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J'ai menti et volé à mon mari pendant vingt ans (VIDÉO)

J'ai menti et volé à mon mari pendant vingt ans

Dans son couple, c’est Claudia qui tient les cordons de la bourse. Au point qu’elle se prête à des virements mensuels sur un compte caché. Mais un jour, son mari le découvre…

Si Paul n’avait pas ouvert le courrier, j’aurais sans doute continué. Naturellement. Sans aucune gêne. Chez nous, il me revenait depuis notre mariage de porter la culotte. Toute dépense passait par moi et je tenais le budget plutôt serré. J’aimais l’idée de ne pas dépenser pour rien et de nous constituer un petit pécule en cas de problème ou de chômage. Paul m’a toujours laissé faire, me priant juste de ne pas regarder les relevés bancaires quand il venait de me faire un cadeau. Je m’occupais de la comptabilité, des impôts, et il se réjouissait d’être déchargé de ce travail.

J’épargnais pour les différents budgets, vacances, maison, sorties, enfants. Lui, c’était le jardinage. D’emblée, nous avions fait compte commun. Ou presque. Parce que de mon côté, j’avais assez vite ouvert un compte à moi, sur lequel, pendant vingt ans, j’ai placé de l’argent à nous. À nous ou plus exactement à Paul, qui gagnait quatre fois plus que moi, qui n’avais qu’un salaire d’assistante de direction. Chaque mois, j’ai viré 1000 euros sur ce compte. Secret, à mon seul nom, il aurait dû le rester.

"J’ai l’horrible impression d’avoir épousé Madoff"

Quand Paul a découvert ce compte caché, il ne m’a pas jugée coupable. Il m’a demandé ce qu’était cette enveloppe contenant ce relevé bancaire provenant d’une banque dont nous n’étions pas clients. Pourquoi a-t-il ouvert le courrier ce jour-là? Je me le demande encore. J’ai menti comme j’ai pu, m’inventant de l’argent d’avant notre mariage, le complétant par une donation faite par mes parents de leur vivant. J’avais pourtant toujours affirmé ne rien avoir à moi. Paul s’est contenté de me le rappeler, mais il n’en a pas dit davantage.

J’ai stoppé aussi sec les virements et je n’ai plus bougé, songeant à une autre manière de mettre de l’argent de côté, en liquide cette fois. Quelques semaines plus tard, Paul est rentré, taciturne, froid. J’ai attendu que les enfants soient couchés pour lui demander ce qui se passait et il a sorti de sa sacoche une liasse de feuilles épaisse de dix centimètres: des relevés bancaires. Les relevés bancaires affichant tous ces fameux virements de notre compte commun vers mon compte caché, durant presque vingt ans, la banque n’ayant pu remonter aussi loin. "J’ai l’horrible impression d’avoir épousé Madoff", m’a-t-il asséné. Tout finit donc toujours par se savoir…

Comme une imbécile, j’ai expliqué que ce compte bancaire était à nous deux, même s’il était à mon nom, et planqué dans une autre banque! J’étais rouge écrevisse et Paul a été cinglant. "Je viens de me rendre compte que la femme que j’ai épousée me ment depuis vingt ans et me vole depuis autant de temps; on va s’arrêter là. Je n’en supporterai pas davantage." J’ai essayé d’enchaîner les excuses bidon: j’avais peur de manquer s’il rencontrait une autre femme et me quittait, je l’aimais tant que j’avais voulu lui faire la surprise d’une cagnotte…

Mes excuses se contredisaient. Paul est parti. Mais il a eu la délicatesse de ne rien dire à nos deux enfants. C’est moi qui ai trouvé "l’argument" de notre séparation. "Il arrive que les papas et les mamans ne s’aiment plus", ai-je murmuré à mes ados de 15 et 17 ans qui m’ont regardée en biais, par-dessus leurs écrans, en me priant de leur parler normalement.

Une cagnotte horrifiante

J’étais effondrée, et Paul n’a pas fait marche arrière. Il a déménagé aussi sec et entamé une procédure de divorce. Au début, j’ai continué à mentir: je suis allée jusqu’à lui raconter que j’épargnais de l’argent pour lui offrir la Porsche de ses rêves. J’affirmais que je comptais lui montrer au bout de trente ans de mariage que j’avais épargné… 360 000 euros! Sans les intérêts. Le chiffre m’a horrifiée. Les 1000 euros mensuels que je "déplaçais" ne m’avaient jamais fait cet effet-là. Je n’avais pas le sentiment de voler qui que ce soit.

Je virais cette somme machinalement, me versant ni plus ni moins un salaire de comptable, finalement. Et puis les excuses –aussi absurdes soient-elles – fusaient dans ma tête: je porte les packs d’eau, je fais tellement de choses pour les enfants, c’est toujours moi qui vais les chercher après leurs soirées, je me réveille à l’aube pour que le petit déjeuner soit prêt quand la famille est levée. En gros, je m’octroyais aussi un petit salaire pour mon métier de mère de famille. Et de femme. Car en effet, il m’était arrivé de virer mes 1000 euros en pensant à nos nuits d’amour.

C’est un psychanalyste qui m’a ouvert les yeux sur ce point. Je n’ai pu parler de cela à aucune amie. J’avais bien trop honte et me suis rabattue sur un thérapeute. Où était l’amour, depuis le début? Sans vouloir faire de raccourci, j’ai vite compris que j’avais fait payer mon mari. Je l’aimais, mais il fallait que je me rétribue pour ce don de moi. J’étais mère et femme par métier. Et à mes yeux, inconsciemment en tout cas, cela avait un prix. Je ne recherche pas d’excuse, mais pour mon psy, c’est une explication. Une hypothèse sérieuse, même.

Le temps du pardon?

Dès lors, ma presque vérité en poche –mais ça prend du temps ces choses-là–, l’urgence a été de reconquérir Paul. Car plus que jamais, je me rendais compte que je ne pouvais pas vivre sans lui. Mais autant parler à une porte de prison! J’ai enchaîné les maladresses, comme lui demander son numéro de compte pour y virer la somme épargnée… Ou lui proposer de faire un grand voyage avec la "cagnotte" – qu’il m’avait d’ailleurs laissée. "Eh bien il va être long, le voyage, surtout avec une voleuse", a-t-il rétorqué. J’ai encore laissé passer du temps. Je me suis dit qu’il ne croirait plus jamais mes paroles, mais comprendrait peut-être un signe.

Exaspéré par mes tentatives – envoi de photos de nous deux, lettres de reconquête plus proches du harcèlement que de la déclaration –, Paul m’a expressément demandé de lâcher l’affaire. Deux années se sont écoulées, deux longues années pendant lesquelles, chaque jour, j’ai rêvé qu’il sonne à la porte et me pardonne. Notre seul lien passait par les enfants, des enfants déjà grands qui nous quitteraient bientôt tous les deux. J’étais infiniment triste. J’ai choisi la date anniversaire de notre mariage pour l’appeler. Je lui ai demandé un rendez-vous qu’il m’a accordé.

Étonnée par ce oui, je me suis rendue au café, celui qu’il avait choisi, on ne peut moins romantique, à quelques encablures de son bureau. J’ai dit: "Pardon. Pardon… Pardon…" Je savais que mes explications le rendraient fou, alors j’ai répété ce mot. Et pour la première fois, il m’a demandé pourquoi j’avais fait ça. "Tu avais pourtant tout ce que tu voulais, tu étais donc si insatisfaite?" m’a-t-il dit. En entendant que je travaillais avec un psychanalyste sur le sujet, Paul s’est un peu détendu.

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