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Des femmes qui passent à l'acte, un nouveau renfort pour le groupe État islamique

Des femmes prêtes à une action kamikaze, cela reste un phénomène nouveau pour le groupe État islamique.
French policemen take part in a police raid in Boussy-Saint-Antoine near Paris, France, September 8, 2016. French police investigating the abandonment of a car packed with gas cylinders near Paris's Notre Dame cathedral last Saturday, arrested three women on Thursday evening, in Boussy-Saint-Antoine, some 30 km south-east of Paris. REUTERS/Christian Hartmann
Christian Hartmann / Reuters
French policemen take part in a police raid in Boussy-Saint-Antoine near Paris, France, September 8, 2016. French police investigating the abandonment of a car packed with gas cylinders near Paris's Notre Dame cathedral last Saturday, arrested three women on Thursday evening, in Boussy-Saint-Antoine, some 30 km south-east of Paris. REUTERS/Christian Hartmann

"Radicalisées, fanatisées", elles "préparaient vraisemblablement de nouvelles actions violentes et de surcroît imminentes". Jeudi soir, le 8 septembre, Bernard Cazeneuve a livré des informations préoccupantes sur les trois femmes interpellées à Boussy-Saint-Antoine dans l'enquête sur la voiture pleine de bonbonnes de gaz retrouvée près de Notre-Dame.

La principale suspecte, âgée de 19 ans, avait prêté allégeance à Daech, a indiqué une source proche de l'enquête interrogée par l'AFP. Il s'agit de la fille du propriétaire de la voiture retrouvée à Paris. Connue des services de renseignement, elle a été blessée par balle après avoir poignardé un des policiers venu l'arrêter. Selon RTL et i-Télé, les femmes auraient d'abord voulu faire exploser la voiture puis auraient changé de plan.

"Résolues à passer à l'acte, elles auraient alors voulu organiser un attentat kamikaze gare de Lyon, avant de se rabattre sur une gare de l'Essonne, rapporte Le Parisien, sans doute du fait de la traque lancée" pour les retrouver. Plus tôt jeudi, " un message général sur les ondes de la police" évoquait par ailleurs "un attentat suicide probable" dans une gare, selon le quotidien et BFMTV.

Avant tout "une marque de détermination"

Des femmes prêtes à une action kamikaze, cela reste un phénomène nouveau pour le groupe Etat islamique, d'abord évoqué en novembre dernier à la suite de l'assaut antiterroriste du Raid à Saint-Denis. Même si finalement, Hasna Aitboulahcen, cousine d'Abdelhamid Abaaoud dont le corps avait été retrouvé dans les décombres de l'appartement, ne s'était pas fait exploser comme cela avait été évoqué.

Une femme kamikaze, cela serait "une nouveauté" expliquait en novembre dernier Laurent Combalbert, ancien négociateur du Raid. Une "première en France et pour l'Etat islamique", renchérissait David Thomson, journaliste à RFI.

Dans ce cas, c'est avant tout "une marque de détermination", expliquait - avant qu'il s'avère que Hasna Aitboulahcen n'était pas morte en kamikaze - Fatima Lahnait, chercheuse, auteur du rapport "Femmes kamikazes, le jihad au féminin" publié par le Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). "L'endoctrinement et l'embrigadement sont tels qu'elle a préféré mourir que d'être arrêtée. Ce faisant, elle contribue à la lutte. Et là le sexe importe peu. Mais le fait que ce soit une femme va bien entendu multiplier l'impact de son acte sur la société".

Cela ne veut pas dire que Daech ne recrute pas des femmes. Au contraire, elles sont des centaines d'Europe, d'Amérique ou d'Australie (dont un quart de Françaises) à avoir rejoint les rangs des jihadistes. Selon le Guardian, 10% des personnes quittant ces territoires pour rejoindre l'EI sont des femmes et des jeunes filles. On se rappelle notamment le cas de Hayat Boumeddiene, la compagne d'Amedy Coulibaly, qui avait fui en Syrie après les attentats de Paris.

Selon Libération, l'une des femmes interpellées plus tôt cette semaine (deux couples étaient déjà en garde à vue dans l'enquête sur la voiture à Notre-Dame avant l'opération de Boussy-Saint-Antoine) avait d'ailleurs des "liens" avec Hayat Boumeddiene, qui serait toujours en Syrie en compagnie d'un autre jihadiste français.

"Etant donné qu’elles incarnent les premiers vecteurs de transmission culturelle et religieuse (par le biais des enfants), plus les femmes sont engagées idéologiquement, plus le projet extrémiste porte ses fruits", expliquaient en janvier 2015, dans une tribune publiée par Le Monde, Sasha Havlicek, directrice générale du think tank Institute for Strategic Dialogue, et Farah Pandith, chercheuse associée au Council on Foreign Relations.

Les "veuves noires" du Caucase

"Pour l’instant, l’EI limite [les femmes] à un rôle d’incitation à la violence sur Internet", précisaient-elles. "Cependant, tout comme d’autres groupes extrémistes, Boko Haram par exemple, il a montré qu’il pouvait changer de tactique si nécessaire. Nous ne sommes peut-être plus loin du moment où ces femmes perpétreront des attentats dans des villes occidentales". Comme cela a bien failli se produire ces derniers jours, à en croire les déclarations de Bernard Cazeneuve.

En 1985 une Libanaise de seize ans, Sana Khyadali, précipite sa voiture piégée contre un convoi israélien, tuant deux soldats. Elle est la première d'une longue liste de femmes candidates au martyr dans son pays, mais aussi en Israël, Turquie, Inde, Pakistan, Ouzbékistan, Tchétchénie, Irak. A partir de cette date et jusqu'en 2006, "plus de 220 femmes kamikazes se sont sacrifiées, ce qui représente près de 15% du total des kamikazes recensés", précisait Fatima Lahnait dans son rapport.

Les plus "célèbres" de ces femmes kamikazes sont certainement les "veuves noires", qui ont fait parler d'elles depuis 1999. On se souvient de celles du théâtre de Moscou en 2002. Difficile d'expliquer avec certitude leurs motivations. Amandine Regamey, chercheuse au Centre d'études des mondes russe, caucasien et centre-européen de l'EHESSS évoquait dans les colonnes du Figaro en 2010 la possibilité de vengeances personnelles suite à la perte d'un mari, père ou frère au combat. Pour autant, une enquête de 2003 d'une journaliste russe, Ioulia Iouzik, affirmait que neuf femmes kamikazes sur dix du Caucase étaient, souvent droguées, manipulées.

Il y a aussi l'idée qu'une femme est moins repérable qu'un homme et serait donc plus à même de s'approcher de lieux stratégiques avant de se faire exploser. C'était notamment le cas des Tigres Tamouls au Sri Lanka, selon l'anthropologue Scott Atran, cité par Libération. C'était également le cas en Tchétchénie, affirme Slate, où il était très difficile de se déplacer dans la rue en tant qu'homme.

Al-Qaida et Boko Haram, deux précédents bien différents

En 2005, une femme se faisait exploser en Irak pour le compte d'Al-Qaida. "Pour le chef de l’organisation en Irak, Al-Zarqaoui, dont la stratégie est basée sur l’image, les femmes sont ses nouvelles armes", expliquait alors Newsweek, cité par Courrier International. En quelques mois, d'autres femmes kamikazes se sont fait exploser en Irak.

Le porte-parole de l'armée américaine, le général Lynch, expliquait alors avoir "peur que cela signifie que l'organisation terroriste cherche une nouvelle expansion". Bref, une manière de palier le manque de recrues.

"Habituellement, l’utilisation de femmes kamikazes correspond à une phase de déclin et à des problèmes de recrutement", précisait à Libération en 2014 Elizabetg Pearson, du Nigerian Security Network. Elle réagissait alors à l'utilisation de femmes kamikazes par les terroristes de Boko Haram au Nigeria. En novembre, deux femmes s'étaient fait sauter dans un marché et dans un centre de formation.

Des sources proches de l'enquête citée par le quotidien, estimaient que les explosifs de l'un des attentats qui a touché le Nigeria avaient été activées à distance sur des jeunes de 14 à 16 ans. Dans la même période, une fillette de 10 ans avait été arrêtée alors qu'elle portait une ceinture d'explosifs.

Mais cette fois, pour Boko Haram, il n'était pas question d'un problème de recrutement ou autre. "Les femmes sont souvent utilisées comme un ultime recours (...) mais ici, cela intervient dans la 'meilleure année' de Boko Haram en termes de violences et de nombre de personnes tuées", expliquait la chercheuse.

Voir aussi:

9 AVRIL 2013: CRÉATION DE L'EIIL

L'État islamique en dix dates

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