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Montréal 1976 : l'héritage des Jeux au-delà de Comaneci, Jenner et du dopage

Montréal 1976: l'héritage des Jeux au-delà de Comaneci, Jenner et du dopage

Le 17 juillet 1976, neuf ans après l'immense succès d'Expo 67, Montréal accueille le monde pour la deuxième fois. Après six années de préparatifs et de rebondissements, les Jeux olympiques d'été s'ouvrent enfin sur fond de guerre froide et de dopage. Les succès sportifs de Nadia Comaneci font en quelque sorte oublier que le Canada devient le premier pays hôte à ne pas gagner de médaille d'or.

Un texte de Jean-Patrick Balleux

Pas moins de 824 petites Nadia sont nées au Québec en 1976, soit le double de l'année précédente. Deux ans après les Jeux, il y en aura près de 2000. L'engouement pour la gymnaste roumaine aux sept notes de 10 a été immédiat. D'ailleurs, ceux qui croient que le comité organisateur a été pris de court par la première note parfaite aux barres asymétriques ont tort.

Lise Simard était responsable de la gymnastique féminine au Forum. « La première fois où il y a eu un 10, je pense qu'il y a eu un flottement partout. Mo,i j'étais à la table de direction avec la Fédération internationale. Ils ont dit : "Qu'est-ce qu'on fait?" Je leur ai dit : "Les systèmes sont prévus : afficher la note 1.00 sur le tableau et demander à l'annonceur de lire un texte déjà rédigé pour éclairer les spectateurs." », explique celle qui a longtemps oeuvré comme juge au niveau mondial.

Dans les mois avant les Jeux de 1976, Simard et ses collègues avaient remarqué que les notes de 10 avaient commencé à être décernées dans les grandes compétitions, comme les Championnats européens et mondiaux. « On est entrés en contact avec la Fédération internationale et Swiss Timing, le fournisseur. On voulait rouvrir le contrat pour obtenir un nouveau design de tableau d'affichage (à 4 chiffres) à chaque engin », indique Simard. Elle a essuyé un double refus.

Non seulement les tableaux d'affichage étaient déjà à Montréal quelques mois avant les Jeux, mais la Fédération internationale ne croyait pas voir des notes de 10 aux JO.

« C'est bien certain que ses performances du temps ne tiendraient pas la route aujourd'hui. Ce avec quoi elle a obtenu un 10 à Montréal en 1976, ce serait bon pour les Jeux du Québec », croit Simard. Le reste est affaire de légende...

D'autres légendes et le dopage

Légende comme Bruce Jenner au décathlon. L'Américain médaillé d'or avec un record du monde de 8618 points est devenu femme en 2015. « Je me questionnais sur mon identité sexuelle depuis mon jeune âge », a révélé Bruce devenu Caitlyn Jenner au réseau ABC. C'est en quelque sorte pour combattre ses « démons » qu'il a voulu devenir un symbole de force et de virilité dans ce qui était LA discipline reine des Jeux, bien avant le 100 m.

Du côté canadien, Greg Joy aura sans doute été celui qui aura le plus fait vibrer le stade olympique. Dans une lutte sans merci avec la pluie et le Polonais Jacek Wszola, Joy a empoché la médaille d'argent au saut en hauteur, l'une des 11 médailles du Canada en 1976, dont 8 à la piscine.

L'Américain John Naber s'est aussi illustré dans le bassin à 10 couloirs au lieu de 8, une nouveauté pour limiter les effets des vagues. Son palmarès? Cinq médailles, dont 4 d'or, comme Kornelia Ender, symbole de la récente domination sportive est-allemande, mais aussi, du dopage organisé à son insu par les services secrets du pays.

« En 1976, la Stasi a mis toutes ses énergies et ses officiers pour faire des Jeux olympiques de Montréal un grand succès », dit Gary Bruce au sujet du Staatsplan 14.25. Le professeur d'histoire de l'Allemagne a découvert un document de 95 pages dans les archives de l'ancienne police secrète est-allemande. « À la cérémonie d'ouverture, parmi les 500 athlètes de la délégation est-allemande, 70 étaient des agents secrets et ils ont été acclamés par la foule au stade », rigole Bruce.

L'opération Finale révèle aussi que les seringues et le matériel dopant inutilisés ont été jetés dans le fleuve Saint-Laurent à la fin des Jeux. Et que les dirigeants est-allemands avaient été choqués d'être confrontés à des soupçons de dopage en marge des compétitions.

À un journaliste nord-américain qui trouvait la voix des nageuses est-allemandes très grave, l'entraîneur de l'équipe a répondu : « Nous ne sommes pas ici pour chanter, mais bien pour nager. »

Sept des 10 premiers pays au classement des médailles étaient issus des pays de l'Est. L'Allemagne de l'est, par exemple, incapable de rivaliser avec la machine économique ouest-allemande, savait fort bien que le sport était un excellent véhicule pour accumuler du capital de sympathie à l'étranger et parmi sa population.

Lorsque l'haltérophile Pierre St-Jean prononce le serment de l'athlète à l'ouverture des Jeux pour promettre le respect des règles et de l'olympisme, il a déjà des doutes sur certains sportifs. « Ils battaient des records qui, normalement, ne devaient pas être battus », explique celui qui sera éliminé en trois essais à l'arraché. Ses pires Jeux après somme toute, de belles expériences aux Jeux de Tokyo en 1964 et de Mexico en 1968.

Ouverture sur le monde... sportif

Mis à part le hockey et la lutte, les Québécois n'avaient pas eu beaucoup d'occasions de découvrir d'autres sports. Yvan Dubois, maire du village des athlètes, a beaucoup travaillé pour faire passer de 12 % à 30 % la proportion de Québécois au sein de la délégation canadienne entre les Jeux de Munich et de Montréal.

« J'avais obtenu la location d'un hangar de Canadair pour 1 $ par année. On avait installé neuf sports pour préparer nos athlètes », indique Dubois, dont la photo avait fait le tour du monde lorsqu'il avait tenu la robe de la reine Élisabeth II victime du vent.

Hugues de Roussan se rendait tous les soirs à Saint-Laurent pour s'entraîner. « On avait de la misère à manger. Le beurre d'arachide était au menu quotidien. Mais en même temps, tous les soirs, on sortait de l'université pour aller s'entraîner », lance le joueur de handball.

Même si son équipe a perdu tous ses matchs, le simple fait d'avoir pris part aux Jeux le réjouit. « Je me rends compte avec le temps que je fais partie d'un club très sélect de Québécois à y avoir participé. »

Héritage sportif

Si le vélodrome et la piste de course ont disparu, l'héritage de 1976 aura aussi permis à Montréal de se doter d'infrastructures sportives de haut niveau. « Aujourd'hui, tout le monde parle du stade, estime Alain Guilbert, le directeur de l'information du COJO en 1976. Personne ne parle de Claude-Robillard. C'est le meilleur centre sportif à Montréal. Le centre Étienne Desmarteau, personne n'en parle jamais. À l'époque, le COJO a rénové plein d'endroits à ses frais. Au Forum, ils ont remplacé tout le système de glace artificielle. Ça fait partie du coût des Jeux, c'est resté et c'est le Canadien qui en a profité après. »

La médaille d'argent de Michel Vaillancourt en sports équestres à Bromont, l'épopée du boxeur Sugar Ray Leonard, la domination soviétique avec 125 médailles, dont 49 d'or, tous ont un souvenir différent des Jeux 40 ans après.

Pour Chantal Gilbert, escrimeuse, son premier souvenir restera son arrivée au village des athlètes. « J'entrais dans le village olympique pour la première fois avec mes bagages et, de l'autre côté, il y avait les Africains qui repartaient, ils étaient en pleurs. » Les membres de 22 pays africains avaient dû repartir en raison du boycottage causé par la présence des Néo-Zélandais à Montréal, accusés d'avoir fait une tournée de rugby en Afrique du Sud, pays de l'apartheid.

« C'était mon moment. Ça faisait des années que je me préparais pour les Jeux », confie Gilbert, 26e en fleuret individuel, longtemps le meilleur résultat jamais obtenu dans cette discipline.

Malgré le surcoût du stade, les Jeux de Montréal ont été un succès sportif et ont même servi de modèle à Moscou, Los Angeles et Séoul. Ces Jeux, contrairement à ce qu'on croit, ont même dégagé des surplus d'opérations de plus d'une centaine millions de dollars. Une somme reversée pour payer la dette des infrastructures qui aura été effacée complètement en 2006.

Pendant que Calgary songe à renouveler l'expérience pour 2026, pas question pour le maire de Montréal de retenter l'aventure olympique. « Je sais qu'il y a des gens qui aimeraient et d'autres villes qui veulent les Jeux avec nous, mais on a déjà donné, confie Denis Coderre. Moi, mon rêve, et on va laisser la FIFA s'organiser pour que tout fonctionne bien, c'est une finale de la Coupe du monde de soccer. Ce serait fabuleux. »

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