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J'ai failli devenir nonne, et puis j'ai découvert que j'aimais les femmes

J'ai failli devenir nonne, et puis j'ai découvert que j'aimais les femmes

Les propos de cette histoire ont été recueillis par la journaliste Agathe Charnet et retranscrits à la première personne.

Au moment où nous pénétrons dans l'enceinte de la fameuse grotte où Bernadette Soubirous a eu sa révélation, il me semble que la Terre s'arrête de tourner. Une immense chaleur m'envahit, suivie d'un sentiment de bien-être total. Je reste immobile au milieu de la foule de touristes, plongée dans un état de transe.

J'ai 14 ans, je suis en pèlerinage à Lourdes, avec mon groupe de catéchisme. Je dois être très pâle, les accompagnateurs me demandent si je me sens bien, je suis incapable de répondre. Comme un automate, je me laisse guider hors de la grotte et m'assois sur un banc, sans dire un mot.

Lorsque je retrouve la parole, c'est pour annoncer à tous que je viens d'être appelée par Dieu. Je n'ai plus aucun doute: je dois lui consacrer ma vie. J'ai grandi en Normandie, dans une famille très catholique. Dès l'enfance, la messe dominicale faisait partie des rituels que je n'aurais manqués pour rien au monde.

Loin de traîner des pieds et de piaffer durant les interminables sermons, je m'imprégnais des paroles du prêtre, de l'odeur de l'encens, du scintillement des bougies... J'étais une enfant très nerveuse, débordante d'énergie, et, dans une église, je me sentais apaisée et pleinement à ma place.

Faites pour Dieu

À mon retour de Lourdes, ma mère a accueilli avec beaucoup de calme mon désir de devenir sœur. Elle m'a cependant demandé d'attendre quelques années pour être sûre de mon choix. Adolescente, je passais donc mes week-ends en pèlerinage, et toutes mes copines étaient catholiques.

C'est d'ailleurs lors d'une de ces retraites que j'ai rencontré sœur Marie. C'était une femme fascinante, une ancienne toxicomane qui avait choisi de donner sa vie à Dieu. Nous avions une relation fusionnelle. Je lui écrivais de longues lettres et elle me conseillait d'entrer au noviciat. Selon elle, mon caractère curieux et explosif ne supporterait pas la vie monacale. Mais je m'accrochais coûte que coûte à mon rêve.

Mon rapport à la foi a pourtant commencé à basculer lorsque j'ai atteint l'âge de 16 ans. Je participais à des groupes d'évangélisation avec des jeunes de la paroisse. Nous nous enfermions des soirées entières et, à la lueur tremblotante des bougies, nous choisissions des personnes qu'il nous fallait à tout prix "évangéliser", convaincre de devenir catholiques.

Cette façon de faire m'angoissait beaucoup, il y avait trop de contraintes, trop de règles à respecter. Sur les conseils de sœur Marie, je décidai de repousser mon entrée au couvent, de prendre le temps de vivre d'autres expériences avant de prononcer mes vœux.

En classe de terminale, j'ai perdu ma virginité avec un garçon de la paroisse. Ma première fois ne m'a pas fait un grand effet. Cette expérience m'a convaincue: je n'étais pas faite pour les hommes, j'étais faite pour Dieu. J'ai passé mon bac et suis entrée en classe préparatoire de lettres, avec l'intention de faire des études avant de rejoindre le noviciat.

La rencontre avec Julia

J'ai dû déménager à Caen, loin de ma petite ville et de ma paroisse. C'est là que j'ai fait la connaissance de Julia. Elle ne ressemblait à aucune des filles que j'avais connues jusqu'alors. Elle avait une crinière flamboyante. Dans la classe, on ne voyait qu'elle. Elle parlait fort, riait sans arrêt de tout. Elle était parfois vulgaire, ce qui me choquait tout en m'amusant. Il me suffisait d'être avec elle pour avoir le sentiment de voyager.

Tout était nouveau en sa compagnie: la façon dont elle décrivait nos camarades de prépa, les cours qu'elle me poussait à sécher pour fumer des cigarettes qu'on roulait, ses nombreuses aventures avec les garçons qu'elle me racontait sans tabous. Et, surtout, nous parlions pendant des heures de religion. Elle n'était jamais allée à la messe et ne comprenait pas mon obstination à prier tous les soirs. "Tu te caches derrière tes prières, ce n'est pas vraiment toi", ne cessait-elle de me répéter.

"J'avais la sensation d'avoir trahi ma foi. Pourtant, incapable de me contenir, j'ai fait l'amour avec Julia."

Un soir de juin, je suis allée danser pour fêter la fin de l'année avec un groupe d'amis. Julia était parmi eux. Dans le coin de la boîte où l'on s'était réfugiés pour siroter des cocktails, je n'arrivais pas à la quitter des yeux. Alors que tout le monde se déchaînait sur la piste, j'ai fini par me rapprocher d'elle. Tout devenait flou dans ma tête, je n'arrivais pas à réfréner cet élan qui me guidait vers son corps.

Nous nous sommes embrassées à pleine bouche sous les yeux de nos amis médusés. Mes doigts dans ses cheveux, son odeur de shampoing contre mon visage, je me suis dit que je n'avais jamais été aussi heureuse. J'effleurais ses seins et j'étais submergée de désir.

On a passé la soirée collées l'une à l'autre, mais on est rentrées sagement, chacune chez soi, à la fermeture de la boîte, comme deux petites filles prises en faute. Le lendemain matin, encore étourdie par l'alcool, j'ai été prise de remords. Comment cela avait-il pu m'arriver?

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