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En Turquie, les colonnes des journalistes de Cumhuriyet arrêtés restent vides symboliquement

Turquie: les colonnes des journalistes arrêtés restent vides symboliquement

Leur visage est toujours apposé sur le papier, à côté de leur nom et de leur adresse courriel. Seuls leurs mots ont disparu. Les chroniques de certains journalistes de Cumhuriyet, interpellés et placés en garde à vue lundi 31 octobre, sont restées vides dans les colonnes du quotidien mardi.

Cumhuriyet, principal journal d'opposition, a indiqué lundi qu'une douzaine de ses dirigeants et journalistes, dont le rédacteur en chef Murat Sabuncu, avaient été placés en garde à vue. Au total, 16 mandats d'arrêt ont été délivrés, selon le journal. La presse turque a été particulièrement visée par les purges menées depuis le putsch avorté de juillet.

Ces arrestations ont été ordonnées dans le cadre d'une enquête pour "activités terroristes" en lien avec le mouvement du prédicateur Fethullah Gülen ― accusé d'avoir ourdi le putsch raté ― et avec le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), selon un communiqué du parquet d'Istanbul. Elles surviennent deux jours après la parution au Journal officiel de décrets annonçant le limogeage de 10 000 fonctionnaires et la fermeture de 15 quotidiens, magazines et agences de presse, basés pour la plupart dans le sud-est à majorité kurde.

Un célèbre journaliste et écrivain turc, Kadri Gürsel, membre de l'organisation mondiale de défense de la presse IPI et chroniqueur à Cumhuriyet, a également été placé en garde à vue. Les policiers ont saisi des ordinateurs et perquisitionné les domiciles de plusieurs journalistes, dont Akin Atalay, président du directoire, du journaliste Güray Oz et du caricaturiste Musa Kart.

Dans un texte publié sur son site, Cumhuriyet affirme qu'il "mènera jusqu'au bout la lutte pour la démocratie et la liberté". "Cumhuriyet est un journal et le journalisme n'est pas un crime", souligne-t-il.

777 cartes de presse annulées depuis le putsch raté

Fondé en 1924, Cumhuriyet ("République", en turc) s'est transformé en machine à scoops sous la direction du célèbre journaliste turc Can Dündar, prédécesseur de Murat Sabuncu, multipliant les enquêtes embarrassantes pour le pouvoir.

Il a notamment publié en 2015 une enquête retentissante affirmant, vidéo à l'appui, que les services secrets turcs avaient fourni des armes à des rebelles islamistes en Syrie. Recep Tayyip Erdogan avait alors affirmé que Can Dündar allait "payer le prix fort".

"Ils prennent d'assaut la dernière forteresse", a réagi sur Twitter Can Dündar, condamné pour "révélation de secrets d'État" en première instance et qui vit désormais en Allemagne.

Les autorités turques nient pour leur part toute atteinte à la liberté de la presse et affirment que les seuls journalistes arrêtés sont ceux liés à des "organisations terroristes", expression désignant le PKK et le réseau güléniste.

Selon l'Association des journalistes de Turquie, 170 organes de presse ont été fermés, 105 journalistes placés en détention et 777 cartes de presse annulées depuis la tentative de coup d'État du 15 juillet.

La Turquie est 151e au classement mondial de la liberté de la presse dressé par RSF en 2016, derrière le Tadjikistan et juste devant la République démocratique du Congo.

VOIR AUSSI:

Coup d'État raté en Turquie (juillet 2016)

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