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On a envoyé un message à destination d'hypothétiques extraterrestres (et ce n'était peut-être pas une bonne idée)

On vient d'envoyer un message aux extraterrestres (et ce n'était peut-être pas une bonne idée)

Quand on jette une bouteille à la mer, on espère, sans trop y croire, qu'elle trouvera un destinataire. Mais si celui-ci est mal intentionné? C'est toute la question que pose le message envoyé dans l'espace lundi 10 octobre par une grande antenne d'un des observatoires de l'Agence spatiale européenne (ESA) situé à Cebreros en Espagne.

Ce message radio de 14 minutes est dirigé vers l'étoile polaire Polaris, située à quelque 450 années-lumière. Ce qui veut dire que même si des extraterrestres vivaient autour de cette étoile, l'onde électromagnétique qui contient le message ne les atteindrait qu'en 2466.

Mais que contient cette sorte de "capsule temporelle interstellaire"? Plus de 3000 réponses simples à «une question élémentaire»: «Comment nos interactions actuelles avec l'environnement (sur une échelle atomique) vont-elles façonner notre futur?»

Pendant tout l'été, les internautes étaient en effet invités à donner leur réponse à cette question, dans le cadre du projet "A simple response", imaginé par plusieurs écoles, instituts et universités d'Edinburgh.

Si l'initiative est avant tout présentée comme une performance artistique sur fond d'écologie, c'est l'idée même de tenter de communiquer avec des espèces extraterrestres qui fait débat.

Pour vivre heureux, vivons cachés ?

L'espèce humaine écoute depuis des décennies le bruit de l'espace dans l'espoir d'entendre un signal artificiel, prouvant que nous ne sommes finalement pas seuls dans cette immensité et résolvant le célèbre paradoxe de Fermi. Mais si peu de scientifiques s'opposent frontalement à cette écoute passive, le fait de dévoiler notre présence fait débat.

Débat qui peut se résumer ainsi: si nous envoyons des messages dans l'espace, nous signalons notre présence à de potentielles civilisations avancées, sans rien savoir d'elles. Et si des aliens à la technologie avancée envahissaient notre monde en remontant à l'origine du message? C'est un peu ce que redoute le célèbre astrophysicien Stephen Hawking.

D'autres, comme le scientifique Douglas Vakoch, qui travaille pour le Seti, en charge de rechercher une intelligence extraterrestre, affirment qu'il ne faut pas avoir peur et que l'envoi de messages est notre meilleure chance de prouver que nous ne sommes pas seuls.

Si des milliers de signaux radio sont émis quotidiennement, ils sont toutefois très faibles. Mais plusieurs, plus puissants, ont déjà été transmis dans le cosmos avec l'objectif de trouver un interlocuteur. Le plus célèbre est celui d'Arecibo, envoyé par le radiotélescope éponyme en 1974. En 1999, des scientifiques russes ont envoyé leurs propres messages avec le télescope Yevpatoria en Crimée, et en 2008, la Nasa, l'agence spatiale américaine, a transmis la chanson des Beatles "Across the Universe" vers l'étoile polaire, la même destination que le message du projet "A simple response".

Comme le précise GeekWire, ce nouveau message a relancé le débat. Début octobre, dans une tribune publiée par Nature, Doug Vakoch a réitéré ses propos, estimant qu'il était trop tard pour se poser la question, à cause de toutes nos précédentes émissions radios. Et qu'à l'opposé, il ne fallait pas ignorer le coût de rester silencieux et de manquer une aide d'extraterrestres altruistes pouvant apporter à notre civilisation des avancées scientifiques.

Dans une réponse, l'astrobiologiste Dirk Schulze-Makuch affirme que les conséquences de ce genre de message sont si grandes que l'envoi d'un tel signal devrait faire l'objet d'un débat citoyen et ne pas être simplement décidé par "un petit groupe de scientifiques".

Un testament et un message d'alerte destiné à la Terre

Mais pour Paul Quast, à l'origine du projet, la question n'est pas là. L'artiste écossais imagine ce message comme une démarche écologique. Dans un long texte, il explique que l'espèce humaine n'a jamais eu autant la capacité "d'écrire l'avenir de toute la biosphère de la Terre". Une référence évidente à l'industrialisation et au réchauffement climatique.

Citant justement le paradoxe de Fermi, Paul Quast se demande si les éventuelles civilisations qui ont bien dû naître ailleurs dans cet univers immense, peuplé de milliards de milliards de planètes, ont survécu aux "goulots d'étranglement tels que le changement climatique ou est-ce que l'univers favorise toujours l'entropie"? Pour lui, le fait que nous soyons pour l'instant seuls démontre, pour le moment, que l'autodestruction serait la solution la plus probable. C'est également l'avis de certains scientifiques.

Paul Quast l'affirme, le but de ce message, ce n'est pas vraiment d'engager "intentionnellement" la communication avec des extraterrestres. Mais plutôt d'interroger l'espèce humaine sur son futur. C'est pour cela que le message contient des milliers de réponses à cette question: Comment les interactions environnementales actuelles vont-elles façonner notre futur?

Et de se demander si cette bouteille à la mer, si elle est un jour ouverte, ne sera qu'un testament, un "compte rendu archéologique" de notre destruction, ou est-ce que "ses créateurs vont continuer à prendre la responsabilité de passer outre les décisions prises par nos ancêtres et de cesser de sculpter le 'goulot d'étranglement' de demain pendant cette période critique"? L'histoire de l'humanité est, heureusement, encore à écrire.

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