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«Nos prisons sont remplies de pauvres» – Chloé Ste-Marie

Pour l’artiste, une chose est sûre: les prisons sont le résultat d’une société inégalitaire tout en coûtant une fortune aux contribuables.
Pierre Dury

Pour une seconde année consécutive, la salle du Gesù accueillera le spectacle-bénéfice Le Cabaret de la seconde chance. Sur scène le 14 octobre d’anciens détenus, mais aussi des artistes invités pour soutenir la cause comme Chloé Ste-Marie. Rencontre avec une femme libre.

Chloé Ste-Marie revient d’une longue tournée à travers le Québec. Son dernier disque À la croisée des silences l’a menée ces dernières semaines de Gaspé à Gatineau en passant par Sept-Îles et Baie-Comeau. Alors, impossible pour elle de s’imaginer derrière des barreaux. C’est donc avec un pincement au cœur qu’elle revient sur sa participation au Cabaret de la seconde chance.

«Je ne sais pas vraiment à quoi servent les prisons, lâche-t-elle en entrevue dans un café du quartier Rosemont. Par contre, je peux facilement faire le parallèle avec Gilles Carle qui était lui aussi prisonnier, mais de son corps.»

Muse et compagne du célèbre réalisateur Gilles Carle mort en 2009, Chloé Ste-Marie s’est battue bec et ongles pour que soient reconnus les aidants naturels alors que le cinéaste était atteint de la maladie de Parkinson. «Je me bats encore aujourd’hui, ajoute-t-elle. Pour la réinsertion des prisonniers, c’est la même chose, j’ai l’impression qu’on n’en fait pas assez. Je me demande parfois si l’on n’enferme pas des gens qui n’ont rien à faire dans les prisons.»

Elle ne parle pas des dangereux «cas lourds», les coupables de viols ou de meurtres, mais des petits délinquants, ceux que la police arrête pour du trafic de cannabis ou du vol à l’étalage et qui se retrouvent enfermés parmi les grands criminels.

«Je ne suis pas une experte en la matière, mais le système pénitencier ne devrait pas être systématique. On le voit par exemple avec la Maison Berthe-Rousseau qui accueille en pleine nature des personnes en difficulté afin qu’elles se ressourcent avant qu’il ne soit trop tard. Malheureusement, ces opportunités demeurent trop rares.»

Privilégier la réinsertion sociale

Pour l’artiste, une chose est sûre: les prisons sont le résultat d’une société inégalitaire tout en coûtant une fortune aux contribuables. «L’injustice me met hors de moi, répond-elle. Une société dans laquelle les gens sont de plus en plus démunis mène à la violence. Au Québec, on a l’impression que rien ne s’est vraiment amélioré. C’est difficile de s’en sortir aujourd’hui pour beaucoup de personnes. La réalité c’est que nos prisons sont remplies de pauvres.»

Tout est dans le partage, insiste-t-elle. L’idée du Cabaret de la seconde chance est de trouver des solutions et de privilégier la réinsertion sociale plutôt que les sentences des tribunaux. Selon les derniers chiffres transmis par la GRC, plus de 4,2 millions de Canadiens ont un casier judiciaire, dont plus de 700 000 Québécois. «Je suis allé quelques fois chanter en prison. J’ai rencontré des détenus de tous les âges. Je reste convaincue que ces établissements tuent quelque chose dans l’être humain.»

En prison, elle a surtout découvert des hommes et des femmes abandonnés. «Il y en a qui ont perdu tout espoir en la vie. Je pense que chacun d’entre nous a droit à une seconde chance. Si on ne les cassait pas dans les cellules, mon cœur dit qu’on aurait affaire à de meilleures personnes.»

C’est pourquoi le 14 octobre, Chloé Ste-Marie montera sur la scène du Gesù afin de montrer sa solidarité. Elle sera suivie de plusieurs invités de marque tels Danielle Proulx, Florence K, Salomé Corbo et beaucoup d’autres. «Je vais réciter un poème en langue innue avec Joséphine Bacon et je vais chanter plusieurs chansons toujours en innu pour parler de l’univers autochtone qui a fait de la liberté humaine une véritable philosophie de vie.»

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