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Les changements climatiques favorables à la production du vin au Québec

Les changements climatiques favorables à la production du vin au Québec
A pinot noir grape is pictured at a vineyard in Hautvillers, on September 22, 2016. / AFP / FRANCOIS NASCIMBENI (Photo credit should read FRANCOIS NASCIMBENI/AFP/Getty Images)
FRANCOIS NASCIMBENI via Getty Images
A pinot noir grape is pictured at a vineyard in Hautvillers, on September 22, 2016. / AFP / FRANCOIS NASCIMBENI (Photo credit should read FRANCOIS NASCIMBENI/AFP/Getty Images)

Les changements climatiques semblent donner un sérieux coup de pouce aux vignerons du Québec. Au même moment, en Europe, des producteurs de vin s'inquiètent de la montée des températures estivales.

Un texte de Benoît Livernoche

Au Vignoble de l'Orpailleur, à Dunham, les vendanges pour le vin blanc sont déjà commencées depuis deux semaines, et celles pour le vin rouge débutent ce week-end. « Ce qui veut dire que l'on est de deux à trois semaines plus tôt qu'il y a environ 30 ans, c'est énorme! », affirme un Charles-Henri de Coussergues bien heureux de la saison qui se termine. Ce vigneron a été l'un des premiers Français à développer l'industrie viticole au Québec. Il avoue qu'à ses débuts, faire du vin au Québec était audacieux, car les conditions climatiques n'étaient pas optimales.

«À mes débuts, dans les années 80, on avait une période sans gel, entre le dernier gel de printemps et le premier gel d'automne, de 135 jours, ce qui était vraiment un minimum pour faire mûrir du raisin. Aujourd'hui, on arrive à des périodes de 180 jours sans gel.»- Charles-Henri de Coussergues, fondateur, Vignoble de l'Orpailleur

Le nombre de jours sans gel est l'un des facteurs importants pour les vignerons, mais il y a aussi le nombre de degrés-jours, qui grâce à un savant calcul permet de dire si une saison fournit suffisamment de chaleur. Et finalement, il y a le minimum des températures hivernales.

Philippe Roy, du groupe Ouranos, a analysé ces données en fonction des projections climatiques du Québec pour les 50 prochaines années. Son constat est clair. « Le réchauffement climatique est bénéfique au développement de l'industrie viticole qui demande un minimum de chaleur », précise-t-il.

De grands cépages au Québec?

Lorsqu'il est arrivé au Québec, Charles-Henri de Coussergues clamait qu'il ne ferait jamais de vin rouge ici, car les conditions et le terroir n'y étaient pas propices. Il admet qu'il a changé d'avis depuis.

Le vigneron Charles-Henri de Coussergues, fondateur du Vignoble de l'Orpailleur

«Aujourd'hui, on fait du rouge, et cette année, on ramasse même des raisins rouges en surmaturité. On arrive à faire des rouges à 13,5 % en sucre alcool. On n'aurait jamais cru ça il y a 30 ans.»- Charles-Henri de Coussergues, fondateur, Vignoble de l'Orpailleur

Plus il fait chaud et plus la chaleur dure longtemps, plus le raisin produit de sucre et confère ainsi au vin un taux d'alcool plus élevé. Du point de vue du goût, faire du rouge ici devient intéressant. Mais ces vins rouges proviennent de vignes dites hybrides, des vignes résistantes au froid, qui produisent des cépages peu connus par les consommateurs.

Avec un climat plus favorable, plusieurs vignerons ont commencé à faire du vin grâce à des types de vigne qui autrefois ne pouvaient survivre ici. On appelle ces vignes les Vitis vinifera, qui produisent les plus grands cépages connus et appréciés, comme le chardonnay ou le pinot noir. Charles-Henri de Coussergues tentera l'expérience avec le cabernet franc l'an prochain.

«Les tendances climatiques nous disent qu'à l'horizon 2040, on aurait année après année des conditions favorables à la culture des Vitis vinifera, dans le sud du Québec. Et qu'en 2065, la région de Québec pourrait, elle, tenter l'expérience.»

- Philippe Roy, spécialiste en scénarios et extrêmes climatiques chez Ouranos

Une décennie favorable se caractérise par le retour fréquent d'années remplissant trois conditions climatiques : une saison sans gel d'au moins 180 jours, une accumulation de chaleur entre le 1er avril et le 31 octobre dépassant les 1250 degrés-jours, ainsi que des températures hivernales ne descendant pas sous la barre des -27 degrés Celsius. Les cartes sont établies en considérant 90 scénarios climatiques.

Pendant ce temps en Europe

Les régions viticoles du sud de la France, de l'Espagne ou de l'Italie vivent les mêmes phénomènes qu'au Québec : avec plus de chaleur, les vendanges se font de plus en plus tôt, ce qui favorise une augmentation des taux de sucre, donc des taux d'alcool qui explosent.

«Avant, les vins étaient aux alentours de 9,5 % à 11 % d'alcool. Dans les plus belles années, 12 %. Aujourd'hui, si je prends le millésime de 2015, on a une moyenne de 14,5 % d'alcool dans notre chai.»

- Jean-Marie Nicot, producteur dans la région de Bordeaux

Cette maturation rapide des raisins pourrait être, à moyen terme, dévastatrice pour le goût des grands vins produits en Europe. « La vigne va fabriquer davantage de sucre en moins de temps, mais les tannins ou les arômes n'ont pas eu le temps de mûrir », affirme Miguel Torres, propriétaire de Torres, un des plus grands exportateurs de vin d'Espagne.

Miguel Torres, propriétaire des caves Torres en Catalogne

Le paradoxe climatique

Si le réchauffement climatique favorise les régions de production viticole du Québec, il y a aussi de plus en plus de phénomènes que le vigneron Michael Marler appelle accidents climatiques. Michael Marler tente l'expérience des Vitis vinifera, dont le chardonnay et le pinot noir, depuis quelques années, avec succès.

«Ce que nous, on vit ici, c'est des périodes très chaudes et après ça, un accident climatique, un gel intense ou des pluies torrentielles. Même chose au printemps qu'à l'automne. [...] Il faut vraiment que l'on se protège.»

- Michael Marler, agronome et vigneron, Vignoble Les Pervenches

Michael Marler, vigneron au vignoble Les Pervenches, Farnham

Charles-Henri de Coussergues savoure ces vendanges après une saison magnifique, mais il admet qu'il surveillera de près la fin de l'automne, en espérant que le froid habituel arrive au bon moment. L'an dernier, un hiver tardif avec trop de chaleur a eu raison de la production du vin de glace, un produit renommé au Québec.

«Mon père, qui est décédé à 86 ans, m'a toujours dit : " Fais attention! Dans ma vie de vigneron, j'ai connu des cycles de sécheresse, des années très humides." Je reste un peu comme lui, on doit toujours rester vigilant, même quand tout va bien.»- Charles-Henri de Coussergues, fondateur, Vignoble l'Orpailleur

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