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Accommodements raisonnables : Le projet de loi sur la neutralité religieuse sous le feu des critiques

Accommodements raisonnables : Le projet de loi sur la neutralité religieuse sous le feu des critiques

QUÉBEC – Les parlementaires entameront mardi l’étude du projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État et les accommodements raisonnables. D’ores et déjà, la première journée d’audiences s’annonce difficile pour la ministre Vallée, qui verra sa législation durement critiquée.

Le projet de loi 62 prévoit deux choses. Tout d’abord, les employés de l’État et les citoyens devront dorénavant interagir à visage découvert. En clair, le gouvernement vise le niqab et la burqa.

Ensuite, la nouvelle législation impose des balises aux organismes publics qui devront traiter des demandes d’accommodements religieux. Ceux-ci devront respecter le principe d’égalité homme-femme et ne pas compromettre la neutralité religieuse de l’État. Une demande devra aussi être «raisonnable», c’est-à-dire respecter les droits des autres usagers et ne pas imposer un fardeau important à l’organisme.

De l’avis de plusieurs intervenants, c’est un projet de loi peu ambitieux. Le gouvernement Couillard s’en tient à «ce qui fait consensus», dit elle-même la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée, porteuse du dossier. Le constitutionnaliste Louise-Philippe Lampron, lui, présente la chose ainsi : «Ils intègrent dans la loi ce que la jurisprudence en matière de neutralité religieuse de l’État dit déjà».

Le PQ et la CAQ souhaitent d’ailleurs que le gouvernement aille plus loin en interdisant le port de signes religieux aux policiers, juges et gardiens de prison.

Nombreuses critiques

Mardi, la commission entendra d’abord l’organisme Pour les droits des femmes du Québec (PDF-Q), qui l’invite à retirer ce projet de loi «inadéquat» et «flou». Le regroupement féministe estime que la législation ne va pas assez loin en matière de laïcité et invite le gouvernement à refaire ses devoirs. L’organisme a d’ailleurs été créé en 2013 en réaction à la position de la Fédération des femmes du Québec, qui défendait le droit de porter le voile islamique au nom des libertés individuelles.

PDF-Q déplore notamment l’absence de définition de la neutralité religieuse, une critique souvent faite au défunt projet de loi sur les discours haineux de la ministre Vallée. «La neutralité religieuse comme ça, accrochée à rien, c’est un concept très flou et très ambigu», se désole Diane Guilbault, vice-présidente de l’organisme. Elle souligne que le niqab et la burqa ne sont pas mentionnés nommément.

Pour son organisme, les accommodements religieux prévus ne font pas la promotion de la laïcité de l’État, au contraire. «C’est plutôt une formule pour accommoder toutes les religions, estime Diane Guilbault. C’est plus du multiconfessionnalisme que de la laïcité.» PFD-Q estime que le projet de loi 62 pourrait devenir une porte ouverte «aux intégrismes».

L’organisme affirme également que l'obligation d'accorder des accommodements religieux pourraient décourager les employeurs d’embaucher des personnes issues des communautés culturelles.

À l’autre bout du spectre, l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec viendra plutôt argumenter que la nouvelle législation est «inutile». «On n’a jamais eu ce problème dans nos écoles, dit sa présidente, Jennifer Maccarone. Alors, pourquoi changer quelque chose qui fonctionne bien?»

La ministre Stéphanie Vallée (Crédit: PC)

Elle craint que le projet de loi «sème la discorde», comme l’a fait le débat sur les accommodements raisonnables dans le passé. «Nous n’en avons pas besoin», dit-elle.

Les commissions scolaires anglophones estiment plutôt que «la diversité raciale et religieuse enrichit le Québec».

L’association ne souhaite pas se faire imposer par Québec des solutions à un problème qu’elle juge inexistant. «Si on avait un problème au sein de nos commissions scolaires, ce serait à nous de prendre une décision», dit Jennifer Maccarone.

«Le projet de loi est fort susceptible de se révéler inconstitutionnel», ajoute-t-elle.

Un véritable problème?

La semaine dernière, la ministre de la Justice admettait qu’aucune employée de l’État ne travaille vêtue d’un niqab ou d’une burqa. «Il n’y a pas de situation au Québec où des gens dans la fonction publique travaillent à visage couvert», reconnaissait-elle.

Québec ne sait pas non plus combien de citoyens demandent à recevoir des services à visage couvert chaque année. «On n’a pas de données» à ce sujet, dit l’attaché de presse de la ministre, Isabelle Marier St-Onge.

Reste à savoir si le projet de loi 62 pourrait être renversé par un tribunal en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Lorsqu’il a pris le pouvoir en 2014, le gouvernement Couillard a dévoilé que le gouvernement Marois n’avait pas obtenu d’avis juridiques spécifiques du ministère de la Justice sur son projet de Charte des valeurs.

Québec a-t-il obtenu des avis juridiques, cette fois? La ministre de la Justice s’est montrée évasive, mercredi dernier. «Sachez qu’on a des avis juridiques lorsqu’on rédige des projets de loi et, comme vous le savez, ces avis juridiques là, on ne les partage pas par secret professionnel, a dit Stéphanie Vallée. Mais soyez assurés que, ce que nous faisons, nous le faisons avec des avis juridiques.»

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