quand le ministre entend-il faire en sorte de donner un peu plus de crédibilité à nos organismes en faisant en sorte de donner un peu plus de sérieux à nos processus de nomination », demandait alors le député péquiste Roger Bertrand.

Mises à pied de Bartlett et Fournier

Jean Vézina fera rapidement connaissance de Bartlett et Fournier. Il congédie d'abord William Bartlett.

L'ex-pdg de la SIQ se remémore ses premiers moments avec William Bartlett : « Je ne voulais pas qu'on fasse de la politique d'aucune façon. Et lui, manifestement, [dès] les premières conversations que j'ai eues avec lui, il faisait de la politique », dit-il.

Quelques années plus tard, en 1997, le vérificateur général dépose un rapport coup-de-poing. On y fait état de pertes de 70 millions de dollars pour l'État pour des acquisitions et des locations d'espaces inutiles ou trop chères par rapport au marché.

Malgré ce rapport, aucune poursuite n'a été intentée contre d'anciens dirigeants de la SIQ.

Jean Vézina met ensuite Pierre Fournier à la porte pour incompétence en 1999. Un congédiement que M. Fournier estime injustifié.

En 2003, le Parti libéral du Québec est de retour au pouvoir. Marc-André Fortier est nommé pdg de la SIQ et il recrute un homme qui connaît bien la boîte : Pierre Fournier.

Jean Vézina n'en revient pas.

«C'est quoi cette affaire-là? Moi, je trouve ça scandaleux. Un gars qu'on met dehors, puis il est réengagé!» - Jean Vézina

Et lorsque Marc-André Fortier sera mis à la porte à son tour en 2008 par la ministre Monique Jérôme-Forget, c'est Pierre Fournier qui assurera l'intérim comme pdg de la SIQ.

L'idée que des fraudes auraient pu se dérouler après son départ attriste Jean Vézina. « J'espère que ce n'est pas vrai. Parce que je trouve ça terrible, dit-il, ému. Après avoir tant travaillé pour mettre de l'ordre, si ça finit comme ça, c'est incroyable. »

Qui est Pierre Fournier?

Architecte, il a été congédié en 1999 de la SIQ, où il a travaillé avec William Bartlett. Il est réembauché quand Marc-André Fortier devient pdg de la SIQ en 2003, pour devenir vice-président à l'exploitation pour l'Est du Québec.

Deux enquêtes internes de la SIQ et un rapport juricomptable commandé par la société d'État en 2012 mettent en cause ses actions dans le cadre de la conclusion de transactions douteuses. Entre autres, il est passé outre « l'ensemble des procédures internes permettant de s'assurer une négociation rigoureuse » lors du renouvellement d'un bail, souligne-t-on.

Il a aussi participé aux négociations menant à la vente de trois immeubles, en 2008, pour lesquels la SIQ a consenti aux acheteurs d'importantes concessions.

Après sa retraite en 2008, il est ensuite allé travailler pour William Bartlett.

Contacté par Radio-Canada, Pierre Fournier dit ne pas être au courant de ce qu'on lui reproche dans les enquêtes internes de la SIQ et dans le rapport juricomptable sur la vente d'immeubles. Nous lui avons offert de lui transmettre les documents, mais il a dit ne pas être intéressé.

M. Fournier dit qu'il a exécuté la décision gouvernementale de vendre les immeubles et qu'il considère avoir fait les meilleures transactions possible dans les circonstances.

Avec la collaboration de Daniel Tremblay et de Jacques Taschereau

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