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Elle est partout dans l'univers mais toujours invisible: où se cache la matière noire?

Elle est partout dans l'univers mais toujours invisible: où se cache la matière noire?
ForestWander

Elle est partout, mais n'est visible nulle part, massive, mais infiniment petite. Ceci n'est pas une énigme du père Fouras mais une définition de l'énigmatique matière noire, censée représenter 85% de la masse de l'univers.

Problème: jusqu'alors, nous n'avons jamais réussi à l'observer. Le 21 juillet, une équipe de chercheurs a présenté les résultats du Large Underground Xenon (Lux), l'instrument le plus perfectionné jamais construit pour détecter la matière noire. Après une expérience de 20 mois, cet ambitieux projet à 10 millions de dollars situé dans le Dakota... n'a rien trouvé.

Pourquoi Lux n'a rien détecté? Que vont maintenant faire les scientifiques? Pourquoi est-ce si important d'arriver à observer la matière noire? Et au fait, c'est quoi cette matière noire? Le HuffPost fait le point.

La matière noire vous traverse tout le temps

Comme dit plus haut, la matière noire représente plus des quatre cinquièmes de la masse de l'univers. Ce qui veut dire que la "matière baryonique", tous les atomes qui composent les étoiles, les gaz, les planètes, bref, tout ce que l'on arrive à détecter, ne "pèse" que 15% de l'univers. Mais comment le sait-on? Via deux calculs. Deux erreurs, en fait.

Avec les lois de la physique, il est possible, mathématiquement, de calculer la vitesse théorique d'une galaxie, de ses étoiles et ses gaz. Pour ça, on a besoin de la masse baryonique totale de la galaxie, que l'on connait grâce à nos observations (et encore des calculs).

Problème: quand on arrive à vraiment mesurer la vitesse de certains éléments d'une galaxie, comme le gaz interstellaire... ceux-là ne se déplacent pas à la vitesse à laquelle ils devraient. "Il y a donc deux solutions: soit à l'échelle galactique, la relativité générale ne fonctionne pas comme on le croit, soit il faut ajouter la matière noire à l'équation", explique Benoît Famaey, chargé de recherche au CNRS.

Le premier indice de ce problème a été repéré en 1933. L'autre "preuve" de l'existence de la matière noire, c'est que l'on en a besoin pour comprendre la forme qu'a prise notre univers lors de ses premiers instants, juste après le Big Bang.

Pour résoudre ces deux problèmes, les astrophysiciens ont donc imaginé une matière noire qui possède une masse très importante (de sorte qu'elle "tord" l'univers avec sa force de gravité), mais qui passe totalement à travers la matière et la lumière. Quant à être plus précis, c'est là que ça se complique. "On ne sait pas vraiment ce que c'est, on suppose", précise le chercheur Benoît Famaey.

Une traque de 7 ans

Si plusieurs théories ont tenté de qualifier cette étrange matière, celle qui est vue comme la plus prometteuse est celle des "WIMPs". Ces particules seraient si minuscules (un millionième de millionième de fois plus petite que le noyau d'un atome) que des milliards d'entre-elles traversent votre corps chaque seconde. Pourtant, elles posséderaient une énorme masse par rapport à leur taille.

Mais les scientifiques ne peuvent se contenter d'hypothèses et cherchent depuis lors à voir de leurs yeux la matière noire grâce à diverses expériences, à la manière du Boson de Higgs dont on a prouvé l'existence il y a 5 ans. "Une telle détection serait une avancée cruciale, notamment pour la physique des particules", explique au HuffPost Cécile Renault, chercheuse au CNRS.

La plus puissante de ces expériences vient comme l'on disait de s'achever en mai 2016 et n'a finalement pas réussi à observer de matière noire. LUX était enterré sous plus d'un kilomètre de roches aux Etats-Unis. Une cuve de quelque 300 kg de Xénon liquide était scrutée de près par plusieurs capteurs, raconte le site Phys.

L'idée consistait à se dire que parmi les milliards de particules de matière noire qui nous traverse, l'une allait finir par entrer en collision avec un atome de xénon dans la cuve et que l'on pourrait analyser cette collision. 1000 ordinateurs ont participé à l'analyse des 500.000 Go de données produites par les capteurs en 20 mois.

Envisager d'autres hypothèses

Mais si LUX n'a rien détecté, il ne faut pas perdre espoir. "On ne peut pas dire que c'est décevant. Simplement, les interactions entre la matière noire et la matière baryonique sont suffisamment rares pour qu'ils n'en aient pas vu lors de l'expérience", estime Cécile Renault. D'ailleurs, les scientifiques ont déjà imaginé la suite, avec LZ, le petit frère de LUX, qui devrait être 70 fois plus sensible aux interactions.

Et si même cette expérience ne donne rien? Alors il faudra peut-être envisager les autres hypothèses pour expliquer ce qu'est réellement cette matière noire. "Il y a par exemple la théorie des axions ou du neutrino stérile [deux autres types de particules théoriques qui n'ont jamais été observées, ndlr]. Il y a également de nombreuses théories exotiques où l'on imagine carrément des particules aux propriétés pas du tout prévues par les extensions actuelles du modèle théorique" qui régit les lois de la physique", explique Benoît Famaey, chargé de recherche au CNRS.

Certains voudraient faire revivre une ancienne hypothèse, battue en brèche depuis car improbable. L'idée serait que cette matière noire serait en réalité le résultat de nombreux trous noirs apparus au tout début de la formation de l'univers et jamais détectés depuis. Le cosmologiste de la Nasa Alexander Kashlinsky explique à TechInsider que selon lui, cette théorie a été évacuée trop vite par le passé et est à reconsidérer.

Ce qui est sûr, c'est qu'il "faut garder l'esprit ouvert. Il faut des expériences comme Lux, mais il faut aussi envisager que la matière noire soit différente de ce que l'on pense", estime, philosophe, Benoît Famaey. Sauf surprise, l'humanité ne devrait pas résoudre ce mystère qui dure depuis plus de 80 ans dans les années à venir. Il faudra au moins 10 à 15 ans pour que le successeur de LUX livre ses résultats. Et si ceux-ci sont négatifs, il faudra encore plus de temps pour que les autres théories soient testées et que lumière soit faite sur la matière noire.

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