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«Le pouvoir de l'échec»: la quête d'Arnaud Granata (ENTREVUE)

«Le pouvoir de l'échec»: la quête d'Arnaud Granata (ENTREVUE)
Julie Artacho

« Échec »: un tabou de société, un grand absent des tranches de vie socialement partagées et un générateur d’angoisses de la petite école jusqu’aux grands bureaux du centre-ville. Personnellement interpellé par la thématique, Arnaud Granata a poussé l’analyse avec des spécialistes et questionné les vedettes du nouveau millénaire, les entrepreneurs.

Au programme: les hauts et les bas des gens d’affaires les plus en vue du Québec: Alexandre Taillefer, qui signe la préface, Caroline Néron, Ethan Song et Hicham Ratnani (Frank & Oak), Érik Giasson (Wanderlust), Martin Juneau (Pastaga), Cath Laporte (Trust), Jean-François Bouchard (Sid Lee), Nicolas Duvernois (Pur Vodka), Christiane Charrette, Alexandre Robert (division Frenchie’s de JCorp) et Christiane Germain (Hôtels Germain).

Avant ta première entrevue, pourquoi l’échec te semblait assez intéressant pour en faire un livre?

À la base, je voulais décortiquer les facteurs de réussite des entrepreneurs. À force de discuter avec eux, j’ai réalisé que l’échec était très présent dans leur parcours et qu’ils avaient réussi à s’affranchir de la peur de l’échec, en osant essayer beaucoup de choses. Comme une posture mentale bien particulière. En parallèle, dans ma vie personnelle, j’avais entrepris depuis longtemps un questionnement sur ma peur de ne pas toujours réussir, qui me pousse à faire le plus de projets possible, en espérant que l’un d’eux fonctionne. Alors j’ai décidé de lier les deux.

Quand on analyse ta feuille de route – directeur d’Infopresse, chroniqueur à Médium Large (Ici Première), concepteur de la série documentaire 30 secondes pour changer le monde (Télé-Québec) – on a envie de te demander ce que connais-tu à l’échec?

J’ai connu un échec qui a énormément changé ma vie: à 15 ans, j’ai été viré du conservatoire de musique, là où j’avais placé tous mes espoirs. Ce fut un gros échec de carrière. Et comme je suis partie prenante d’Infopresse, je suis moi aussi un entrepreneur, alors c’est un sujet qui me touche. Mais comme je ne suis pas un expert, plusieurs portes se sont ouvertes à moi plus facilement pour obtenir des témoignages.

Tu es originaire de Paris et tu vis au Québec depuis 14 ans. Comment compares-tu le rapport à l’échec des Nord-Américains et des Européens?

Près de 70 % des Français pensent qu’un échec scolaire est une cassure qui peut irrémédiablement infléchir sur leur vie. Et les études démontrent que la France est le pays européen où ça prend le plus de temps pour rebondir d’un échec professionnel, soit neuf ans en moyenne. Jusqu’à tout récemment, les lois étaient extrêmement restrictives en cas de faillite. À l’inverse, en Amérique du Nord, je sens que l’échec est moins tabou dans le milieu entrepreneurial. C’est devenu presque un argument dans une histoire de réussite. Elon Musk, le fondateur de Tesla, met en scène ses échecs, alors que Steve Jobs, d’Apple, parlait des échecs nécessaires à l’apprentissage.

Pourquoi avoir ciblé uniquement des histoires entrepreneuriales et professionnelles?

Il existe bien sûr des échecs dans plusieurs autres domaines: le sport, la politique, la médecine, les relations interpersonnelles, etc. J’ai envisagé les inclure. Mais j’ai retrouvé chez les entrepreneurs une désinhibition qui n’était pas aussi forte chez les autres. Aussi, le monde des affaires et du travail me ressemble plus. Je n’aurais pas été forcément à l’aise de traiter d’échecs plus personnels. Et on aurait pu s’égarer.

Qu’est-ce qui t’intriguait spécialement chez ces hommes et femmes d’affaires?

Dans certains cas, comme le fondateur de Sid Lee et les gars de Frank & Oak, le public imagine qu’ils sont parfaits et que tout leur réussit, alors qu’ils ont connu l’échec eux aussi. D’autres, comme Caroline Néron, connaissent de grands succès après avoir traversé des déboires majeurs sur la place publique. J’ai identifié les gens comme si je construisais un magazine ou un documentaire télé, avec une grande diversité d’histoires qui me touchent.

Ont-ils été difficiles à convaincre?

Tous les gens du livre m’ont répondu quasi instantanément. Pour certains, ça semblait libérateur et rafraîchissant d’analyser leurs échecs et leur persévérance, au lieu de tout focaliser sur la réussite. Ceux qui ont refusé ma demande étaient en pleine situation d’échec et ils n’avaient pas encore assez de recul pour en parler.

Pourquoi la peur du naufrage freine-t-elle encore autant de futurs entrepreneurs, alors que le monde des affaires n’a jamais été aussi populaire?

C’est une ambiguïté profondément humaine de vouloir se lancer et d’avoir peur. Nicolas Duvernoy m’a dit que lorsqu’on a connu l’échec, on fait tout pour ne pas en vivre un aussi gros. Même si on arrive à dompter la peur de l’échec, on a toujours des craintes. C’est pour ça que Martin Juneau ne met plus tous ses œufs dans le même panier et qu’il multiplie ses projets, afin de multiplier ses chances de réussite.

En lisant les points de vue des spécialistes (psychologue, sociologue, philosophe, économiste, professeur en adaptation scolaire), on comprend que les jeunes générations sont plus apeurées par l’échec que jamais. Pourquoi?

Moi-même, j’imaginais qu’on tolérait davantage l’échec, puisqu’on en parle plus qu’avant dans certains milieux, mais la sociologue Diane Pacom m’a confronté en m’expliquant la notion des «enfants projets»: comme les gens font moins d’enfants, ils projettent davantage sur eux et ils veulent absolument leur donner le meilleur pour qu’ils réussissent. Ils les mettent donc dans une situation de peur de l’échec. Elle me disait aussi que l’idée de renforcer l’estime de soi des enfants est évidemment une bonne chose, mais que les gens l’ont poussé à l’extrême en valorisant toutes les petites réussites de leurs enfants. En quelque sorte, ils les empêchent d’apprendre à se planter.

Au fond, souhaites-tu au moins un échec à tout le monde?

Pas du tout! Mes rencontres m’ont permis de me sentir moins seul avec ma peur de l’échec. C’est humain et normal. Mais je souhaite surtout qu’on retienne l’importance de persévérer, de continuer à tester des choses et pourquoi pas de partager nos histoires d’échecs et de réussites entre nous.

Le livre Le pouvoir de l’échec est présentement en librairies.

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Cinq Kopecks de Sarah Stricker aux éditions Piranha"Ce livre nous emmène dans la vie de la narratrice. Il parle de la seule faille. Enfant parfaite, élevée par un père tyrannique qui voulait qu'elle soit un géni en tout. Elle se promet une vie professionnelle assez grandiose puis épouse un homme qu'elle n'aime pas trop et tout à coup tombe amoureuse. Et toute la distance qu'elle avait auparavant s'écroule. L'amour s'incarne dans la personne d'un voisin. Il la chamboule. C'est un livre à la fois grave et très drôle. Les personnes sont danss l'exagération. La mère par exemple fait penser à Juliette Binoche dans le film Ma Loute. Le ton grave et humoristique m'a fait aimer ce livre mais aussi la peinture social du Berlin est après la chute du mur. Un roman assez complet et une chronique sociale de cette époque. Très beau style, assez chirurgical et avec un humour souvent grinçant."
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Boy, Snow, Bird de Helen Oyeyemi"Ca se passe dans l'entre deux guerre aux Etats-Unis. Il raconte l'histoire d'une jeune fille de 16 ans dont le pere a la main lourde. Elle s'enfuit et au bout de la ligne trouve refuge dans un foyer de jeune fille. Elle rencontre ensuite plusieurs personnes dont un type qu'elle ne supporte pas. Elle en tombe finalement amoureuse. Il s'agit d'un roman sur la question noire aux Etats-Unis mais pas seulement. Il se lit très facilement grâce à cette belle histoire et son humour un peu cynique par moment."
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