Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Alice Paquet, victime présumée du député Sklavounos, se confie

« Je n'ai jamais dit oui », affirme Mme Paquet.

Alice Paquet, qui soutient avoir été agressée sexuellement par le député libéral Gerry Sklavounos, s'est confiée à Anne-Marie Dussault à l'émission 24/60. Mme Paquet a expliqué que les policiers ne l'ont pas dissuadée de porter plainte et qu'influencée par des gens de son entourage, elle avait décidé de laisser tomber ses démarches, mais qu'elle se sent dorénavant prête à aller au bout du processus judiciaire.

« Quand je suis montée au micro pour le dire, c'était vraiment comme un élan du cœur pour être solidaire envers les survivantes de ce qui s'est passé aux résidences de l'Université Laval, mais c'était surtout pour lancer un message de dénoncer l'agresseur. Ce n'est pas un fardeau que j'enlève de mes épaules. C'est déjà fait. Mon cheminement personnel a été fait là-dessus. J'ai rencontré un psychologue, j'ai eu de l'aide. C'est pour lancer un message. Dites-le. Il faut arrêter de protéger les agresseurs », a-t-elle déclaré d'entrée de jeu.

Une déclaration au micro et un message Facebook

Alice Paquet a raconté son histoire publiquement à deux reprises. Elle a d'abord pris la parole lors du rassemblement de soutien aux victimes de la série d'agressions sexuelles à l'Université Laval. « Je prends le micro aujourd'hui pour dénoncer une agression que j'ai vécue, et ce n'est pas parce que je ne l'ai pas dénoncée auparavant. C'est juste qu'on a voulu protéger l'agresseur parce qu'il a un siège à l'Assemblée nationale, parce que c'est un homme important, parce que sa carrière est plus importante que l'agression que j'ai vécue », a-t-elle déclaré devant les manifestants.

La jeune femme de Québec a ensuite publié un message sur sa page Facebook où elle a donné plus de détails sur sa rencontre avec son présumé agresseur.

« L'un d'entre eux, homme dont je ne nommerai pas le nom, mais qui siège présentement comme député libéral à l'Assemblée nationale, semblait me trouver bien de son goût [...] je suis allée voir la police, un an plus tard. J'avais même une trousse médico-légale. Mais ce n'était pas suffisant. Ce qu'on me disait, c'est "comprends-tu dans quoi tu t'embarques?", "ça va briser sa carrière", "es-tu certaine d'avoir dit non?". En plus d'avoir fait du chantage pour que je n'en parle à personne, il me disait que si j'en parlais, on n'allait pas me croire, moi. Sa voix serait plus forte que la mienne. Et ç'a été le cas. Et ce l'est encore ».

La publication a depuis été supprimée.

Dissuadée par son entourage

Alice Paquet a contacté les policiers en mars 2016, soit un peu plus d'an après les faits allégués, qui remontent à 2014. La jeune femme de Québec s'est expliquée sur la façon dont elle a été reçue par les policiers. Lors du rassemblement de mercredi soir à l'Université Laval, l'étudiante avait affirmé que l'enquête n'avait pas « abouti » parce qu'elle avait été dissuadée d'aller de l'avant dans le processus de plainte.

« Quand je dis que l'enquête n'a pas abouti, ce n'est pas parce que l'enquêteur n'a pas essayé de me rejoindre », dit-elle. « C'est moi. C'est partout autour de moi. On me disait : ''Il a des enfants, il a une femme, il est député, c'est un ancien avocat de la défense, il sait quoi faire, il sait à qui parler''. Moi je suis là, je suis une étudiante...je n'ai pas beaucoup de... je ne sais pas. Je me suis retrouvée vraiment seule là-dedans ».

«C’était les gens autour de moi. Maintenant mes proches sont là pour moi. Mais quand ils ont su ça, il y a eu une réaction du genre : ''Mais de quoi on va avoir l’air? Si ça sort publiquement, comprends-tu l’impact que ça va avoir?'' Encore il n’y a pas si longtemps, il y a certains de mes proches qui me disaient : ''parle à personne, ça ne peut pas sortir cette histoire''.» - Alice Paquet

Les policiers ont confirmé, jeudi, qu'ils avaient tenté de rejoindre l'étudiante à plusieurs reprises à la suite de sa première déclaration en mars 2016. Alice Paquet dit se sentir « écrasée et petite face à quelque chose de trop grand », mais a réaffirmé sa volonté d'aller de l'avant dans ses démarches et a annoncé qu'elle rencontrerait les policiers et les enquêteurs au cours des prochaines heures.

«Je vais poursuivre ma démarche, je vais rencontrer les policiers, je vais rencontrer les enquêteurs […] ça va être difficile, mais je veux ouvrir la voie aux autres.» - Alice Paquet

« Je n'ai jamais dit oui »

Mme Paquet dit avoir rencontré son présumé agresseur dans un restaurant de Québec, où elle travaillait comme hôtesse. La jeune femme soutient que le député était un bon ami du patron. Après avoir discuté brièvement de politique, Gerry Sklavounos, qui serait venu au restaurant en compagnie d'autres politiciens, aurait invité Alice Paquet à prendre un verre.

Au terme de la soirée, les deux se seraient rendus dans une chambre, située en haut du restaurant. Elle explique qu'elle était consentante jusqu'à un certain moment. « [La police] a posé la question à savoir si le ''non'' avait été dit clairement. Non je ne sais pas si je l'ai dit clairement. Je ne sais pas. Je sais qu'à ce moment-là, je n'étais pas bien dans la relation sexuelle et que je voulais partir », a-t-elle relaté.

«Un baiser ce n'est pas un contrat, une caresse ce n'est pas un contrat. Ce n'est pas parce qu'on s'enlace que nécessairement ça doit mener à une relation sexuelle.» - Alice Paquet

Alice paquet dit avoir subi des séquelles physiques à la suite de sa première rencontre avec Gerry Sklavounos. Elle dit s'être rendue le lendemain à l'hôpital, où elle a été prise en charge. Une trousse médico-légale lui aurait notamment été fournie afin d'effectuer des prélèvements.

Gerry Sklavounos Photo: Radio-Canada

Mme Paquet soutient avoir rencontré Gerry Sklavounos à une deuxième reprise. Elle admet ne pas savoir pour quelle raison elle a accepté de le rencontrer à nouveau. « J'étais vraiment mêlée [...] je suis retournée, je ne sais pas avec quelle idée », explique-t-elle.

Alice Paquet affirme avoir été violentée au cours de ces deux rendez-vous.« Ça m'a donné une vision vraiment tordue de ma sexualité [...] j'ai perdu la notion [de consentement]. Et pourtant, j'en parle souvent de consentement sexuel, je le dis souvent aux autres. Et dans mon cas, j'ai comme perdu la "map". »

La jeune femme ne peut pas non plus confirmer avec certitude qu'elle a clairement exprimé un refus durant la deuxième rencontre. Elle évoque toutefois à nouveau la notion de consentement. « Je ne lance pas cette bombe-là que j'ai lancée hier avec des ''je ne suis pas sûre'' et des incertitudes. Je n'ai jamais dit oui », a-t-elle affirmé.

«Il n’y a pas de ''pourquoi devrait-on vous croire?''. C’est arrivé. Si une femme, pendant une relation sexuelle, ne se sent pas libre de dire ''je veux arrêter'', c’est une agression sexuelle.» - Alice Paquet

« Est-ce que sa carrière vaut plus que ce que j'ai vécu? »

À la demande de la présidente du caucus du gouvernement, Nicole Ménard, Gerry Sklavounos a quitté le caucus libéral et siègera dorénavant comme indépendant. Alors que les partis d'opposition sont allés jusqu'à réclamer sa démission jeudi, en fin de journée, le député de Laurier-Dorion a affirmé au Journal de Montréal qu'il était innocent.

« Je suis complètement innocent dans cette affaire-là. Je n'ai jamais, mais jamais, dans ma vie, agressé sexuellement quiconque », a-t-il maintenu. Le député a ajouté qu'il allait se battre « pour blanchir sa réputation ».

Aucune accusation n'a été portée contre Gerry Sklavounos. Radio-Canada a tenté de le rejoindre à plusieurs reprises, sans succès.

Alice Paquet a commenté le retrait de Gerry Sklavounos, en évoquant le malaise qu'elle ressentait en le voyant prendre part à des activités politiques. « C'est ça que je trouvais aberrant parce qu'il continuait de prendre des décisions. Il continuait de vivre sa vie comme si de rien n'était alors qu'il m'a agressée sexuellement. Ce n'est pas à prendre à la légère », soutient-elle.

«C'est sa carrière, c'est vrai, c'est beaucoup. Est-ce que sa carrière vaut plus que ce que j'ai vécu? C'est la question que j'ai voulu me poser...et puis c'est non.» - Alice Paquet

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.