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Sourire rend heureux? Cette fameuse étude scientifique a du plomb dans l'aile

Sourire rend vraiment heureux?

Le bonheur, ça se travaille. “Si tu veux être heureux, sois-le", dit le proverbe chinois. Ces recettes de grand-mère pour se sentir bien ont même leur preuve scientifique. En 1988, des chercheurs montraient que le fait de sourire pouvait influencer notre humeur.

Une étude devenue célèbre , qui est depuis enseignée dans les cours de psychologie comme exemple du lien entre expression faciale et état d'esprit. Sauf que cette étude est peut-être surestimée. Dans des travaux acceptés pour publication par la revue Psychological Science, des chercheurs ont en effet tenté de reproduire l'expérience, ce que l'on appelle un procédé de réplication. Et n'y sont pas arrivés.

Comme le rapporte la British Psychological Society, les chercheurs ont demandé à 17 laboratoires de retenter l'expérience, avec 1894 étudiants (contre un peu moins d'une centaine pour l'étude originale). Et les résultats ne sont pas très encourageants.

Le test du stylo

A chaque fois, la procédure est la même: on demande aux cobayes de lire une bande dessinée (la même que celle utilisée en 1988). Un groupe doit le lire avec un stylo coincé entre les dents, ce qui force à sourire. Pour l'autre groupe, le crayon est tenu entre les lèvres, ce qui fait faire une sorte de moue un peu blasée.

L'étude de 1988 avait montré que les personnes souriantes trouvaient la BD plus amusante. Sauf que l'étude de réplication n'arrive pas aux même résultats. Sur les 17 laboratoires, seuls 9 ont relevé que les personnes souriantes semblaient plus amusées par leur lecture. Et encore, l'écart est plus faible que pour les résultats d'origine. Sur les 8 autres laboratoires, ce n'est pas le cas.

Et quand tous les résultats sont combinés, aucune différence significative n'a été relevée par les chercheurs. Comment expliquer ce résultat? Cela peut être par exemple dû à un biais dans la première expérience, ou à un échantillon d'individus trop faible.

Evidemment, ces nouvelles données ne signifient pas que sourire ne rend pas heureux. Simplement qu'il est difficile de proclamer cette affirmation comme un fait scientifique. Il faudra de nouvelles études pour tirer cela au clair, d'autant que l'étude de réplication elle-même pourrait bien comporter des biais.

C'est en tout cas ce qu'affirme l'auteur de l'étude, Fritz Strack. Plusieurs biais posent selon lui problème dans la méthodologie des auteurs, notamment le fait que les cobayes soient filmés ou encore que ceux-ci soient étudiants en psychologie (et connaissent donc potentiellement cette expérience).

Un problème qui touche la science en général

Difficile pour l'instant de savoir sur quel pied danser à propos du sourire et du bonheur. Mais cela n'est pas le plus important, comme le note Science Alert.

L'important dans cette affaire, c'est qu'elle rappelle un problème qui est loin d'être isolé: de nombreuses études publiées sont considérées comme gravées dans le marbre alors qu'elles ne sont parfois pas réplicables. Cela ne veut encore une fois pas dire que les conclusions sont fausses, simplement qu'elles ne sont pas si sûres que cela.

Le site précise que dans la revue qui va publier l'étude sur le sourire se trouvent les travaux de chercheurs qui ont essayé de répliquer une autre étude célèbre, qui a établi le principe d'"ego depletion", soit l'idée selon laquelle notre volonté peut s'émousser au fur et à mesure que l'on cherche à contrôler notre mental et nos émotions. En s'appuyant sur des expériences menées dans 24 laboratoires, les psychologues n'ont pas trouvé de preuve significative de ce phénomène.

Ces deux études ne sont pas des cas isolés. En 2015, des chercheurs ont tenté de répliquer une centaine d'expériences de psychologie. Dans plus de la moitié des cas, les résultats étaient différents des études originales. Cela ne veut encore une fois pas dire que les résultats sont faux, évidemment, d'autant plus que cette étude de réplication a elle-même été critiqué pour ses biais statistiques.

Ce problème rappelle qu'il faut toujours prendre les études scientifiques pour ce qu'elles sont: un nouvel indice pour nous permettre de comprendre un phénomène et non une vérité gravée dans le marbre. La science n'apporte pas une vérité absolue, mais nous aide à mieux comprendre le monde qui nous entoure, petit à petit, en cherchant et parfois, en se trompant. C'est un travail de fourmi et c'est dans l'accumulation de résultats significatifs que la connaissance humaine progresse.

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