Rencontre avec Scott Schuman lors du dernier Festival Mode & Design, l'homme derrière The Sartorialist, le site de référence dédié aux styles de rue qu'il a lancé il y a 11 ans déjà. Celui qui se définit comme simple photographe fustige la période que nous vivons côté mode, trop souvent dénuée d'élégance et qui voit propulsées au top des mannequins/influenceuses qui n'ont pas selon lui l'étoffe des grandes.
Entretien avec un homme, génial et tout sauf langue de bois, qui ne nourrit ni aigreur ni nostalgie, mais qui pose un regard aiguisé et peu tendre sur notre époque.
L'élégance est au coeur de vos photos. C'est aussi votre leitmotiv pour shooter?
« En effet, l'élégance, les manières, l’éducation, c'est tellement important. Je me rappellerai toute ma vie de cette séance photo, et de ce moment particulier où je m’apprête à shooter ce jeune homme italien. Il a décidé de changer de chaussures. Impossible qu’il le fasse en public, il s’est caché pour cela. N’importe où aux États-Unis, n’importe qui aurait changé de chaussures devant tout le monde. Pour lui, cela aurait été synonyme d’inélégance et ça, ce n’était pas possible. Ce jeune travaille pour Vogue Homme International. Très stylé, très cool, et il ne pouvait se soustraire à cette idée du chic et de l’élégance qu’il a ancrée en lui. J’ai trouvé cela unique et formidable. C’est exactement à l’opposé de ce que sont les Kardashians. Pour toutes ces raisons, j’adore l’Italie, il y a un respect sacré pour l’élégance même chez les plus jeunes.»
Comment se passe une séance photo avec vous?
«Si vous shootez la réalité sans filtres et aussi dans l'instantanéité, il faut saisir les instants de grâce. Je shoote plusieurs clichés – et lorsque je m’arrête, c’est là que le gens se décontractent et deviennent eux-mêmes, et c’est là que je saisis le cliché. Lorsque ce sont des campagnes, c'est tout à fait différent. »
Lorsque vous rencontrez une personne, savez-vous au premier regard ce que cela va donner en photo?
«Je crois. Je les imagine aussi souvent d’une manière. Et c’est peut-être juste mon imagination. C'est pour cette raison que je me définis comme photographe. Je ne suis en aucun cas photojournaliste.»
Où vous voyez-vous dans 10 ans?
«Je vais poursuivre et je vais aussi multiplier les projets. Livres, collaborations, campagnes de publicité, peut-être prendre un peu mes distances avec la mode. On vit une période très perturbée d'un point de vue mode. Si je prends du recul, je serai, je crois, plus alerte et plus pointu encore. »
Une période perturbée dans quel sens?
«Le jeu des chaises musicales dans les maisons de couture, Kendall Jenner en couverture du Vogue... « come on ! ». Bella Hadid, Gigi Hadid, elles sont cute, elles sont gentilles, mais elles ne sont pas ces top modèles de la grande époque. Il fut un temps où le Vogue nous emmenait à la découverte des mannequins, des figures, des visages et n’était pas un titre suiveur. Ce n’est pas ainsi que j’ai grandi, pas dans cette culture. Voilà pourquoi je parle d'une période trouble et perturbée. Il y a toujours des moments sombres et noirs avant des années plus lumineuses. Nous allons certainement au-devant d’une décennie qui s’annonce comme un renouveau . C’est peut-être juste une passe . On est dans un entre-deux qui me met mal à l’aise. Dans 5 ans, on en rira probablement... j'espère! »
Son dernier ouvrage: The Sartorialist: X, recueil magnifique de photos saisies à travers le monde.
Les top modèles de la grande époque ci-dessous
À VOIR AUSSI